29/12/2009

L'héritage 6.2.


A la fin de la messe de funérailles, plusieurs personnes rendirent hommage à l'abbé Lefranc: l'abbé Bochout lui-même raconta comment il était arrivé au Chili et dans quelles paroisses il avait oeuvré. Il expliqua aussi comment le détective belge l'avait retrouvé y avait été lui-même arrêté en Bolivie. Un membre du conseil paroissial de San Gregorio rendit compte des succès de son ancien curé et rappela que, lamentablement, le prêtre avait décidé de partir suite à une fausse accusation que les tribunaux avaient descartée, rétablissant sa bonne réputation.

A la fin du service, un des assistants s'approcha de Trompel.
- Je m'appelle Gaspar Bagá et je suis journaliste de La Tercera. J'ai été un grand ami du Padre Guido. Vous devez être le détective qui a trouvé son corps, n'est-ce pas?
- En effet.
- J'en étais sûr, car vous avez une tête de "gringo", comme on dit ici. cela vous ennuierait-il de me raconter un peu ce qui s'est passé à La Paz? Moi-même, je pourrais vous donner quelques détails méconnus sur ce qui s'est passé ici et a motivé le départ de notre curé, si vous le désirez.
- J'aimerai en effet en savoir plus, surtout si cela peut m'aider -à moi-même, à la police et à sa famille- à comprendre ce qui est arrivé en Bolivie.
- Je pense qu'il pourrait bien en être ainsi en unissant les deux histoires. J'ai une voiture: vous pourriez me raconter la vôtre pendant que je vous conduit quelque part. Peut-être à votre hôtel?
- D'accord. Au San Cristobal.

Une fois dans l'auto, le belge raconta les détails de son aventure bolivienne. Il termina en expliquant ce qu'il avait appris la veille de l'inspecteur Gutiérrez. Ils arrivèrent à l'hôtel et le journaliste l'invita à prendre une boisson au bar, passant alors à raconter ce que lui savait des événements à Santiago.

- Comme vous le savez, l'abbé fut accusé par la secrétaire paroissiale de persécution sexuelle, accusation qui fut réduite à néant au cours du procès. La secrétaire fut alors accusée de faux témoignage et condamnée à six mois de prison qui furent remis car l'on put établir qu'elle avait agit sous les menaces de son mari, lequel -à son tour- fut condamné pour violence intra-familiale. Ce qui ne transcendat pas, c'est que cet homme faisait office de courrier pour les petits narco-trafiquants du quartier et que, d'une certaine façon, il sut que l'abbé avait entendu en confession un traficant connu. Celui-çi, repenti et probablement à instance de notre curé, avait collaboré plus tard avec l'OS7, la brigade spéciale anti-drogue des carabiniers, notre police uniformée.
Bien que ce n'était pas le cas, les autres trafiquants pensèrent que Lefranc avait trahi le secret de confession, et c'est pour cela que le mari de la secrétaire l'obligea à accuser le prêtre, pour qu'il perde son prestige et soit obligé à se taire. Tout cela, j'ai pu le déduire parce qu'avant le procès, le Padre Guido m'avait dit qu'il avait reçu une forte somme d'argent d'un délinquant repenti et considérait qu'il devait rendre compte à la police de ce cadeau, pour éviter des ennuis futurs, mais sans révéler le nom de son bienfaiteur ni d'autres détails. Avec ce qui fut dit au cours du procès et l'information publique sur les arrestations des carabiniers, il m'a été facile d'établir la relation et reconstruire la suite faits. Et avec ce que vous venes de me dire, la chose est encore plus claire. Le procès de l'abbé ne donna pas l'effet espéré mais obtint son départ. Il commit l'erreur de s'arrêter en Bolivie et de parler de son trajet avec plusieurs personnes avant de partir. Les trafiquants d'ici furent mis au courant de ses projets touristiques et transmirent cette information à leurs contacts boliviens, qui décidèrent de l'eliminer définitivement, de peur, sans doute, qu'il n'y parle aussi avec la police, comme ils croyaient qu'il avait fait ici. Cela aurait pu être très dangereux pour eux.
- Je suis d'accord. Tout semble se combiner au mieux de cette façon. Je vous remercie pour cette information, au nom des parents du défunt, qui avaient déjà été fort surpris par l'accusation contre lui, étaient fort peinés par sa décision de rentrer en Belgique et ne comprenaient rien à la demande de rançon. Bien sûr, ils ont encore plus peine mainnetant, suite à sa mort. Mais ce que vous m'avez dit les aidera à comprendre, sans nul doute. Nous sommes une fois de plus, d'une certaine façon, face à un nouveau cas de victime du secret de la confession.



¡ Bonne Année !

22/12/2009

L'héritage 6.1.

Chapitre 6


Le jour suivant, à midi, Trompel aterrissait de nouveau à Santiago. Il prit de nouveau le mini-bus de Transfer jusqu'à l'hôtel San Cristobal. L'hôtel était cher, mais il n'avait pas envie d'en chercher un autre. De plus, tous ses frais seraient remboursés. Après s'être de nouveau enregistré et une fois dans sa chambre, il téléphona à l'abbé Bochout pour lui donner les mauvaises nouvelles. Celui-çi en fut très affecté et lui dit qu'il organiserait le jour suivant à sa paroisse une messe pour le repos éternel de son confrère. Il inviterait tous les anciens amis et paroissiens de Lefranc, à une messe de midi.

Le détective appela ensuite l'inspecteur Figueroa qui, lorsqu'il entendit le nom de son correspondant, ne le laissa pas parler.- Vous êtes arrivé! Et maintenant vous êtes fameux ici! -lui dit-il-. Cardoso m'a raconté vos aventures à La Paz et votre expérience à El Alto. Et comment votre séquestre a permis de découvrir le responsable de l'assassinat de l'abbé Lefranc et de nous donner des pistes au sujet du trafic entre le Sentier du Soleil et les trafiquants chiliens. Cela ne correspond pas à mon département, mais mon collègue Fernando Gutiérrez, de la brigade des narcotiques, est très heureux et voudrait vous parler pour obtenir plus de détails. Je vais l'avertir de votre arrivée. Vous êtes toujours logé au San Cristobal?

Trompel confirma où il était et lui dit qu'il était à sa disposition. Il lui parla aussi de la messe qui serait dite pour l'abbé défunt et qu'il espérait pouvoir alors parler davantage avec l'abbé Bouchout. Ensuite ils se saluèrent et coupèrent la communication.

Le belge n'avait encore une fois plus rien à faire -croyait-il- et, après avoir déjeuné à l'hôtel, s'en fut se promener au Parc Métropolitain qui montait depuis l'hôtel vers le mont Saint Cristophe, qui domine la ville. Au retour, on lui passa un message de l'inspecteur Gutiérrez qui le priait de le recevoir le lendemain à neuf heures du matin.

Le soir venu, il reçut un appel de Bochout qui l'avertir de ce que la messe aurait lieu à la paroisse de San Gregorio, où l'abbé Lefranc avait exercé son ministère, et non pas à San Cayetano, et lui indica comment arriver là-bas.

A l'heure convenue, le lendemain, le détective Gutiérrez se présenta à l'hôtel. Il demanda d'abord à Trompel de lui raconter comment il était arrivé à La Paz et ce qui s'y était passé.- Je ne savais pas que vous suiviez les traces de l'abbé Lefranc -lui dit alors le policier-. Cela n'apparait pas dans le rapport que nous avons reçu. On nous a informé seulement que vous aviez été séquestré puis libéré, mais que grâce à se séquestre on avait pu arrêter plusieurs policiers corrompus qui révélèrent des pistes sur le trafic de drogue entre le Sentier du Soleil et les narcos chiliens. Ce que vous me dites maintenant jette de nouvelles lumières sur le cas Lefranc. Je ne peux pas vous donner tous les détails, mais il existait plusieurs pistes douteuses que nous pourrons mieux explorer maintenant. A ce que m'a dit Figueroa, quelques-uns de nos hommes seraient compromis et seront interrogés aujourd'hui même par notre unité de sécurité interne. Là, tout devrait s'éclairer. Nous vous en remerçions beaucoup.

De cette façon, la mauvaise expérience vécue en Bolivie mettait Trompel en excelntes relations avec la police civile chilienne.

15/12/2009

L'héritage 5.5.

Quand la nuit tomba, un autre homme s'approcha de la grille. Celui-çi portait un uniforme, mais el détective ne put savoir s'il était policier ou militaire.- Alors, voici le gringo qui veut offrir une rançon pour le curé beau-parleur. Salut, petit gringo! Tu apportes de l'argent? Maintenant, c'est toi qui en auras besoin, si tu veux sortir d'ici. Et si on te le permet.

Trompel dut passer la nuit couché sur le sol, sans avoir mangé et tremblant de froid. Au matin, on lui lança un morceau de pain et on lui mit un verre d'eau par terre. Pour ses besoins, il découvrit un trou dans un coin. L'odeur qui en sortait lui en confirma l'usuage.

Pour passer son temps, il se rappela une fois de plus tout ce qu'il avait fait depuis l'appel de Lefranc. On ne lui donna pas à manger et personne ne parla plus avec lui durant toute la journée. Le soir venu, on lui lança de nouveau un morceau de pain et on lui mit un verre d'eau.

Il était près de minuit lorsqu'il entendit des cris et le martèlement d'armes automatiques au dehors de sa prison, suivis d'autres cris et de courses dans le bâtiment. Il semblait qu'il y avait un combat furieux. Le bruit se prolongea plus d'une demi-heure. Puis le silence revint enfin. Un peu plus tard, il entendit des pas qui se rapprochaient, dans le couloir des cellules. Quand ils s'arrêtèrent devant sa grille, un militaire en tenue de camouflage lui demanda qui il était. Il lui donna son nom et sa nationalité, expliquant qu'il avait été séquestré à La Paz.
- Ayez un peu de patience -lui dit-on-, nous allons le confirmer. Si tout est correct, vous pourrez sortir d'ici dans moins de deux heures.- Que c'est-il passé? -demanda-t'il. Mais on ne lui répondit pas. Le militaire était parté et parlait avec un autre détenu.

Deux heures plus tard, on le faisait sortir de la prison et une jeep militaire l'emmenait à son hôtel. En sortant, un officier lui présenta les excuses des autorités et lui expliqua que l'armée vait repris d'assaut le village et abattu la plupart des rebelles. Il demanda si l'on avait trouvé Tupac Inti.- Nous ne savons pas qui c'est. Ce n'est pas son vrai nom. Le plus probable est qu'il n'ait pas été ici. Il glisse mieux qu'un poisson.- lui répondit le militaire.

Dans les rues d'El Alto, il vit de nombreux morts et des maisons en flammes. Mais à La Paz, tout était tranquille. Après avoir pris une douche, il passa enfin une nuit réparatrice dans un vrai lit et ne sut rien des bruits des autres chambres. Le matin suivant, il se dirigea au bureau de l'inspecteur Cardoso et lui raconta ce qui lui était arrivé.

- J'ai été mis au courant de votre séquestre -lui dit celui-çi-. Nous avons un de nos hommes infiltré dans la police d'El Alto pliée au mouvement guerrillero et il m'a averti. Il entendit ce que le sous-préfet vous a dit et aussi qu'il se vantait, devant ses compagnons, d'avoir liquidé "le curé gringo qui avait été un informant de la police chilienne" pour venger ses compagnons de Santiago qui avaient été arrêtés. Cet homme est maintenant dans notre prison ici et nous le cuisinons. Il lui faudra nous dire aussi comment il a su de votre arrivée et comment il a organisé le séquestre. Et ses complices seront arrêtés. Avec de la chance, nous découvrirons ses liens avec les trafiquants et ses éventuels contacts avec la police chilienne.
- Je me demande comment ils ont pu me connaître et être au courant de ma relation avec Lefranc. Vous croyez que des policiers chiliens peuvent être impliqués? Là-bas, ils m'ont dit que la corruption policière était extrêmement rare.
- Ils se sont probablement informés ici, peut-être en interceptant vos communications téléphoniques. Ne vous en faites pas: tôt ou tard, je le saurai et vous nettoyerons le service de ces mauvais éléments. Mais, comme vous vous en êtes rendu compte, je ne peux me rendre responsable de votre sécurité. Il vaudra mieux que vous quittiez le pays au plus tôt. Que faisons-nous avec le corps de l'abbé Lefranc?
- J'ai parlé avec son père et il était très affecté. Il me demanda quelques heures pour y penser, mais je n'ai pas eu l'occasion de l'appeler de nouveau.
- Voulez-vous le faire d'ici? Sera-ce une heure adéquate en Belgique?- Ce serait parfait. Là-bas, il doit être trois heures de l'après-midi. Antoine Lefranc doit être à son bureau.

Trompel dicta le numéro et Cardoso lui passa le combiné. Il y eut un bref dialogue, Trompel s'excusant d'abord pour son retard "du à des raisons indépendantes de sa volonté" -il ne voulut pas entrer dans les détails pour ne pas créer plus de confusion à son client- et, finalement, il rendit l'appareil au policier bolivien.
- Il m'a dit de faire la crémation et d'envoyer ses cendres à Bruxelles. Et il m'a autorisé à payer ce qui soit nécessaire.
- Je cois pouvoir obtenir qu'on le fasse aujourd'hui même. Ainsi, vous pourriez emporter ses cendres si vous partez demain. Je vous enverrai l'urne et le permis de sortie à votre hôtel. N'en sortez plus. Personne n'osera vous attaquer à l'intérieur. Et demain matin, une auto-patrouille vous mènera à l'aéroport. De quelle compagnie est votre billet?
- De LACSO.
- D'accord. Je m'assurerai aussi qu'on vous embarque même si le vol est complet. Et je vous prie de nous excuser pour cette mauvaise expérience. J'espère que vous pourrez revenir dans de meilleures circonstances!
- Je ne peux pas dire que la perspective soit agréable. L'altitude, de plus, ne facilite pas le tourisme.
- C'est vrai. Mais vous ètes jeune et si vous n'êtes pas malade du coeur, vous vous aclimateriez très rapidement. Enfin, il est clair que ce n'est pas le moment! Bon voyage de retour, et je regrette une fois de plus ce qui s'est passé! Assurez monsieur Lefranc que l'assassin de son fils recevra la peine la plus dure. Maintenant, un de mes hommes va vous reconduire à votre hôtel et le même vous conduira à l'aéroport demain. Ne vous fiez de personne d'autre!
- Merci pour tout et au revoir!

