Chapitre 2
Pendant qu'il retournait à son bureau, Trompel se répétait sans cesse la même question: pourquoi Antoine Lefranc avait-il signé Guy? Il se souvenait parfaitement de cette enquête, qui l'avait obligé à voyager au Chili et en Bolivie pour essayer de retrouver Guy Lefranc et où lui-même avait été séquestré et où, finalement, il n'avait trouvé qu'un cadavre. En effet, Guy Lefranc avait été trouvé avec un poignard dans sa main, la même arme avec laquelle il avait été tué, ce qui était un contresens. Pourtant, cela n'avait pas inquiété la police bolivienne qui l'avait trouvé près de ruines de Tiahuanaco, avait conclu à un suicide (!) et ne l'avait pas pu identificar avant l'arrivée du détective belge.
Mais pourquoi son père revenait-il sur ces faits après sept ans, alors que les responsables étaient en prison?
Le lendemain, avec la lettre en main, Trompel se rendit à la maison des Lefranc, au boulevard Lambermont, en face du parc Josaphat. Il entra dans le vestibule, faiblement illuminé par les rayons de lumière qui pénétraient par la petite lucarne de la porte d'entrée et par la porte entr'ouverte d'une place qui donnait vers la rue. Bien que le sol était couvert d'un tapis, ses pas résonnaient dans le vide absolu de la maison.
Il entra alors dans la première pièce, un salon commode, avec plusieurs fauteuils et un divan de cuir, une petite table centrale en verre et, au mur, une étagère avec une collection de statuettes. Sur les côtés, pendaient des cadres avec des reproductions de peintures flamandes de Rubens, van Eyck et Jordaens. La place suivante était la salle à manger, avec les meubles habituels, modernes et de bonne qualité, et aussi des copies de peintures classiques aux murs. Ensuite venaient la cuisine et un cabinet de toilette pour les visites.
Trompel monta alors les escaliers, trouvant le bureau du défunt -où il avait été reçu des années auparavent-, la chambre à coucher principale, en suite avec la salle de bain. et la chambre du fils avec une autre petite salle de bain. Dans la chambre principale, il vit une photo d'Antoine et sa femme en compagnie du roi Baudouin et une autre d'Antoine avec Guy. Dans le bureau, un mur entier était couvert d'une étagère pleine de livres et avec quelques statuettes de personnages fameux comme Napoléon. A un autre mur, il y avait aussi des cadres. Il ne serait pas étrange que l'un d'eux cache un coffre-fort mais, en ce moment, il ne désirait pas le chercher: il voulait d'abord avoir une connaissance générale des lieux. Le mur face à la porte d'entrée donnait vers la rue et était percé de deux fenêtres. Sur le meuble de bureau, il y avait une photo du fils disparu et une autre de l'épouse.
Revenant à l'escalier, le détective monta à l'étage suivant. Là, il y avait deux chambres meublées simplement qui donnaient vers la rue et, du côté postérieur de l'immeuble, deux mansardes avec lucarnes. Il redescendit, pensatif, et se rappela que ce type de maison avait un grand sous-sol. Au fond du vestibule, il découvrit un autre escalier qui y descendait et l'interrupteur qui permettait de l'illuminer, car l'endroit était totalement obscur. Il descendit. Ouvrant une porte après l'autre, il trouva d'abord la cave au chauffage central, puis le tanque de combustible, une pièce remplie de caisses et divers objets au rebus, et enfin une cave apparemment vide, sauf encore quelques cadres anciens pendant aux murs. Il y avait finalement une laverie, avec une machine à laver moderne et une sécheuse de linge. Il retourna alors au rez-de-chaussée et s'assit dans l'un des fauteuils du salon pour continuer à réfléchir.
Cette première inspection de la maison ne lui avait donné aucune idée au sujet de ce que Lefranc voulait qu'il découvrisse. Il se demanda alors quelle était la première piste dont il disposait. Ce ne pouvait être que la signature de la lettre: Guy au lieu d'Antoine. Lefranc avait-il voulu ainsi lui indiquer qu'il devait chercher une photo de son fils? Celle de son bureau peut-être? Il monta donc de nouveau et la regarda des deux côtés. Il n'y avait rien de particulier en vue. Il la sortit alors du petit cadre. Au verso, il y avait deux chiffres: 29.11. Le plus probable lui sembla que ce soit une date: 29 novembre. Il savait que ce ne pouvait être la date de la mort de Guy, vu que la date exacte n'avait pas été établie et que, de toutes façons, elle correspondait au mois de mars. Serait-ce la date de son anniversaire? Il décida alors de téléphoner au notaire et de lui demander si cette date lui disait quelque chose. Celui-çi lui confirma que c'était la date anniversaire mais aussi que le testament portait aussi la date du 29 novembre, de 2003.
Cette date était donc doublement importante. Mais cela ne lui disait toujours pas ce qu'il devait chercher. Il pensa alors qu'il pourrait être utile de consulter les journnaux de cette date et du lendemain. Il s'était peut-être passé autre chose que Lefranc aurait jugé important pour lui et pourrait être une autre piste. Il quitta donc la maison et s'en fut à la Bibliothèque nationale, au Mont des Arts, pr`s de la Gare Centrale. Il y demanda les journaux du 29 et du 30 novembre 2003. Le 29, il ne trouva rien d'intéressant. Mais le 30, Le Soir mentionnait que monsieur Lefranc avait fait don au Musée des Beaux Arts d'une peinture méconnue de Breughel, qu'il "avait découverte cachée dans sa cave". Le détective se souvint alors de la cave avec vieilles peintures. Cela devait être la piste!