Une voiture-patrouille conduisit Trompel de retour à l'hôtel. Sans rien à faire, il prit les journaux du jour et se mit à lire le long reportage sur les événements de la nuit antérieure. Il sut ainsi que les unités de l'armée qui avaient attaqué El Alto étaient composées exclusivement d'aymaras, traditionnellement en lutte avec les quichuas auxqueles appartenaient les guerrileros. Cela avait évité que ceux qui controlaient le village soient mis aucourant de l'action militaire et avait permis de les surprendre et de pénétrer rapidements leurs défenses. Les quichuas étaient les descendants des incas alors que les aymaras étaient une population beaucoup plus ancienne qui avait été asservie par les incas et cultivait toujours leur ressentiment contre les dominateurs, tout comme les quichuas le cultivaient contre les descendants des espagnols.

La narco-guérilla était constituée en majorité de quichuas qui voulaient reconstituer l'ancien empire inca des sommets des Andes. Le Sentier du Soleil bolivien avait des liens étroits avec la Sentier Lumineux maoïste du Pérou et celui-çi, à son tour, avec les FARC de Colombie, tous se finançant grâce au trafic de drogue basé sur la culture de la feuille de coca, une tradition indigène immémoriale pour son usage médicinal et religieux sous forme d'infusion ou de feuille mâchée. Mais quelqu'un avait découvert un moyen chimique pour en extraire son principe actif et en multiplier l'effet, avec des conséquences désastreuses pour la santé et la formation d'un commerce tout aussi lucratif qu'illégal.

08/12/2009

L'héritage 5.4.

Après la conversation téléphonique avec Lefranc, Trompel passa boire une bière au bar Daikiri de l'avenue du Prado. Il buvait à la barre, quand entrèrent deux agents de police.. Ils se mirent à demander les documentos d'identité à tous les clients, en commençant par ceux qui étaient les plus proches de la porte. Quand ils arrivèrent à la barre, Trompel leur montra son passeport de la Communauté Européenne. Ils le regardèrent page par page.

- Un gringo! [terme despectif] -dit l'un d'eux.
- Que venez-vous faire ici, petit gringo? -dit l'autre.- Nous n'aimons pas les gens qui viennent du Chili. Ils nous ont volé la mer et ça, nous ne l'oublions pas.
- Vos problèmes avec le Chili ne m'intéressent pas. Je fais du tourisme. Je voudrais connaître les ruines de Tiwanaku -répondit Trompel, faisant fort attention à pronocer le nom de cet endroit à la manière bolivienne.
- Tiwanaku! Tiens! Vous êtes peut-être archéologue?
- Pas du tout. Mais je m'intéresse pour le passé.
- Eh bien, nous sommes fiers de notre passé. Et nous allons nous assurer de mieux vous le faire connaître. Accompagnez-nous!
- Pourquoi? Et où?
- Vous le verrez bien. En route!

Et ils le conduisèrent dehors. Au bord du trottoir était stationnée une auto avec le moteur en marche et les portes ouvertes du côté droit. Deux hommes en civil, armés, regardaient la porte du bar.

- Le gringo veut connaître Tiwanaku -dit l'un des agents, le poussant hors du bar et leur faisant un signe.
Les civils prirent alors Trompel par les bras et l'obligèrent à monter dans la voiture qui parti à toute allure vers le haut de la ville. Le belge vit qu'ils prenaient la route qui allait vers l'aéroport. Allait-on le déporter? Bien qu'il savait que c'était aussi la route à Tiahuanaco, il ne pensait pas que les hommes armés l'emmenaient faire une visite guidée du site.

Ils n'allèrent ni vers l'aéroport ni vers les ruines. Ils arrivèrent au village de El Alto. Il y avait une barricade à l'entrée de la rue et des sentinelles qui les arrêtèrent. Il y eut un échange dans une langue que Trompel ne comprenait pas, probablement du quechua, puis l'auto continua jusqu'à s'arrêter devant le poste de police. Il était donc aux mains des rebelles du Sentier du Soleil qui avaient pris d'assaut la petite ville. Sans lui dire un mot, on le fit enrer et, au fond des installations, on l'enferma dans une cellule. Elle n'avait pas plus de deux mètres sur deux, était fermée par une grande grille et était totalement vide.

Après avoir attendu quelque temps debout, il opta pour s'assoir par terre. Il entendait constamment des bruits de pas. Le temps passa lentement. Il finit par s'ennuyer et se mit à crier:
- Je suis belge. Je veux parler à Tupas Inti. Je viens négocier le paiement d'une rançon.

Il le répéta plusieurs fois, jusqu'à ce qu'un homme vêtu d'un poncho à la façon indigène et armé d'une mitraillette s'approcha de la grille.
- Tu veux donc parler à Tupac Inti! Qui crois-tu que tu es? Personne ne parle avec lui! C'est notre chef, mais nous ne l'avons jamais vu. Pourquoi le verrais-tu, toi?
- Il a demandé de l'argent pour libérer l'abbé Guido Lefranc. Je viens de la part de son père pour discuter ce paiement.
- Pourquoi devrais-je te croire? Les affaires d'Inti sont ces affaires, pas les nôtres. Je ne sais pas qui est ce curé. Je n'ai jamais entendu parler de lui.
- Pourquoi me retenez-vous ici? Je suis entré légalement dans ce pays et je n'ai commis aucun délit.
- Mais tu sais de choses de Tupac Inti. Et tu l'accuses. Tu n'est pas un ami. Tu es venu nous espionner et nous t'avons trouvé à La Paz. Nous n'aimons pas les espions gringos. Tu auras sous peu ta récompense.

Et l'homme s'en fut, laissant Trompel encore plus inquiet qu'avent.

01/12/2009

L'héritage 5.3.

Le matin suivant, Trompel alla à l'adresse que lui avait donné l'abbé Bochout: une petite coopérative dirigée par des volontaires belges à La Paz. Elle était dans la mème rue Ballivian, à une quinzaines de pâtés de maisons. Comme la rue descendait en pente douce, il y fut à pied. Il trouva là un petit magasin d'artisanat dirigé par une femme. Il se présenta de la par de l'abbé Bochout et la vendeuse -qui administrait en réalité le local- lui répondit en français. Trompel lui expliqua qu'il cherchait Guy Lefranc, que celui-çi avait quit´´e Santiago pour La Paz mais avait disparu et qu'on demandait pour lui une rançon, ce qui faisait penser à un séquestre. Elle se montra très surprise. Guy les avait effectivement visités et avait logé avec l'abbé Verhelst, aumônier de la coopérative, mais était partit pour Cuzco, d'où il devait poursuivre son voyage.

Le détective insista, demandant si elle n'avait rien observé d'étrange durant le séjour de l'abbé Lefranc. Elle se rappela alors que, un jour que l'abbé était dans ce même local, duex inconnus l'avaient abordés et ils avaient longuement parlé. Ils n'avient pas regardé les produits mais avaient abodré tout de suite le prêtre. Comme elle allait et venait, servant les clients qui entraient et sortaient, elle n'avait pas entendu grand'chose. Mais elle était tout près quend ils entrèrent et avait pensé à les servir. Ils s'étaient alosr adressés à Lefranc et elle avait entendu que l'un deux lui avait dit qu'il était chilien et qu'il l'avait connu à Santiago. Par après, il lui avait semblé qu'il y avait une petite discussion et que l'abbé niait plusieurs fois de la tête. Quand les hommes sortirent, l'un d'eux avait lancé que "Nous nous reverrons bientôt". Elle demand à son compatriote s'il avait des difficultés, mais il répondit que c'étaient des sans-vergogne qui voulaient "l'arranger". C'était tout et cela ne lui avait pas semblé important. Elle pourrait donner une description très aproximative des deux hommes, mais pas assez précise pour un portrait-robot, ne les ayant pas pu bien les examiner du fait qu'elle avait eu d'autres clients.

Trompel retourna lentement, à pied, à son hôtel, pensant à cette rencontre. Lefranc avait donc été abordé par des hommes qui étaient au courant de son voyage et qui avaient pu le trouver. Et ils l'avaient sans aucun doute menacé. Mais il semblerait qu'il n'y avait pas attribué d'importance et il avait, sans doute, été intercepté durant son trajet vers la frontière péruvienne ou durant sa visite à Tiahuanaco. Il serait nécessaire de vérifier s'il était ou non sorti de Bolivie. Le moment était venu de contacter le policier local qui lui avait été recommendé.

A l'hôtel, il s'informa de l'adresse du quartier général de la police puis trouva un taxi qui allait dans cette direction y l'y déposa. Il demanda à parler à l'inspecteur-chef Julio Cardoso, du Cinquième Département, comme le lui avait recommendé à Santiago le comissaire Figueroa. On lui demanda son passeport et on demanda qui l'envoyait. Lorsqu'il eut donné le nom du policier chilien, le réceptionniste téléphona puis lui indiqua de monter au troisième étage, où on l'attendrait. Il n'y avait pas d'ascenseur. Après une montée laborieuse, il arriva en soufflant à l'étage indiqué. Impossible d'oublier l'altitude de La Paz! Il y avait un bureau sur le palier et on lui demanda de nouveau son passeport. Ensuite on lui dit de frapper à la troisième porte à gauche après la division qui coupait le couloir. Il avança lentement, tentant de reprendre haleine. En arrivant à la porte indiquée, celle-çi s'ouvrit et un homme âgé, maigre et sec, se présenta et le fit entrer.

- Je suis l'inspecteur Cardoso. Ainsi que vous êtes envoyé par mon bom ami Figueroa, de Santiago. Comment va l'homme? Toujours dédié à l'art?
- Il va bien et continue à poursuivre el voleurs et falsificateurs.
- Et que puis-je faire pour vous? Pouquoi vous envoie-t'il ici? Vous êtes belge. En quoi pouvez-vous avoir besoin des services de la police d'un pays si lointain du vôtre?

Trompel lui parla alors de l'enquête qui lui avait été confiée par le père du disparu et de ce qu'il avait appris à Bruxelles, à Santiago et, maintenant, à La Paz. Et aussi du conseil de Figueroa de ne pas s'adresser à la police bolivienne sinon au travers de Cardoso. 

- Figueroa a pleinement raison. Nos hommes de service dans les rues ne sont pas très confiables, mais ils se limitent normalement à de petits pourboires. Avec les inspecteurs et détectives, la chose est plus complexe. Plusieurs sont impliqués dans le trafic de drogue et mon travail ici est justement de les découvrir. Mais il y a plus grave, ces jours-çi. Vous aurez su que la guérilla du Sentier du Soleil a occupé le village de El Alto. C'est un mouvement indigéniste qui cherche le rétablissement du Tiwantinsuyo, l'ancien empire inca, qui devrait passer aux moins des indiens quechuas. La prise de El Alto n'aurait pas été possible sans l'appui d'une majorité des policiers de cette localité, ce qui est très compliqué pour nous. Nous ne savons pas combien de nos hommes, ici à La Paz et dans le reste du pays, sympatisent our sont même membres du Sentier du Soleil. Si celui qui réclame la rançon pour l'abbé Lefranc signe Tupac Inti, il est clair qu'il est ou a été prisonnier du Sentier.

- A été? Il pourrait ne plus être en leur pouvoir malgré que la rançon n'a pas encore été payée?
- Malheureusement, c'est possible. Il y a eu plus d'un séquestre ou, malgré le paiement, la victime est apparue morte ou n'est jamais reparue. Je m'imagine que vous désirez savoir si je peux vous aider?
- En effet, c'est bien le but de ma visite.
- Vous ne m'avez pas donné beaucoup de pistes, mais tout fait penser que cette personne a été poursuivie par des narcotrafiquants. Le lien avec la guérilla n'a rien de surprenant. Le Sentier se finance avec la vente des feuilles de coca, qui est une culture traditionnelle des quechuas. Je pourrais vous mettre en contact avec un détective confiable de la brigade anti-narcotiques. Mais ils sont surchargés de travail. Avant, cependant, il convient de faire autre chose: nous assurer de ce qu'on ne l'a pas encore retrouvé. Comme je vous l'ai dit, les criminels n'attendent pas toujours que la rançon soit payée. Et si elle doit venir de l'étranger, ils attendent encore moins qu'on vienne enquêter ici. Je vais donc envoyer un ordre aux morgues des différentes provinces pour qu'ils nous avertissent s'ils ont quelqu'un qui répond à sa description. Vous avez peut-être une photo et ses empreintes digitales?
- je peux vous donner sa photo: j'en ai reçu plusieurs dans ce but. Mais le Registre Civil belge ne prend pas les empreintes et on ne les mets pas sur les documents d'identité, ce qui fait qu'il m'est impossible de vous les donner. 
- Espérons donc que la photo soit suffisante. Y que nous ne trouvions personne, bien entendu!
- Quand aurez-vous des nouvelles?
- Je demanderai l'urgence maximale. Ainsi, je pourrais vous donner une réponse demain dans la journnée. Pour ne pas perdre de temps, j'avertirai aussi les collègues confiables de la brigade de narcotiques et ceux qui sont chargés du Sentier. Nous avons là quelques infiltrés qui pourraient nous être utiles. A quel hôtel êtes-vous descendu?
- Au Ballivian.
- Pas très fameux, n'est-ce pas?
- Non, mais à l'Intercontinental, ils ont dit ne rien savoir de ma réservation et il était complet.
- Une chose fréquente ici! Ils voulaient sûrement un pourboire.
- Même cela ne servit à rien.
- Pas de chance, alors. Je le regrette. Restez près de votre hôtel demain. Je vous y téléphonerai lorsque j'aurai les réponses.
- D'accord et grand merci. Réellement, je n'espèrais pas une réponse aussi favorable et rapide.
- Pour que vous voyez que tout ne fonctionne pas mal ici! A demain!

Le jour suivant, Trompel se sentit obligé de rester à l'hôtel et il se mit à lire, en attendant l'appel téléphonique de Cardoso. La Paz n'était pas un ville où l'on pouvait sortir se promener avec facilité, et il ne lui convenait pas de s'éloigner s'il voulait re´ponde au plus tôt au policier. Dans le lobby, il acheta deux journaux: un bolivien -pour connaître les nouvelles locales- et le New York Times, qui arrivait avec deux jours de retard, pour avoir plus de nouvelles de l'extérieur que le peu de choses que disait la télévision locales dans ses informatifs.

Le journal local lui apprit que, au cours de l'année, il y avait eu une vingtaine d'assassinats dans la capitale et ses environs, tous liés au trafic de drogue selon la police. Un journalistes dénonçait que l'Etat lui-même était infiltré, du fait même que l'exploitation et la vente de la plante de coca est légale, bien que la production de cocaïne ne l'est pas. Mais il n'existait qu'un scanner pour contrôler les charges importées et exportées, et les précurseurs de la drogue s'importaient depuis le Chili de façon habituelle. Les frontières, avec de multiples cols non contrôlés dans la cordillère des Andes, étaient extrêmement perméables, et la drogue les traversait avec facilité. Et elle était une importante source de financement pour la guérilla du Sentier du Soleil, comme elle l'avait été au Pérou et en Colombie.

Mais Trompel ne trouva aucune information su sujet de séquestres. Celui de Lefranc avait été un fait extraordinaire? Dans le revue achetée à Santiago, on parlait cependant de deux colombiens et rois argentins séquestrés en Bolivie. Mais le journal local ne parlait pas d'eux.

Peu après midi, le téléphone sonna. C'était Cardoso.
- Mon ami, j'ai de très mauvaises nouvelles pour vous. A la morgue de Desagüadero, le port sur le lac Titicaca d'où l'on traverse vers le Pérou, il y a un inconnu qui correspond à la photo que vous m'avez donnée. Selon le rapport qu'ils m'ont envoyé, il avait été trouvé par des touristes près des ruines de Tiahuanaco. Il tenait dans la main un poignard avec lequel il se serait suicidé. Il n'avait aucun document d'identité y, s'il n'y avait ma demande, il aurait été crémé dans quelques jours. Dans la situation actuelle, on ne garde pas les cadavres non-réclamés plus d'une semaine. Je dois vous dire que je n'aurais jamais cru la thèse du suicide: personne ne se tue avec sept coups de poignard! Mais les règlements de comptes sont fréquents et on n'enquête peu souvent à fond sur de tels faits. J'ai demandé que le cadavre nous soit envoyé, pour que vous puissiez le rapatrier si vous le désirez. Il devrait m'arriver demain si nous n'avons pas trop de problèmes à El Alto. ¡Cette affaire là est vraiment complexe!

Trompel remercia l'information et dit qu'il la communiquerait au père du défunt pour lui demander ses instructions. Il sortit ensuite pour déjeûner et s'en fut au bureau des Postes et Télégraphes pour téléphoner à Bruxelles. Si c'était possible, il vaudrait beaucoup mieux parler directement avec Antoine Lefranc et prendre ensemble les décisions que de lui envoyer un e-mail d'un cyber-caffé et attendre la réponse, surtout avec une nouvelle aussi grave.

La conversation avec Antoine Lefranc fut très pénible, comme prévu. L'homme s'effondra. Il demanda un peu de temps pour assimiler la nouvelle et ils se mirent d'accord pour se recontacter le jour suivant. Il donnerait alors au détective ses instructions relatives au cadavre.

24/11/2009

L'héritage 5.2.

Une explosion suivie d'un court bruit de cascade réveilla Trompel en sursaut. Il s'appêtait à se glisser sous le lit pour se protéger lorsque, mieux réveillé, il se rendit compte qu'un voisin peu sensible aux convenances sociales venait d'utiliser les toilettes adjacentes. Un coup d'oeil à son réveil l'informa qu'il était à peine une heure et demie du matin et qu'il avait à peine dormi une heure. Maudissant le bruit intrus, il tenta de retrouver le sommeil, mais il semblait que la partie analytique de son cerveau en avait décidé autrement et préférait passer en revue les derniers événements.

Ce que l'abbé Bochout lui avait dit au passage au sujet du trafic de drogue l'avait inquiété et, à l'aéroport de Santiago, il avait acheté une revue qui abordait ce thème. Il alluma la lumière, chercha la revue et se mit à lire. L'article abordait le trafic de la cocaïne dans les pays andins et se basait sur un rapport des Nations Unies [réel, divulgué en juin 2008] qui commençait avec l'Argentine, où avait été enregistré le plus haut taux de consommation de cocaïne de l'Amérique du Sud et le deuxième de toute l'Amérique, après les Etats-unis. Mais ce pays n'est pas un producteur. La drogue lui arrivait de la Bolivie et du Chili.

Le Chili avait été constitué en couloir, spécialement pour envoyer la drogue du Pérou et de la Bolivie vers l'Europe. Trompel savait déjà ce qui se passait dans des quartiers comme La Legua. Mais il lut de plus que, dans les "poblaciones" (quartiers périphériques) du sud de Santiago, les narcos recourraient aux anciens membres des groupes subversifs d'extrême gauche. Beaucoup de ceux-çi avaient mis en vente leurs services durand la deuxième moitié de la décade de 1990, quand les vols de banques et de transports de valeurs se firent de plus en plus risqués. "Des gens qui, après avoir lutté contre la dictature de Pinochet fut laissée à son sort après le retour à la démocratie" et qui facilièrent alors aux trafiquants l'accès à de meilleures armes, leur enseignèrent à esquiver la police et à minimiser les interceptions téléphoniques. [Journal "El Mercurio" - Revue "El Sábado", 7-02-2009]

Au Pérou, tout comme en Colombie, les narcos s'étaient unis à la guérilla, dans ce cas le Sentier Lumineux. Mais ensemble, ils avaient été déroutés au temps du président Fujimori et, actuellement, en entendait peu parler de trafic dans ce pays. Il était cependant indoutable qu'il servait encore -tout au moins- de corridor pour encheminer la drogue depuis la Colombie vers le Chili, car étaient nombreuses les confiscations faites par la police chiliennes dans l'extrême nord du pays et à l'aéroport de Pudahuel (Santiago) dont l'origine était le Pérou.

Bien que moins importante que la Colombie, la Bolivie est un producteur nuturel de cocaïne -de fait, le tiers de la production mondiale en provient- car les plantations de coca y sont légales, formant partie de la culture ancestrale des anciennes populations quechuas. Son destin semblait de ce fait inévitable: suivre la route de beaucoup de nations latinoaméricaines et convivre avec le trafic de drogue, son argent et les morts que produisent cette fortune. "Aucun pays n'héberge le narcotrafic sans compromettre, tôt ou tard, son propre Etat avec ces intérêts. Et aucun Etat ne se nettoye facilement du narcotrafic une fois que celui-çi l'a perforé, parce qu'il n'y a pas suffisemment d'argent propre pour pouvoir atteindre la grandiose générosité de l'argent facile et illégal." [El Mercurio, 21.08.2008]

Bien que la chronique journalistique parlait souvent des crimes des cartels colombiens et mexicains, la Bolivie n'était pas exempte de ce fléau, bien qu'il y sembla beaucoup moins sanglant. Cependant, dans le cours de l'année, il y avait eu une vingtaine d'assassinats dans la capitale bolivienne et ses alentours, tous liés au trafic, selon les déclarations de la police. Les plus récentes avaient été deux citoyens colombiens tués dans un centre commercial et trois hommes d'affaires argentins troués de balles et abandonnés dans un terrain vague. Un de ces derniers avait fait un apport considérable à la campagne électorale du président l'année antérieure et approvisionnait de produits pharmaceutiques un service de l'Etat.

Un autre article était une transcription du Wall Street Journal sur ce qui se passait au Mexique. Mais ce qui se passait à la frontère des Etats-Unis n'intéressait plus Trompel. Ce qui l'intéressait, c'était ce qui se passait à la frontière entre la Bolivie et le Chili. Les commentaires de l'abbé Bochout avaient mis en marche quelques circuits de son cerveau et son intuition lui disait que tout cela pouvait être lié à la disparition de l'abbé Lefranc. Le comissaire Figueroa lui avait dit que les ´sequestres étaient peu courants au Chili. Mais ils l'étaient en Colombie et au Mexique, où le narcotrafic dominait tout. Lefranc avait-il eu quelque chose à voir avec les trafiquants du Chili? Il éteignit la lumière et s'endormit.

17/11/2009

L'héritage 5.1.

Chapitre 5

L'avion pour La Paz devait partir de Santiago à 8h15 et la compagnie chilienne LASCO avait cité ses passagers pour 6h15 à l'aéroport. Jef Trompel trouva cette anticipation exagérée et l'attribua au traditionnel manque de ponctualité des chiliens. Il commanda donc un taxi pour 6h15 et arriva une demi-heure plus tard à Pudahuel, alors que l'aube commançait à teignir de rouge les sommets des Andes. Après avoir fait la file durant une quizaine de minutes au comptoir de la ligne aérienne, il voulut se diriger vers le contrôle d'émigration sans attendre l'appel des haut-parleurs. Mais il découvrit alors que la queue pour passer ce contrôle traversait tout le hall. Quatre vols devaient partir avant 8 heures et il n'y avait que deux policiers pour vérifier les passeports! Un quart d'heure plus tard, la file se mit à avancer rapidement, six autres douanniers ayant pris leur service. Mais le mal était fait: le retard des premiers vols de la journée bloquait celui des autres, et son avion partit avec une heure de retard. Il était midi lors de l'escale d'Arica, la ville la plus nortine du Chili, à la frontière péruvienne. Après trente minutes à terre et une autre demi-heure de vol, le capitaine annonça la descente vers l'aéroport de La Paz. Installé près d'une lunette, du côté gauche de l'avion, le détective put contempler le lac Titicaca, souvent signalé comme le plus haut du monde. Entre quelques nuages épars, on distinguait parfaitement ses îles naturelles et artificielles, celles-ci faites de joncs flottant en grande quantité sur les eaux bleues. Bien que l'avion descendait, Trompel ne put distinguer si elles était habitées car l'avion virait rapidement pendant sa descente. Quelques minutes plus tard, il aterrissait à El Alto, le terminus aérien construit sur le plateau qui domine la capitale bolivienne.

Lorsqu'il se présenta au contrôle des passeports, on lui demanda son certificat de vaccination. Il n'en avait aucun et expliqua que personne ne l'avait averti de sa nécessité: il y avait vingt ans qu'on ne le demandait plus pour l'Amérique Latine. On le fit alors passer à un petit bureau latéral. Il lui sembla que personne d'autre n'avait été interpelé par manque de vaccination. Tout le monde l'aurait? Ou s'agissait-il plutôt qu'il était le seul "gringo" dans ce vol? Le mettrait-on en quarantaine ou le renverrait-on au Chili?

Unagent arriva enfin et, face à sa demande d'explication, lui répondit que, dans la forêt orientale, il y avait des risques de fièvre jaune et de malaria et lui demanda s'il contait aller là-bas. Il le nia, disant qu'il comptait rester à La Paz. On lui demanda alors dix dollars et on lui donna un certificat de vaccination contre la fièvre jaune. Mais on ne le vaccina pas et on n'exigea pas de quarantaine. Il comprit alors parfaitement qu'il s'agissait simplement de l'exigence d'un pot-de-vin.

Pour récupérer sa valise, il dut aller au dépôt vu que les courroies transportant les bagages ne fonctionnaient plus. Et il dut la chercher entre des dizaines de valises, peut-être perdues ou destinnées à être embarquées dans d'autres vols. Finalement, il la trouva et s'en fut vers la sortie, où il se vit obligé à prendre un taxi car les bus pour La Paz avaient aussi disparu avec les derniers passagers arrivés.

Le conducteur lui expliqua qu'ils devraient prendre une route inhabituelle, pour éviter le village de El Alto qui avait été pris d'assault par la narcoguérilla du Sentier du Soleil. Ils avaient détruit une partie du commissariat de police avec une fusée loew, avaient occupé la maison communale et avaient lynché le bourgmestre. Celui qui commandait là maintenant était le commandant Tupac Inti.

Après plus d'une demi-heure par des routes empierrées, ils arrivèrent enfin à la route asphaltée qui descendait dans l'étroite vallée où était construite la ville de La Paz, la capitale administrative du pays.

Le taxi laissa Trompel à l'hôtel International, dans la centrale avenue du 16 Juillet aussi appelée Paseo El Prado. Là, il avait réservé une chambre par Internet. Mais on lui dit qu'il n'y avait pas trace de cette réserve et que l'hôtel était complet. Bien qu'il passa un autre billet de dix dollars au réceptionniste, celui-çi ne trouva aucune chambre disponible et lui recommenda l'hôtel Ballivian, dans la rue du mème nom. Bien qu'il n'était pas très loin, il dut prendre un autre taxi car, pour un étranger, à plus de quatre mil mètres d'altitude, il était impossible de monter une côte avec une valise, chose nécessaire pour arriver à cette rue. A La Paz, avec l'excepction de l'avenue principale, qui suivait le fond de la vallée, toutes les rues montent et descendent abruptement. Il dut alors attendre qu'un autre passager arrive à l'hôtel International, car tous les taxis ordinaires sont collectifs et évitent les passagers qui ne vont pas dans la direction demandée par le premier qui l'a abordé, plus encore s'ils sont chargés d'une valise.

Il arriva finalement au Ballivian où, une fois de plus, on lui dit que l'hôtel était complet, mais les dix dollars fuernt suffisants pour qu'on lui donne la clé d'une chambre. Vu la fatigue due à l'altitude et aux péripéties de son arrivée, il n'eut pas le courage de faire autre chose cet après-midi. Il mangea un sandwich au bar de l'hôtel et se coucha tôt.

10/11/2009

L'héritage 4.3.

Arrivant à huit heures du matin à l'aéroport Commodore Arturo Merino Benítez de Santiago, Trompel se fit conduire à l'hôtel San Cristobal, que le commissaire Servais lui avait suggéré parce que son assistant s'y était logé pour une enquête qui l'avait conduit à mener un prisonnier à Santiago [Voir "Artecal"]. De l'hôtel, il appela inmédiatement l'abbé Bochout par téléphone et lui explica sa mission. Le prêtre lui confirma qu'Antoine Lefranc l'avait averti de sa venue et l'invita à déjeûner à sa paroisse, pour pouvoir parler plus longuement. Il lui suggéra de prendre un taxi et de se faire conduire jusqu'au coin de l'avenue Santa Rosa avec l'avenue Comandante Riesle, un croisement qui était à cinq pâtés de maisons de la paroisse.
- Je vous attendrai à ce coin à une heure et demie -lui dit-il-. Personne ne vous amènerait à la paroisse car elle se trouve dans le quartier de La Legua, un des plus mal famés de Santiago, où aucun chauffeur de taxi n'entrerait jamais. Il ne convient pas plus que vous y entriez seul, parce qu'on vous agresserait. Avec moi, au contraire, vous ne courrerez aucun risque.

A l'heure convenue, Trompel descendit du taxi à l'entrée de La Legua et vit tout de suite l'abbé Bochout qui l'attendait et le salua. Tout en le conduisant vers la paroisse, le prêtre lui expliqua que le nom du quartier se devait à sa distance du centre de la ville: une lieue (4,8 km) au sud de la Grand-Place. En chemin, le détective put observer les ruelles étroites, transversales par rapport à l'avenue qu'ils suivaient, avec de petits monticules et de petites maisons de vives couleurs dont les façades semblaient faites de plaques de béton préfabriquées. Et aussi des groupes de jeunes réunis aux coins, qui le regardaient avec curiosité et airs de pas amis. L'abbé lui dit ainsi que celui-çi était un des endroits les plus dangereux du pays à cause de la quantité de drogues et d'armes qui circulaient entre ses habitants, surtout aux mains de mineurs d'âge. La Police Civile avait pu désarticuler d'importantes bandes rivales mais, au cours de la dernière année, de nouveaux groupes criminels s'étaient consolidés, formés de jeunes gens de 13 à 17 ans, membres des familles des narcotrafiquants emprisonnés. Selon la police, ces adolescents maniaient de vrais petits arsenaux de pistolets de 9mm et d'armes artisanales qu'ils cachaient dnas les maisons de leurs voisins, payés pour leur aide. Bien que la police faisait chaque mois une dizaine de descentes et une cinquantaine d'arrestations, le problème ne diminuait pas. La plupart des détenus étaient relâchés au bout de quelques jours parce que la quantité de drogue trouvée était minime ou parce que c'étaient des mineurs, non punibles. [Données du journal El Mercurio, 22-02-2009]

Arrivés à la maison paroissiale, ils abordèrent le thème du séquestre de Guy Lefranc. L'abbé Bochout exprima sa préoccupation mais n'y trouvait pas d'explication. Trompel le questionna au sujet du procès qui avait précipité le départ de son confrère, mais le prêtre raconta la même chose que lui avait dit son client à Bruxelles, sans pouvoir ajouter de détail utile.

Avec eux déjeûnait un jeune homme que le curé présenta comme un dirigeant de la jeunesse paroissiale. Celui-çi raconta qu'il était devenu un grand ami du père Guido -comme tous l'appellaient à Santiago- et que ce dernier lui avait commenté son goût pour l'archéologie. Ils avaient ainsi été ensemble à San Pedro de Atacama, visiter le musée du père Gustave Le Paige, un jésuite belge qui avait été le premier à faire des excavations dans le désert d'Atacama et de trouver là les restes d'une antique culture préhispanique.

Le père Guido lui avait aussi confié, peu avant son départ, qu'il comptait visiter Tiahuanaco, en Bolivie, et Machu Picchu, au Pérou, au début de son voyage de retour vers la Belgique. Ainsi, il avait dû prendre un vol pour La Paz, d'où il était facile d'aller à Tiahuanaco. De là, il pouvait aussi traverser le lac Titicaca et poursuivre vers Cuzco, Machu Picchu et ensuite Lima, ce qui pouvait être le trajet choisi.

Trompel demanda s'il y avait moyen de vérifier cela et l'abbé Bochout lui dit qu'il pouvait consulter l'agence de voyage qui avait son bureau au rez-de-chaussée de l'archevêché, à la rue Erasmo Escala, et qui était celle qui prêtait ce service à tous les prêtres étrangers.

Quand ils terminaient le repas, ils entendirent des coups de feu et le martèlement d'armes automatiques. Un autre jeune, fils de la cuisinnière, entra en courrant.

- Les tires (façon locale de désigner les détectives) attaquent Emergencia! Ils sont arrivés dans des blindés.
- Nous avons traversé le secteur d'Emergencia quand je vous ai ammené ici -expliqua le curé à Trompel-. C'est le secteur qui paraît le plus pauvre et où se cachent le plus de trafiquants. La police le ferme et le passe régulièrement au peigne fin pour arrêter les délinquants et confisquer les armes et la drogue. Mais la bataille est chaque fois plus violente. C'est pourquoi, depuis peu, la police n'entre plus ici qu'avec des véhicules blindés. Il vaudra mieux que vous partiez par l'autre extrémité: il serait impossible maintenant de retourner par où vous êtes venu.

Ainsi, l'abbé conduisit le détective belge du côté opposé du quartier et le laissa près de la fabrique de textile Sumar, d'où partaient des mini-bus vers le centre de Santiago. Il lui dit que le bus le mènerait jusqu'à l'Alameda, l'avenue centrale de Santiago, qu'il reconnaîtrait facilement. Il devrait en descendre juste après avoir croisé l'autoroute qui coupe la ville en deux, peu après être passé devant le palais de la Monnaie, siège de la présidence de la République. Il serait là à deux pas des bureaux de l'archevêché.

Après une demi-heure de trajet, Trompel trouva l'agence de voyage. Tout d'abord ils ne voulurent pas l'informer au sujet du voyage de l'abbé Lefranc mais il explica alors la raison de sa requête et leur signala que, s'ils refusaient de lui répondre, la police viendrait sans nul doute faire la même question, vu qu'il rencontrerait le lendemain un inspecteur de la police civile. Ils acceptèrent alors de lui confimer que le billet d'avion acheté par Lefranc couvrait la route Santiago, La Paz, Sao Paulo, Madrid et Bruxelles.

Le comissaire Servais avait donné à Trompel le nom et le téléphone du comissaire Figueroa, de la PDI de Santiago, avec qui il avait été en contact lors de l'affaire Artecal. De retour à l'hôtel vers quatre heures, Trompel demanda le numéro de téléphone de la PDI et, ensuite, le comissaire Figueroa. Celui-çi lui fixa rendez-vous pour le lendemain matin à neuf heures.

Peu avant neuf heures, le jour suivant, le belge prennait donc un taxi qui descendit le long de la rivière Mapocho jusqu'à l'ancienne gare du même nom d'où partaient, il y a quelques années, les trains vers l'Argentine, mais qui avait été transformée en centre culturel, comme lui expliqua le chauffeur. A peine terminée l'explication, ils s'arrêtaient devant le grand bâtiment du quartier général de la PDI, la police civile, à la rue du Général Mackenna.

Quand Trompel rencontra le comissaire Figueroa, celui-çi lui signala qu'il n'avait aucune relation avec le genre de délit que le belge lui relatait: son travail était de contrôler le patrimoine historique et de poursuivre les voleurs d'oeuvres d'art ou objets archéologiques, les falsificateurs et les trafiquants. Mais cela, en tous cas, lui permettait de vérifier si une personne déterminée avait quitté le pays et quand. Ainsi, il téléphona au bureau de contrôle des frontières et confirma que Guy Lefranc était bien parti à la date signalée par Trompel, avec pour destination La Paz. Il recommenda alors au belge, s'il allait à cette ville pour poursuivre ses recherches, qu'il contacte l'inspecteur Julio Cardoso, du Cinquième Département, la fiscalie interne de la police nationale bolivienne, avant de contacter tout autre organisme, car -suite au trafic de drogue- beaucoup de policiers étaient corrompus et donc peu fiables. Moins encore dans un cas comme celui-çi.

03/11/2009

L'héritage 4.2.

Antoine Lefranc lui raconta alors l'histoire de son fils. Il avait étudié au Séminaire pour l'Amérique Latine, à Louvain, et était parti au Chili trois ans auparavent, après avoir été ordonné prêtre. A Santiago, après quelques mois d'adaptation chez le père Bochout, il avait été destiné à la paroisse de San Gregorio, dans un quartier pauvre et mal famé, comme il on le faisait souvent avec les prêtres étrangers. Il semblait que l'archevêché comptait sur une bonne réception de la part des fidèles -ce qui était exact- et aussi qu'ils apporteraient des fonds de leur pays d'origine, pour y survivre et développer des oeuvres, ce qui n'était pas toujours le cas. Et il était très difficile aux prêtres de vivre avec ce que l'église locale pouvait leur payer. Théoriquement, leurs frais devaient être couverts par les apports des fidèles, mais c'était rarement le cas. Antoine dut envoyer plusieurs fois de l'argent à son fils pour qu'il puisse vivre de façon décente.

Il y a quelques mois, il avait été accusé de persécution sexuelle par la secrétaire paroissiale. Il avait été détenu pendant trois mois car il n'avait pas de quoi payer la caution pour être libéré provisoirement. Il fut immédiatement suspendu de ses fonctions sacerdotales par le cardinal. Le procès conclut avec sa libération et une déclaration d'innocence, la secrétaire étant accusée de faux témoignage. L'abbé Lefranc pourrait lui avoir à son tour fait un procès, mais il ne le fit pas, appliquant le principe chrétien du pardon. L'archevêché lui offrit une autre paroisse mais il refusa car, ayant accompli une période de trois ans de séjour, il vait droit à des vacances en Belgique et il avait confié par lettre à son père qu'il avait de bonnes raisons pour ne plus retourner au Chili, mais sans les lui préciser. Il pensait les lui expliquer personnellement à son retour.
C'était là toute l'histoire.

- Le séquestre pourrait-il être en relation avec cette accusation contre lui? -demanda Trompel.
- Je n'ai aucun motif de le croire. Mais je n'ai pas su ce qui pouvait avoir poussé la secrétaire à faire cette accusation.
- Peut-être y a-t'il eu une raison et, lorsque le juge eut absout votre fils, on passa à une autre phase pour le châtier pour quelque chose.
- C'est possible, surtout dans un quartier comme celui de sa paroisse, selon ce qu'il a pu me raconter dans ses lettres. Mais c'est ce que vous devrez découvrir en voyageant à Santiago.

Trompel ouvrit alors la photo jointe au courriel. Elle montrait un jeune homme qui tenait devant lui un journal. Le détective agrandit la photo et put lire le titre et la date: c'était le journal "El Mercurio" de deux jours auparavent.

- Vous savez d'où est ce journal?
- Non. Mais il doit être du Chili, je suppose.
- Ah oui. Il dit bien "Santiago de Chile". Cela pourrait être une piste. Mais ce qui est important, en tous cas, et c'est ans doute la raison de son envoi, c'est qu'il démontre que votre fils était vivant avant hier. Pouvez-vous me l'imprimer?
- Bien sûr. Je vous donnerai aussi d'autres photos de Guy, au cas où vous en auriez besoin pour interroger des témoins ou obtenir de l'aide au cours de votre voyage.
- J'allais vous le demander. Merci.
- Puis-je encore vous être utile pour autre chose?
- Je ne crois pas. Je pars demain pour Santiago et j'y serai après-demain. Il ne restera que deux jours du délai fixé par les séquestreurs. Je vous suggère d'être prêt à remplir leurs exigences si je n'obtiens pas de résultat en si peu de temps.
- Soyez sûr que je ferai le nécessaire. Mais s'il nous en fallait arriver là, je vous prierais de continuer vos rechjerches jusqu'à avoir des nouvelles de mon fils.
- Vous pouvez y compter! Je vous maintiendrai au courant de toutes mes actions.

Ils se séparèrent alors et Trompel partit faire sa valise pour partir le lendemain. Mais il prit aussi le temps d'ouvrir Internet et de chercher le journal "El Mercurio" sur la toile. Il trouva l'édition du jour et chercha celle de deux jours avant, vérifiant que c'était bien celle qui apparaissait sur la photo de Guy Lefranc: on n'avait donc pas tenté de fausser la situation.

Le voyage Paris-Santiago fut un vrai supplice. L'avion était complet et il n'y avait donc aucune possibilité d'occuper un siège extra. De plus, de nombreux passagers avaient dédaigné la limite de bagages autorisés en cabine et bien des paquets dépassaient des espaces sous les sièges. Etendre les jambes était donc une mission impossible. Le fauteuil "réclinable" se refusait à se déplacer plus de quinze degrés. Le voisin semblait vouloir passer la nuit à lire et n'étaignait pas sa veilleuse. Trompel décida donc d'extraire sa casquette de son sac de voyage et se la mit sur les yeux. Il se tourna d'un côté puis de l'autre. Se mit en chien de fusil. S'étira de nouveau. Bref, de demi-heure en demi-heure, il changea de position et la nuit finit par passer.

27/10/2009

L'héritage 4.1

Deuxième partie

Chapitre 4

C'était l'année 2004, sept ans auparavent, un matin de mars. Jef Trompel était à son bureau de la rue Fossé aux Loups. Il n'y avait que deux semaines qu'il avait abandonné la Police Judiciaire belge pour s'établir à son compte. Le téléphone sonna et le détective entendit une voix inconnue:
- Monsieur Trompel?
- Lui-même, pour vous servir.
- Je m'appelle Antoine Lefranc. Je voudrais vous confier une affaire, tout au moins si vous parlez espagnol.
- Je parle espagnol, français, flamand, bruxellois, arabe, anglais: tout ce qui se parle à Bruxelles et qui peut être nécessaire pour faire honneur à ma profession.
- La chose est importante, car l'affaire qui m'amène vous obligera probablement à voyager au Chili.
- Dites-moi de quoi il s'agit, et je vous dirai si cela entre dans mes possibilités.
- Bien. Voilà: Mon fils est parti au Chili il y a trois ans. Il y aura bientôt un mois que je n'ai plus reçu de nouvelles de lui, et il aurait dû arriver la semaine passée, après être passé part la Bolivie, le Pérou et la Colombie. Et je viens de recevoir un e-mail qui me demande une rançon pour sa libération. Et pas moins d'un million de dollars. J'ai réussi à contacter un prêtre belge qui vit à Santiago et le connaissait très bien, mais selon lui il aurait quitté le pays à la date que je connaissais, après une étrange accusation de persécution sexuelle. Nous ne pouvons recourrir à la police chilienne vu qu'officiellement il a quitté ce pays, et il est possible qu'un organisme local de sécurité soit impliqué dans l'affaire. Selon la police belge, que je viens de consulter, il est sûr qu'il n'est pas arrivé ici. C'est le commissaire Servais qui m'a donné votre nom et votre téléphone. Nous voudrions bien savoir où est mon fils et ce qui lui est passé. Et s'il est possible d'éviter ou de réduire la rançon, car elle est totalement en dehors de mes moyens. Si vous pouvez vous faire charge de ce cas, quelles seraient vos conditions?
- Si je n'avais aucun contact au Chili, je déclinerais sans doute votre demande. Mais il se fait que j'ai un cousin professeur à l'Université Catholique de Santiago, qui pourra sûrement m'aider sur place en cas de besoin. Le prêtre belge que vous signalez sera aussi sûrement une grande aide. Quant aux conditions, je vous réclamerai 800 euros par semaine plus les frais: voyages, hôtels, paiement éventuel d'informateurs, etc. Je vous ferai au moins un rapport par semaine, pour justifier la semaine suivante et mes déplacements.
- Pouvons-nous fixer nous aussi nos conditions?
- Quelles seraient-elles?
- D'abord un contrat écrit. Ensuite la possibilité de réévaluer la situation et suspendre éventuellement votre enquête au reçu de chacun des rapports. Des déplacements hors du trajet Bruxelles-Santiago et escales intermédiaires devraient compter sur notre autorisation écrite. Et l'enquête ne devrait en aucun cas durer plus de deux mois. Nos possibilités financiaires ne le permettraient pas.
- C'est d'accord. Je pense que si je n'arrive à rien en six semaines, c'est que le cas est vraiment perdu. Et je le lamenterais beaucoup, évidemment.
- Quand pouvez-vous commencer?
- Je viens de le faire. Vous aurez demain le contrat. Je voudrais voir ce e-mail, mais une copie ne me sert à rien: il me faut avoir accès à l'original que vous avez reçu, pour tâcher d'en détecter l'origine. Puis-je vous rendre visite? J'en profiterais pour vous interroger plus longuement sur le disparu. A propos, comment s'appelle-t'il?
- Il s'appelle Guy Lefranc; moi je suis Antoine et ma femme s'appelle Louise. Vous pouvez venir demain matin si vous le voulez. L'adresse est boulevard Lambermont 1485 à Schaerbeek, près du parc Josaphat.

Après s'être mis d'accord sur l'heure du rendez-vous, Trompel et Lefranc raccrochèrent.

Trompel descendit au rez-de chaussée de l'immeuble où il avait son bureau, au 28 de la rue Fossé-aux-Loups, et sortit vers la droite, où était l'Agence "Air Stoper" qu'il utilisait régulièrement. Il y entra et demanda qu'on lui réserva un billet pour Santiago le plus tôt possible. La connection la plus rapide était Bruxelles-Paris-Santiago, par Air France et il serait en tête de la liste d'attente pour le surlendemain, ce qui était une chance, car tout était réservé pendant au moins trois semaines. En sortant, il prit maintenant vers la gauche et entra à la Librairie Castaigne où il acheta un guide sur le Chili qui contenait des cartes, entr'autres une du centre de Santiago. L'avoir en poche lui serait plus utile que de devoir se connecter à Internet chaque fois qu'il voudrait une information.

A l'heure convenue, il entrait chez Antoine Lefranc, face au parc Josaphat. Son client le reçut et le fit monter à son bureau, qui était au premier étage de l'hôtel de maître qu'il occupait. Il offrit un siège au détective, face au meuble de bureau et prit place dans un fauteuil d'exécutif de cuir, de l'autre côté. Ensuite il lui explica:
- Ce message, après le retard de mon fils, nous a rendu très appréhensifs. Comme je vous ai dit, j'ai tout de suite téléphoné au père Bochout, le supérieur des prêtres diocésains belges au Chili et curé de la paroisse de San Cayetano, où Guy fut vicaire un certain temps. Il m'a dit que mon fils était parti à la date convenue et pensait qu'il serait déjà arrivé ici. Il ne savait rien d'éventuelles difficultés au cours de ce voyage et ne pensait pas que les accusations de persécution sexuelle -dont mon fils avait été l'objet et qui avaient été écartées par la justice- puissent être à la source d'un séquestre.
- Voyons donc cet e-mail. Vous êtes connecté à Internet en ce moment?
- Oui. Je vous le montre tout de suite.

Lefranc manipula la souris puis tourna l'écran vers Trompel. Le mail disait:
-Padre Guido en notre pouvoir. Mettre un millon de dolares sur compte 81-72-377694-136 International Bank Caiman Island. Avez une semaine. Non police ou mort.

L'expéditeur était tupac@gmail.com et le mail était accompagné d'une photo qui devait ètre déchargée. Le détective décida de la regarder plus tard. Il devait maintenant voir les données complémentaires de l'envoi, pour tâcher de savoir d'où il provenait réellement. Il cliqua sur l'option qui permettait de voir ces détails d'origine mais les données relatives au serveur d'origine étaient pervertis et inutilizables. Celui qui avait envoyé le message savait comment couvrir ses traces.

20/10/2009

L'héritage 3.

Chapitre 3

Trompel retourna à la maison Lefranc, descendit au sous-sol et repassa à la cave où étaient les vieilles peintures. Mais aucune ne ressemblait aux travaux de Breughel. Il bougea les cadres, regardant derrière, mais il n'y avait que des toiles d'araignées. Rien d'écrit non plus, ni sur les murs ni au revers des peintures. Il repartit pensatif: la piste devait être autre chose.

Il jugea alors qu'il devait aller au musée, pour voir la peinture donnée. Le Musée des Beaux Arts était fermé ce jour-là et il passa une aprtie de la nuit à penser au problème, sans que lui vint une autre idée. Le matin venu, il prit un tram et s'en fut à la rue Royale, près du Sablon, où était le musée. Il demanda où était le cadre et alla directement là: il représentait des gens buvant dans une taverne. A première vue, cela ne lui disait rien. Aucune pièce de la maison de Lefranc ne pouvait être assimilée à cette tarverne. Mais il s'agissait peut-être d'un détail qu'il ne reconnaîtrait que sur place. Il décida dond d'acquérir una copie assez grande de la peinture et, l'emportant roulée, retourna au boulevard Lambermont. Comme elle pouvait désigner une autre peinture, il commença par revisiter les places où il y avait des cadres de peintres flamands: le salon et la salle à manger. Mais rien de ces illustrations ni du reste de la décoration ne coïncidait avec la peinture de Breughel.

Il descendit alors de nouveau au sous-sol et entra à la cave aux cadres. De nouveau, aucune des reproductions ne pouvait être associée à l'oeuvre trouvée. Quelle serait donc la piste? Peut-être un détail des murs de la taverne breughelienne? Il l'examina donc en détail puis les murs de la cave. Et il découvrit le point commun: un ancrage en fer forgé, semblable à une croix de Saint André, dans le haut d'un des murs. Il étira la main et tenta d'en tirer, mais le fer ne bougea pas. Il ne s'enfonçait pas non plus sous la pression. Il tâcha alors de le fer tourner dans l'un et l'autre sens. Au deuxième essai, il entendit un craquement et sentit passer une légère bouffée d'air frais tandis que bougeait légèrement le plus grand des cadres appuyés au même mur et qui descendait jusqu'au sol. Il s'en approcha et le retira du mur: derrière, une partie du mur avait disparu et il voyait l'entrée d'un petit tunnel.

Il dut se courber pour entrer et, quand il eut passé le seuil, une petite ampoule s'alluma. Il y avait un étroit escalier tournant, de pierre, qui descendait à un niveau inférieur. En bas, face aux derniers degrés, il y avait une porte métallique avec, au-dessus, un écusson moyenâgeux couronné d'un casque à plumes. Mais la porte était fermée et il ne put l'ouvrir. Il y avait une serrure et il lui en fallait, évidemment, maintenant trouver la clé. Où cela? Il devait donc y avoir une nouvelle piste quelque part. Il chercha dans sa mémoir ce qui, dans la maison, pourrait être en relation avec cette porte. La seule piste qui lui sauta aux yeux était le casque empenné. Il se souvint alors de la collection de statuettes du salon, où il y avait des hommes vêtus selon l'usage de différentes époques de l'histoire et, entr'eux, un chevalier du Moyen Âge en armure et avec casque.

Il remonta quatre à quatre les escaliers et courrut au salon mais il eut beau manipuler et secouer la statuette, il ne trouva aucune indication et elle ne sonnait pas creuse, au cas où elle aurait contenu la clé. Cela devait être une fausse piste, bien trop facile. Il examina d'autres statues, mais toutes étaient solides et n'avaient aucun message à leur base.

Il retourna alors au tunnel et à la fameuse porte qu'il examina de nouveau avec plus d'attention. Bien qu'il avait manipulé le pommeau en tentant de l'ouvrir, il n'en avait pas remarqué les détails, très difficiles à apercevoir en raison de la basse illumination de l'endroit. En le touchant de la pointe d'un doigt et en écarquillant les yeux, il vit qu'il y était gravée une couronne. Une couronne royale. Et dans la chambre à coucher principale, il y avait une photo de Lefranc avec le roi Baudouin: une autre possible coïncidence. Et une piste? Plus calme, il monta à la chambre et, prenant le cadre, le démonta, trouvant une clé entre le carton et la photographie.

Trompel redescendit à la cave cahée et ouvrit la porte sans difficulté. Il se trouva alors dans une petite pièce voûtée, où une lampe néon s'alluma automatiquement lorsqu'il entra. Il n'y avait là qu'une petite table et une chaise; et sur la table un petit ordinateur portable. Il s'approcha et s'assit devant l'ordinateur, qu'il alluma. A ce moment, la porte se ferma avec un coup sec qui le fit sursauter et il faillit renverser la chaise.
- J'espère que Lefranc n'aura construit ce puzzle pour finir par m'enfermer ici jusqu'à ce que je meure de faim -pensa-t'il-. La réponse doit être dans cet ordinateur.

Le système d'exploitation termina de se charger et de lancer une application. La face d'Antoine Lefranc apparut sur l'écran et commença à parler:
- Monsieur Trompel ... si vous êtes bien Joseph Trompel, bien sûr, chose qu'il nous faudra vérifier ... J'Espère que vous ne serez pas fâché parce que j'ai fait fermer la porte. Elle s'ouvrira à nouveau lorsque vous aurez démontré que vous êtes la personne que j'attends. S'il n'en est pas ainsi, vous resterez ici pour toujours, à moins que le vrai Joseph Trompel ne vous libère.

- Je vais vous faire une série de questions. Répondez aussi brièvement que possible. Le programme analisera vos réponses. Quelle fut l'arme du crime contre mon fils?
- Un poignard.
- Cela, l'assassin le savait aussi, ainsi que ceux qui l'on trouvé et, sans doute, ceux qui ont ordonné sa mort. Allons à quelque chose de plus personnel. Comment avez vous su qui l'a tué?
- Par la confession de l'assassin, lorsque j'étais à El Alto.
- Qu'a-t'on trouvé d'inattendu sur le corps de mon fils?
- Un tatouage.
- Qu'est-ce qu'il représentait?
- Un soleil.
- Qu'avait-il d'extraordinaire?
- Personne ne l'avait jamais vu et il semblait frais.

Trompel commeça alors à se souvenir des péripéties de son enquête au sujet de la disparition de Guy Lefranc, qui l'avait mené quelques années plutôt à voyager au Chili et en Bolivie.

13/10/2009

L'héritage 2.

Chapitre 2

 Pendant qu'il retournait à son bureau, Trompel se répétait sans cesse la même question: pourquoi Antoine Lefranc avait-il signé Guy? Il se souvenait parfaitement de cette enquête, qui l'avait obligé à voyager au Chili et en Bolivie pour essayer de retrouver Guy Lefranc et où lui-même avait été séquestré et où, finalement, il n'avait trouvé qu'un cadavre. En effet, Guy Lefranc avait été trouvé avec un poignard dans sa main, la même arme avec laquelle il avait été tué, ce qui était un contresens. Pourtant, cela n'avait pas inquiété la police bolivienne qui l'avait trouvé près de ruines de Tiahuanaco, avait conclu à un suicide (!) et ne l'avait pas pu identificar avant l'arrivée du détective belge.

Mais pourquoi son père revenait-il sur ces faits après sept ans, alors que les responsables étaient en prison?

Le lendemain, avec la lettre en main, Trompel se rendit à la maison des Lefranc, au boulevard Lambermont, en face du parc Josaphat. Il entra dans le vestibule, faiblement illuminé par les rayons de lumière qui pénétraient par la petite lucarne de la porte d'entrée et par la porte entr'ouverte d'une place qui donnait vers la rue. Bien que le sol était couvert d'un tapis, ses pas résonnaient dans le vide absolu de la maison.

Il entra alors dans la première pièce, un salon commode, avec plusieurs fauteuils et un divan de cuir, une petite table centrale en verre et, au mur, une étagère avec une collection de statuettes. Sur les côtés, pendaient des cadres avec des reproductions de peintures flamandes de Rubens, van Eyck et Jordaens. La place suivante était la salle à manger, avec les meubles habituels, modernes et de bonne qualité, et aussi des copies de peintures classiques aux murs. Ensuite venaient la cuisine et un cabinet de toilette pour les visites.

Trompel monta alors les escaliers, trouvant le bureau du défunt -où il avait été reçu des années auparavent-, la chambre à coucher principale, en suite avec la salle de bain. et la chambre du fils avec une autre petite salle de bain. Dans la chambre principale, il vit une photo d'Antoine et sa femme en compagnie du roi Baudouin et une autre d'Antoine avec Guy. Dans le bureau, un mur entier était couvert d'une étagère pleine de livres et avec quelques statuettes de personnages fameux comme Napoléon. A un autre mur, il y avait aussi des cadres. Il ne serait pas étrange que l'un d'eux cache un coffre-fort mais, en ce moment, il ne désirait pas le chercher: il voulait d'abord avoir une connaissance générale des lieux. Le mur face à la porte d'entrée donnait vers la rue et était percé de deux fenêtres. Sur le meuble de bureau, il y avait une photo du fils disparu et une autre de l'épouse.

Revenant à l'escalier, le détective monta à l'étage suivant. Là, il y avait deux chambres meublées simplement qui donnaient vers la rue et, du côté postérieur de l'immeuble, deux mansardes avec lucarnes. Il redescendit, pensatif, et se rappela que ce type de maison avait un grand sous-sol. Au fond du vestibule, il découvrit un autre escalier qui y descendait et l'interrupteur qui permettait de l'illuminer, car l'endroit était totalement obscur. Il descendit. Ouvrant une porte après l'autre, il trouva d'abord la cave au chauffage central, puis le tanque de combustible, une pièce remplie de caisses et divers objets au rebus, et enfin une cave apparemment vide, sauf encore quelques cadres anciens pendant aux murs. Il y avait finalement une laverie, avec une machine à laver moderne et une sécheuse de linge. Il retourna alors au rez-de-chaussée et s'assit dans l'un des fauteuils du salon pour continuer à réfléchir.

Cette première inspection de la maison ne lui avait donné aucune idée au sujet de ce que Lefranc voulait qu'il découvrisse. Il se demanda alors quelle était la première piste dont il disposait. Ce ne pouvait être que la signature de la lettre: Guy au lieu d'Antoine. Lefranc avait-il voulu ainsi lui indiquer qu'il devait chercher une photo de son fils? Celle de son bureau peut-être? Il monta donc de nouveau et la regarda des deux côtés. Il n'y avait rien de particulier en vue. Il la sortit alors du petit cadre. Au verso, il y avait deux chiffres: 29.11. Le plus probable lui sembla que ce soit une date: 29 novembre. Il savait que ce ne pouvait être la date de la mort de Guy, vu que la date exacte n'avait pas été établie et que, de toutes façons, elle correspondait au mois de mars. Serait-ce la date de son anniversaire? Il décida alors de téléphoner au notaire et de lui demander si cette date lui disait quelque chose. Celui-çi lui confirma que c'était la date anniversaire mais aussi que le testament portait aussi la date du 29 novembre, de 2003.

Cette date était donc doublement importante. Mais cela ne lui disait toujours pas ce qu'il devait chercher. Il pensa alors qu'il pourrait être utile de consulter les journnaux de cette date et du lendemain. Il s'était peut-être passé autre chose que Lefranc aurait jugé important pour lui et pourrait être une autre piste. Il quitta donc la maison et s'en fut à la Bibliothèque nationale, au Mont des Arts, pr`s de la Gare Centrale. Il y demanda les journaux du 29 et du 30 novembre 2003. Le 29, il ne trouva rien d'intéressant. Mais le 30, Le Soir mentionnait que monsieur Lefranc avait fait don au Musée des Beaux Arts d'une peinture méconnue de Breughel, qu'il "avait découverte cachée dans sa cave". Le détective se souvint alors de la cave avec vieilles peintures. Cela devait être la piste!

06/10/2009

L'héritage 1.

Cette semaine commence un nouveau roman!

  • Le groupe terroriste péruvien Sendero Luminoso réalise des attaques armées en Bolivie pour financer la réarticulation dans son pays, a dénoncé hier le journal La Razon de La Paz, qui recueille les déclarations d'un policier, lequel a signalé que "les groupes irréguliers estiment que réaliser un braquage en Bolivie est un jeu d'enfant." (El Mercurio, Santiago, 7-3-2009)

    Aucun pays n'héberge le trafic de drogues sans compromettre, plus tôt que tard, son propre Etat dans ces intérêts. Et aucun Etat se nettoye facilement du trafic quand celui-çi l'a perforé, parce qu'il n'y a pas d'argent licite capable d'atteindre la grandiose générosité de l'argent facile et illégal. (El Mercurio, Santiago, 21-8-2008)



Chapitre 1

Jef Trompel avait été convoqué par le notaire Jean Dufresne, ce qui avait été pour lui une énorme surprise. Le notaire, dont l'élégant bureau se trouvait dans l'ample et riche avenue Louise, lui avait seulement dit qu'il s'agissait d'un testament. Devrait-il peut-être chercher les héritiers perdus d'un riche défunt? Cela n'était pas très courant mais cela lui était arrivé au moins une fois dans sa carrière de détective privé. Mais pas avec maître Dufresne, qu'il ne connaissait pas. Ainsi, il ne s'expliquait pas la convocation et ce fut avec une grande curiosité qu'il entra dans l'étude. Maître Dufresne, après l'avoir salué et invité à s'assoir, commença à expliquer ce qui était arrivé:

- J'ai appris que monsieur Antoine Lefranc a été votre client. Comme vous le savez sans doute, du fait de la mort de son fils il est resté sans héritier. Ainsi, à la suite de sa propre mort, ses biens devaient passer à ceux qu'il désignerait par testament ou bien, au cas où il n'y aurait personne, ils passeraient à l'Etat. Eh bien, monsieur Lefranc a fait un testament et m'a chargé d'appliquer les dispositions qu'il contient. Je vous ai convoqué parce que vous avez été désigné héritier, tout comme aussi la Fondation Saint-Vincent-de-Paul. La fondation recevra les biens meubles, que je ne suis pas autorisé à faire connaître, alors que vous avez droit à l'immeuble où vivait mon client. Comme vous devez le savoir, la fondation est exempte des droits de succession, étant une institution philanthropique. Mais il n'en est pas de même pour vous. Et n'étant pas membre de la famille, dans votre cas le taux est le plus haut. Comme la valeur foncière de la maison est de troiscent mille euros, vous auriez à payer cent trente mille. Si vous ne disposez pas de cette quantité pour payer la taxe avant d'entrer en possession de l'immeuble, je peux mettre celui-çi en vente de telle façon que vous en touchiez le prix et puissiez ainsi remplir votre obligation. Evidemment, je peux aussi le faire si vous payez les droits vous-même mais ne désirez pas conserver la maison. Cependant, avant de prendre une décision, le testament précise qu'il est indispensable que vous preniez connaissance d'une lettre qui vous est dirigée et qui était anexée au testament. Elle est scellée et je ne connais pas -ni dois connaître- son contenu. Vous pouvez la lire maintenant ou bien l'emporter et me communiquer plus tard vos dispositions. Je dois aussi vous remettre les clés de la maison et vous permettre de la visiter à votre gré avant de prendre une décision. Je dois finalement vous signaler que vous disposez d'un mois pour cela et que les impôts doivent être payés au cours du présent exercice fiscal, ce qui vous laisse sept mois. En cas contraire, je devrais procéder à une vente judiciaire.

Trompel se rappelait parfaitement monsieur Lefranc. Son fils unique avait été séquestré sept ans plus tôt et le détective avait été appelé par le triste père pour aider à le retrouver. Disparu à l'étranger, la police belge ne pouvait rien faire et, sans aucune piste, il était impossible de recourrir à Interpol. Mais Lefranc avait confié à Trompel des informations privées qu'il n'avait pas voulu confier à la police et qui avaient été le début du fil d'Ariane et avaient permis de reconstruir le puzzle que l'ancien policier avait réussi à reconstruire, amenant finalement les responsables devant la justice mais sans avoir pu sauver le jeune homme de la mort. Ses services avaient été payés comme il se doit mais le client l'avait assuré que sa reconnaissance perdurerait "jusqu'à sa mort". A l'époque, Trompel n'avait à ces paroles qu'un sens symbolique. Aujourd'hui elles acquéraient un sens bien matériel.

Il reçut donc la lettre scellée et décida de la lire là-même, afin de savoir s'il devrait donner l'une ou l'autre information au notaire. Elle disait:

- Cher monsieur Trompel,
Vous vous souviendrez peut-être que je vous ai promis que ma reconnaissance pour avoir trouvé les assassins de mon fils s'étendrait au-delà de ma mort. Quand vous recevrez cette lettre, il sera manifeste que je n'ai pas prononcé ces mots en vain. Je vous ai légué ma maison. Non par caprice ni, simplement, pour augmenter ma rétribution pour vos services. Cette maison est plus qu'un simple bien foncier. C'est un défi de plus pour vous. Il vous faudra un peu de temps pour découvrir le ou les secrets qu'elle contient et que, j'en suis sûr, vous seul serez capable de dévoiler et de mettre à profit. Visitez-la et cherchez les pistes que j'y ai laissées, des pistes qui vous indiquerons quoi faire avec la maison. Mais ne parlez de cela à personne, sauf avec le notaire quand vous saurez que cela est indispensable. Il pourrait y avoir d'autres personnes intéressées à vous compliquer la vie.
Ne rejetez pas ce défi et que la chance vous accompagne!
Votre très reconnaissant,
Guy Lefranc.

- C'est bizarre -s'exclama Trompel-. Il me donne des raisons pour conserver la maison et me donne une nouvelle mission. Mais je ne comprends pas le motif. Peut-être le découvrirais-je lorsque je la visiterai. 
- ¿Puis-je encore vous être utile d'une autre façon? -demanda le notaire.
- Je ne le sais pas. J'ai assez d'information dans mes archives de l'investigation de l'assassinat de son fils et je devrai la repasser. En tous cas, je dois faire tout mon possible pour conserver la maison le plus longtemps possible pour faire les dernière volontés du défunt et remplir cette mission. C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant. Je n'ai pas la quantité d'argent requise pour payer les droits de succession mais, si nous arrivons au terme du délai, je tâcherai d'obtenir un prêt. A moins que je n'aie résolu la situation, d'accord avec ces nouvelles instructions, et que je puisse ainsi vous ordonner la vente. Une seule chose: avez-vous plus d'information au sujet de la famille Lefranc?
- Vous voulez dire de ses parents ou ses ancêtres?
- Bien sûr.
- Je le regrette. Mais je n'ai connu que lui. Il s'est adressé à moi la première fois il y a une quinzaine d'année pour un achat d'immeuble. Je n'ai eu de contact avec lui que pour l'une ou l'autre opération de ce type ou un contrat et pour la rédaction de ce testament il y a peu. Il ne m'a jamais rien révélé au sujet de sa famille ni de ses origines.
- Cela aurait pu m'être utile et m'avoir peut-être économosé un peu de travail, mais qu'il en soit ainsi. Ce n'est peut-être pas important. J'espère que lui, au-delà de la mort, pourra me guider. Je vous mercie de m'avoir appelé et je me maintiendrai en contact avec vous au sujet de la maison. Au revoir!
- Je prends note de votre décision actuelle et je vous rappelerai si le délai de payement des taxes approche de sa fin et si je n'ai pas de nouvelles de vous. Bonne chance!

29/09/2009

Les yeux d'Horus 9.6.(fin)

31 décembre  

Le jour suivant, Francesca della Rivera arriva, accompagnée de deux policiers milanais. C'était une femme mûre et hautaine. Elle fut interrogée immédiatement par Bianchi, sans contemplation.
- Nous savons que vous étiez dans la maison de Giulio Carmona quand il a été tué, le 21. Nous avons vos empreintes sur les vases canopes et votre voyage a été confirmé par Alitalia. Il ne vous servirait donc à rien de nier les faits. Nous savons aussi que vous suiviez un soi-disant rituel égyptien par lequel Carmona prétendait ressusciter et obtenir la vie éternelle. Comment êtes-vous arrivée à participer à cette cérémonie?
- Je connaissais don Giulio depuis des années et admirais comme lui la science et la religion égyptiennes. Nous nous réunissions regulièrement pour étudier et admirer les oeuvres qu'il acquérait pour sa collection.
- Quand avez-vous commencé à préparer ce rituel?
- Quand les prédictions de désastres prévus pour le début de l'an 2000 s'avérèrent fausses. Don Giulio était convaincu que le nouveau siècle devait être le début d'une nouvelle ère et que beaucoup de signes le démontreraient. Il nous a convaincu que c'était l'heure de restaurer l'ancienne religion égyptienne. Et pour cela, il fallait forger un grand prêtre immortel. Il offrit de risquer sa vie dans ce rituel dans cette fin. L'expert de Lubicz explique que "Le corps mortel animé du souffle immortel devient le Temple. La première condition générale à laquelle doit obéir l'édification de l'oeuvre qui veut un jour être animée, est l'observance des affinités naturelles. La deuxième condition générale est l'observance des coïncidences des gestes avec les temps universels. Cette oeuvre ne sera alors vitalement possible que si elle est fondée à l'heure où les coïncidences astronomiques sont conforme à cette image, et la continuité de l'exécution conforme à l'évolution de cette conjonction première."1 Et la conjonction se donnait ce 21 décembre.
- Comment avez-vous connu ce rituel?
- Comme il n'y avait pas d'égyptologues à Naples, j'ai rencontré plusieurs fois le professeur Confalonieri, conservateur du musée égyptien de Milan. Il me parla des Mystères d'Osiris et des diversos formes que pouvaient prendre ces festivités. Il m'a aussi donné copie de quelques articles à ce sujet. Je sais que don Giulio a aussi obtenu pas mal d'information de son côté, mais je ne sais pas d'où elle venait. Il nous a parlé bien des fois de la nécessité de réaliser ce rituel de la façon la plus réaliste possible et, comme il était notre leader, il voulait assumer le rôle d'Osiris.
- Qui faisait partie de votre groupe?
- A part nous deux, Orsini, Competta et quatre hommes de confiance de Carmona qui n'ont jamais dit leur nom.
- Qui a dirigé la cérémonie et qui a tué Carmona?
- Le juge Competta dirigea tout et récita les prières. Orsini découpa don Giulio après l'avoir anesthésié. Nous n'avons pu savoir ce qui nous a fait échouer. Nous avons attendu toute la journée mais don Giulio n'est pas ressuscité. Peut être nous sommes nous trompé dans les prières ou bien le rituel était mal décrit. Competta dit qu'il savait où trouver plus d'information et envoya inmédiatement les hommes de Carmona la chercher coûte que coûte en République Tchèque, pour refaire le rituel de résurrection et tenter de sauver Carmona. Mais je n'ai plus rien su d'eux et je suis rentrée à Milan.
- Savez-vous qui est allé à Bruxelles, à Paris et à Turin pour trouver les objets qui manquaient, début décembre?
- Je n'en sais rien. Ce furent sûrement des hommes de don Giulio. Il obtenait toujours ce qu'il voulait. Il avait de grands moyens.
- Je n'en doute pas. Mais ces hommes sont morts et ne peuvent prêter témoignage.
- Ils sont morts?
- Oui. Ils ont été interceptés par la police tchèque et ont résisté. Vous savez où est allé le juge Competta?
- Il est parti? Je ne le savais pas! Il n'a donc pas pu obtenir l'information dont nous avions besoin. Quel dommage pour don Giulio. Nous ne pourrons pas le faire ressusciter!

Cette femme était évidemment folle, pensa le policier italien. Il vérifia quelques autres détails et mit fin à l'interrogatoire. Trompel, qui y avait assisté, fut très étonné d'entendre que la femme citait Confalonieri: sans le savoir, cet homme était impliqué. Il pouvait même avoir filtré de l'information sur la société qui se réunissait à Osernj. Et avait même peut-être été à la source de la piste qui avait mené là-bas les hommes de Carmona.

Tout était maintenant éclairci, dans la mesure du possible. C'était l'affaire de la justice de châtier les coupables qui avaient pu être arrêtés. Trompel pouvait rentrer à Bruxelles et espéra pouvoir trouver une place d'avion pour arriver avant le réveillon et célébrer en famille. Avant de partir, il envoya un dernier rapport à Kaminsky.

Epilogue

2 janvier 2013
 

Ce serait Kaminsky qui mettrait le point final avec l'explication qu'il mit dans son dernier message:
- Le religion égyptienne utilise le symbolismo pour transmettre une sagesse. Les gens de Naples crurent au mythe comme à la magie et non comme un symbole. Et se trompèrent lourdement. L'image matérielle du mythe est poussière et illusion et seuls les médiocres la prennent pour la vérité au lieu de chercher la vérité dans ce que le symbole évoque. Et Maat (la Justice) le leur a rendu.


Bibliographie

 Il n'est pas courant d'inclure un bibliographie dans un roman. Mais dans le cas présent, j'ai utilisé de nombreuses sources scientifiques et romanesques, citant quelques unes dans le texte. Je dois signaler que beaucoup d'information archéologique, tant au sujet des pyramides comme des textes égyptiens, des ruines et calculs mayas et des ruines de Tiwanaku (Tiahuanaco) sont authentiques. 

Les chiffres relatifs à la précession des équinoxes -ou certains de ses multiples- se retrouvent dans les mythes nordiques (Valhalla), de Babylone (Uanna), Egypte (Osiris) et d'Inde (vers du Rigveda), dans le calendrier maya y dans les constructions d'Angkor (Cambodge) et Borobudur (Java). Cependant, seuls les mayas ont annoncé des changements importants à la date précise du solstice d'hiver de l'année 2012 (fin du "Cinquième Soleil").

Archéologie:
M.Cotterell: "La révélation des dieux Mayas"
de Santillana & von Dechend: "Hamlet's mill" 
Ch.Dunn: "Tecnologías del antiguo Egipto"
M.Lambrino: "L'Egypte"
Z.Sitchin: "La guerre des dieux et des hommes"
Ch.Schwaller de Lubicz: "Le miracle égyptien"
www.egiptologia.net
egiptologia.org
Sites web des musées mencionnés

Romans:
Ch.Jacq: "La pierre de lumière" et "Les mystères d'Osiris"
W.Smith: "Fleuve sacré"

22/09/2009

Les yeux d'Horus 9.5.

29 décembre

Pour passer le temps le dimanche, Trompel pensa visiter les ruines de Pompéi et Herculanum. Il demanda à l'hôtel comment il pouvait le faire, mais il lui dirent que les visites étaient interdites pour des raisons de sécurité, vu l'activité du volcan. Ainsi, il dut passer le dimanche à se reposer et se promener dans la ville. L'après-midi, il reçut un e-mail de Kaminsky.
- Les amphores dont j'ai reçu les photos sont en réalité des vases canopes où l'on conservait les organes internes des momies dans les tombes. J'ai aussi vu sur les photos qu'au-dessus des vases, sur les murs, il y avait des hiéroglyphes qui identifient des temples. Il me semble que les vases furent mis ainsi dans un ordre qui suit la localisation le long du Nil des temples qui conservaient symboliquement les restes d'Osiris: Abydos avec la tête, Busiris la colonne vertébrale, Létopolis l'épaule gauche, etc. Ils tentèrent donc de représenter la géographie sacrée pour mieux suivre le récit mythique. Mais, évidemment, ils se trompaient totalement sur l'idée de la résurrection.
Je suis heureux de savoir que vous avez trouvé l'un des responsables. Qu'un juge soit compliqué dans l'affaire a dû être une grande surprise mais, avec la maffia, tout est possible en Italie. Et notre hypothèse est donc confirmée. J'avertirai le duc d'Osernj que l'enquête a fait de grands progrès. Je vous souhaite que la chance continue à vous sourire!

30 décembre
 

Le lundi, Trompel rencontra de nouveau Bianchi à la Questura. L'italien confirma que le papyrus trouvé chez Carmona était bien le Livre des Morts volé à Turin. Ils s'en furent au laboratoire.

- Nous avons effectivement trouvé des taches de sang sur la tunique -dit un des techniciens-. Et nous avons identifié d'autres empreintes: les unes sont de Carmona lui-même, qui aura sans doute mis les amphores à leur place avant la cérémonie. D'autres sont d'un nommé Mario Orsini qui travaille à la Banque de Naples, Via dei Mille. Il reste encore une paire d'empreintes à identifier.
- Et que se passe-t'il avec les archives encryptées? -demanda le belge.
- J'ai essayé les noms que vous m'avez donné -dit le cryptologue- et avec Horus cela a fonctionné. Je n'ai pas tout lu, mais il y a des textes, des adresses et des feuilles de calcul. Je crois que cela nous aidera beaucoup.
- Je crois qu'il faudrait aller chercher cet Orsini au plus tôt. A cette heure, il devrait être à la banque, s'il n'a pas pris la fuite. -dit Bianchi, qui appela de nouveau son assistant Pasquale, et ils partirent ensemble en auto.

Quelques minutes plus tard, ils débarquaient devant le siège principal de la banque, cependant qu'une autre patrouille se dirigeait vers le domicile privé d'Orsini. Ils entrèrent et demandèrent où ils trouveraient l'employé. On les envoya au septième étage, où il avait son bureau de chef-comptable. Il ne s'attendait sûrement pas à être découvert car il travaillait normalement et fut très surpris que la police entra et lui passa les menottes.
- Signor Orsini? Vous êtes arrêté!
- Mais pourquoi?
- Pour l'assassinat de Giulio Carmona. Acompagnez-nous à la Questura! Tout ce que vous direz à partir de maintenant pourra être utilisé contre vous. Vous pourrez demander un avocat lorsque nous serons là-bas.
- Ce n'est pas possible! Je ne voulais pas faire cela. Tout à été l'idée de Carmona. Il y a des mois qu'il insistait qu'il fallait réaliser le rituel. Il voulait obtenir la vie éternelle et disait que si nous accomplissions le rituel au pied de la lettre le 21 décembre avant l'aurore, pour la seule fois en vingt siècles, les conditions seraient réunies pour qu'il ressuscite. Mais il n'est pas ressuscité!

Arrivés à la Questura, il fut conduit à une salle d'interrogatoire. Bianchi mit en marche un enregisteur et lui demande de répéter ce qu'il avait dit au moment d'être arrêté, ce qu'il fit. Ensuite on lui demanda qui de plus était présent lors du crime. Il donna les noms de Carmona, Competta et quatre des cambrioleurs de Osernj.

- Comme Carmona voulait être Osiris, le juge Competta a dirigé la cérémonie. Il était aussi fou que Carmona et nous avait menacé de nous accuser et de nous juger si nous ne suivions pas le rituel. Carmona nous enseigna qu'il devait "rendre la maison (son corps) à son Maître (le créateur) pour que -avec le souffle immortel- il se transforme en temple éternel", selon le Livre des Morts. C'est la plus grande oeuvre que peut accomplir l'homme. Cela ne devait avoir de succès que si les conditions astronomiques étaient correctes, comme au solstice d'hiver de cette année. 
- Il n'y avait personne de plus? Nous avons trouvé les empreintes digitales d'au moins deux personnes de plus.
- Il y avait une autre personne, mais je ne la connais pas.
- Huit personnes?
- Oui. Carmona comme Osiris et sept pour officier.
- Ce ne devaient pas être quatorce? -demanda Trompel.
- Competta dit qu'il fallait couper le corps en quatorce morceaux et que chacun en prendrait deux, un pour un vase de droite et un autre pour un vase de gauche.
- Et ils coupèrent Carmona vivant? -demanda Bianchi.
- Il dormait. On lui avait donné un puissant anesthésique.
- Et qui l'a découpé?
- La personne que je ne connais pas. Cela devait être un chirurgien car il a travaillé très habilement. C'est lui qui avait aporté l'anesthésique.

L'après-midi, pendant que Bianchi consultait les adresses et les feuilles de calcul, Trompel se mit à lire les textes décryptés. Beaucoup étaient dans des langues qu'il ne comprenait pas et il ne put en tirer aucune information utile. Mais il en trouva un intitulé "Rituale di risurrezione" et, bien qu'il lisait difficilement l'italien, il découvrit que c'était une transcription d'un rituel pour la fête d'Osiris, assez semblable au récit du livre de Wilbur Smith. Il le fit remarquer à l'inspecteur napolitain:
- On dirait que nous avons ici le rituel qu'ils utilisèrent quand il tuèrent Carmona. A ce que je comprend, ils parlent de l'écartèlement et de la mise dans les vases canopes, ces amphores où vous avez trouvé les parties du corps. Comme me l'a confirmé le professeur Kaminsky, ils étaient ordonnés géographiquement selon le cours du Nil.
- En effet, c'est un détail qui peut éclairer les faits, mais cela ne nous dit pas qui y a participé. Nous en connaissons la plupart, mais s'il y avait quelqu'un qui n'a pas touché les amphores et si Orsini ment, il pourra nous échapper.

Un policier arriva alors, tendant une feuille de papier à Bianchi:
- Les collègues de Rome ont bougé rapidement -dit-il-. Ils entrèrent chez la soeur de Competta mais celui-çi n'était pas là et la femme ne savait rien de lui. Mais elle dit que son frère était assez fou depuis un certain temps. Il ne parlait que de l'Egypte et de la "science de la résurrection". Nos collègues ont vérifié toutes les listes de passagers des avions qui sont partis de Rome à partir du 22 et trouvèrent Competta sur un vol à Miami le 24 au soir. Maintenant, il faut espérer que la police américaine essaye de découvrir où il est.
- Je ne m'étonnerais pas qu'il se soit réfugié dans un paradis tropical des Caraïbes -dit Trompel.
- C'est fort possible. Et, dans ce cas, nous ne pouvons rien faire. Espérons avoir plus de chance ici. Allons voir comment vont les choses au laboratoire.
- Nous avons identifié les dernières empreintes -dit un des techniciens-. Il s'agit d'une femme: Francesca della Rivera. Elle est domiciliée à Milan et est professeur d'histoire.
- Nous la fairons arrêter et envoyer ici. Mais alors, ce ne serait pas le chirgien auquel s'est référé Orsini -dit Bianchi-. Il y a quelque chose qui ne colle pas dans sa déclaration. Ou bien il y avait plus de monde ou bien l'un de ceux que nous avons déjà identifié a fait le chirugien.
- Vous avez dit Orsini, chef? -dit le technicien-. Nous avons trouvé plus d'information sur cet homme. Il a été témoin protégé dans un procès contre la Camorra il y a sept ans et il n'a ce nom que depuis lors. Avant, il s'appelait Vittorio Calabresi et était chirurgien. Vous l'avez donc!
- Ce bandit nous a menti! C'est lui qui a tué Carmona.

Après que Bianchi eut envoyé à Milan l'ordre de détention de la femme, ils retournèrent interroger Orsini, mais cela ne servit à rien. Il niait tout, insistant sur son nouveau nom et sa profession de comptable, et qu'il ne connaissait aucun Vittorio Calabresi. Et il ne voulut plus parler du crime. De retour à son bureau, Bianchi téléphona à Alitalia et demanda de vérifier s'il y avait une della Rivera sur les listes de passagers ayant utilisé leurs services entre le 15 et le 24 décembre entre Milan et Naples. Quelques minutes plus tard on lui confirmait qu'elle était partie le 20 au matin et rentrée le 22. Ainsi, elle n'aurait pas de coartade défensive. Avec de la chance, le lendemain on l'amènerait à Naples et ils prourraient l'interroger et -peut-être- terminer l'enquête avant que finisse l'année.

15/09/2009

Les yeux d'Horus 9.4.

Quelques minutes plus tard, sans rien découvrir d'autre, Trompel indica au policier italien qu'ils pouvaient s'en aller. Bianchi lui montra rapidement le reste de la maison, mais il n'y avait aucun autre indice. Ils revinrent à la Questura et s'en furent déjeûner ensemble au mess. Ensuite l'inspecteur conduisit le belge au laboratoire d'informatique.

En premier lieu, ils récupérèrent une copie du plan des lieux et des photos de la gallerie de Carmona et les envoyèrent à Kaminsky, lui demandant son interprétation, s'il pouvait déduire quelque chose de ces données. Ensuite, ils visionnèrent la vidéo sur l'Oeil d'Horus. C'était le documentaire en español qui parlait des origines de la "Société des Prêtres des Mystères de l'Oeil d'Horus", qui avait conduit la construction des principaux temples égyptiens et était dépositaire du secret de l'immortalité. On n'y parlait pas du rituel osirien, mais bien du calendrier, de l'importance du solstice et du changement d'ère. Carmona devait avoir été fasciné par cette idée de l'immortalité. 

Parmi les autres documents, ils trouvèrent de nombreuses copies d'articles sur l'année 2000 et les prédictions pessimistes liées aux erreurs des ordinateurs et failles des centrales nucléaires le 1-1-2000. Ils trouvèrent aussi une série de calculs qui comparaient les calendriers égyptien et maya, le calcul maya de la date de la fin du "Cinquième Soleil" inclu. Et aussi une récopilation de prophécies: de Nostradamus, de Saint Malachie, des indiens Hopi et des livres sacrés de l'Inde. Le défunt, sans aucun doute, avait été obnubilé par le changement d'ère. Et il semblait que, les prédictions relatives à l'an 2000 ne s'étant pas accomplies, il s'était retourné vers celles de l'an 2012. Le disque dur contenait aussi une traduction du Livre de Morts, du Livre des Pyramides et d'autres textes religieux de la même culture. Il ne pouvait subsister aucun doute de qu'il avait préparé volontairement une cérémonie pour la nuit du solstice. Mais avec qui? Il y avait plusieurs documents encryptés et les spécialistes essayaient de les déchiffrer. Mais sans connaître la clé de traduction, beaucoup de temps pourrait être nécessaire pour accéder au contenu.

A ce moment, un technicien s'approcha de l'inspecteur Bianchi.

- Nous avons identifié les empreintes d'une autre personne sur les amphores qui contenaient des parties du corps de Carmona. Nous avions déjà identifié celles de quelques uns des morts qui avaient attaqué Osernj parce que c'étaient des délinquants fichés, mais les autres empreintes ont dû être cherchées au registre civil, ce qui prend plus de temps. Nous venons d'obtenir la première identification et vous n'allez pas le croire: il s'agit du juge Competta!
- Celui qui nous délivre les ordres d'arrestation!
- Il devra signer lui-même la sienne? -demanda Trompel, amusé.
- Dans ce cas, je dois informer le fiscal national anti-maffia à Rome. Lui peut nous autoriser.

Bianchi marqua alors un numéro de téléphone et informa l'autorité romaine. Ensuite il informa Trompel et le technicien:
- Il vient de nous autoriser l'arrestation. L'ordre doit nous arriver par fax dans quelques minutes et nous autorisera aussi à une perquisition de son domicile. Pasquale: réunissez l'équipe d'intervention. Je vais chercher le fax et nous partons. -Puis, s'adressant à Trompel:- Vous restez voir les documents ou vous nous accompagnez?
- Je vais avec vous! Je ne raterais pour rien l'arrestation d'un juge!
- ¡Venez alors!

Ils montèrent deux étages pour passer par le bureau où l'italien ramassa les feuilles qui sortaient de la machine de fax. Puis il redescendirent et sortirent au parking.Une camionette blindée avec une demi-douzine d'hommes fortement armés et rendus anonymes par des passe-montagnes les attendait avec le moteur en marche. Ils parcourirent une vingtaine de pâtés de maisons, tournant deux coins, et s'arrêtèrent devant une maison de deux étages d'aspect bourgeois et d'un style propre du début du XXº siècle. L'inspecteur avait mis un gilet anti-bales et en passa un à Trompel, lui disant d'attendre derrière et d'entrer le dernier. Puis il sonna. Après quelques minutes, une femme ouvrit.

- Le juge Competta est là?
- Non. Il est allé passer les fêtes avec sa soeur à Rome.
- Vous êtes sa femme?
- Oh non! Je suis sa bonne. Madame est partie avec le juge.
- Il y a quelqu'un d'autre dans la maison?
- Non. Je suis seule.
- Alors vous devez nous laisser passer. Nous avons un ordre de perquisition du fiscal général. 
- Mais vous ne pouvez pas faire cela si le juge n'est pas là!
- Bien sûr que sí. Je vous en prie, laissez passer mes hommes. Nous le ferons de gré ou de force.

La bonne dut reculer et le groupe entra. Les policiers se dispersèrent dans les différentes pièces.
- Voici le bureau du juge! -cria l'un d'eux.

Bianchi et Trompel se dirigèrent vers cette pièce et commencèrent à tout examiner. Le bureau lui même avait plusieurs tiroirs fermés à clé que le policier qui les avait appelés ouvrit rapidement avec un petit appareil qu'il sortit d'une de ses poches. Bianchi sortit des tiroirs plusieurs fardes et enveloppes qu'il se mit à examiner. Trompel regardait les étagères de livres, cherchant de nouveau des références à l'Egypte. Mais il ne trouva rien.

- Ici, il n'y a que des archives de cas judiciaires en cours. Et des factures de services et reçus bancaires ordinaires -dit Bianchi- en remettant dans les tiroirs ce qu'il en avait retiré. Rien qui l'incrimine. Mais il doit bien y avoir un coffre-fort quelque part.
- Il est ici, inspecteur -dit l'autre détective, qui avait regardé derrière tous les cadres.
- Vous pouvez l'ouvrir? -demande l'inspecteur.

Le détective prit une petite machine d'un étui qu'il portait au cinturon et la colla à la porte du coffre. Puis il se mit à manipuler le clavier. Une série de numéros défila rapidement sur le petit écran de l'appareil qui s'arrêta. L'homme oprima alors dans l'ordre les touches correspondant aux numéros apparus sur l'écran et la porte s'ouvrit. Il prit le contenu et le mit sur la table. Il y avait un paquet de bons de banque, de l'argent en billets de haute valeur de divers pays, un coffret de bijoux -sans doute de la femme du juge-, un livre de comptes y une farde avec des textes produits par une imprimante numérique. Et un rouleau de papyrus.

- Un papyrus! -s'exclama Trompel-. Serait-ce le Livre des Morts volé à Turin?
- Il nous faudra le comparer avec les photos qui sont dans mon bureau -dit Bianchi, qui se mit à lire les feuilles imprimées-. Voyez cela! On dirait des transcriptions d'articles d'encyclopédies ou de livres d'histoire. Et toutes se réfèrent à la religion égyptienne. Et ce livre de comptes, il nous faudra l'analyser en détail.
 
Les autres policiers, qui avaient parcouru la maison, revenaient rendre compte. La plupart signalèrent qu'ils n'avaient rien trouvé de suspect. Mais l'un d'eux avait vu quelque chose d'étrange:
- Dans la garde-robe de la chambre-à-coucher principale, il y a une tunique blanche. Elle n'est pas avec les vêtements de la femme mais avec ceux du juge.
- Vous l'avez examinée?
- Oui, chef. Elle semble propre.
- C'est sûrement une tunique de prêtre égyptien! -dit Trompel-. Il vaudrait mieux l'emporter et l'analyser au laboratoire. Elle peut avoir des taches de sang. Même si on l'a lavée, au labo, avec du luminol on pourrait trouver les traces de sang entre les fibres. Le lavage n'enlève pas toujours tout.
- Vous avez raison! Mettez la tunique dans un sac à preuves et emportez-la, avec ce livre, ce papyrus et cette farde. Demandez à la bonne ce qu'elle sait de la tunique. Vous n'avez rien trouvé d'autre relatif à l'Egypte?
- Au salon, il y a quelques cadres et deux statuettes qui me semblent de style pharaonique -dit un des policiers-. C'est important?
- Prenez-en des photos. Ce sont des indices importants quand on les relie au reste de ce que nous avons trouvé.

L'homme qui avait découvert la tunique revint avec un sac:
- J'ai interrogé la bonne. Elle a dit qu'elle a vu cette tunique pour la première fois lundi, quand le juge lui a demandé de la laver. Elle avait des taches rouges et il lui dit que c'était de la sauce tomate.
- De la sauce? Plutôt du sang! Une preuve de plus de sa présence quand on a tué Carmona. Bon. Nous emporterons aussi son agenda téléphonique: il peut nous parler de ses contacts. Et où le trouver à Rome. Je fais l'acte de perquisition avec indication de ce que nous avons ouvert par la force et de ce que nous emportons, puis nous partons. Je renverrai l'ordre d'arrestation à Rome pour sa mise en oeuvre.

L'inspecteur remplit un formulaire et le signa. Il donna une copie à la bonne en sortant et tous rentrèrent à la Questura. Bianchi emmena Trompel voir le cryptologue.
- Du neuf?
- ¿Je n'arrive pas à trouver la clé. Il nous faudrait un ordinateur quantique.
- Vous avez essayé des noms de dieux égyptiens: Osiris, Isis, Horus, Seth? -suggéra Trompel.
- Si vous croyez que cela aiderait, je le ferai. Il y a des raisons pour choisir ces noms?
- L'homme était un fanatique de la religion égyptienne. Alors, il pourrait bien avoir choisi l'un ou l'autre des noms de ses dieux. Il y en a beaucoup, mais ceux que je vous donne sont les plus importants dans le cas qui nous occupe et c'est pourquoi ils me semblent les plus probables.
- Il est déjà tard -dit Bianchi-. Je vais vous accompagner à l'hôtel que nous vous avons réservé. Vos bagages doivent y être déjà: un auxiliaire s'est occupé de les y transporter. Demain, c'est dimanche et vous serez donc libre. Ici, il n'y a que l'équipe d'urgences. Nous nous reverrons lundi matin.
- D'accord. 

Ils sortirent ensemble et, à deux pâtés de maison, l'inspecteur introduisit le belge dans son nouvel hôtel. La chambre était pauvre, avec le tapis usé et des brûlures de cigarette sur les meubles. Mais elle était propre. Fatigué, Trompel mangea un sandwich au petit bar de l'hôtel. Puis il fit un résumé de l'enquête locale et l'envoya par e-mail à Servais et à Kaminsky.