29/09/2009

Les yeux d'Horus 9.6.(fin)

31 décembre  

Le jour suivant, Francesca della Rivera arriva, accompagnée de deux policiers milanais. C'était une femme mûre et hautaine. Elle fut interrogée immédiatement par Bianchi, sans contemplation.
- Nous savons que vous étiez dans la maison de Giulio Carmona quand il a été tué, le 21. Nous avons vos empreintes sur les vases canopes et votre voyage a été confirmé par Alitalia. Il ne vous servirait donc à rien de nier les faits. Nous savons aussi que vous suiviez un soi-disant rituel égyptien par lequel Carmona prétendait ressusciter et obtenir la vie éternelle. Comment êtes-vous arrivée à participer à cette cérémonie?
- Je connaissais don Giulio depuis des années et admirais comme lui la science et la religion égyptiennes. Nous nous réunissions regulièrement pour étudier et admirer les oeuvres qu'il acquérait pour sa collection.
- Quand avez-vous commencé à préparer ce rituel?
- Quand les prédictions de désastres prévus pour le début de l'an 2000 s'avérèrent fausses. Don Giulio était convaincu que le nouveau siècle devait être le début d'une nouvelle ère et que beaucoup de signes le démontreraient. Il nous a convaincu que c'était l'heure de restaurer l'ancienne religion égyptienne. Et pour cela, il fallait forger un grand prêtre immortel. Il offrit de risquer sa vie dans ce rituel dans cette fin. L'expert de Lubicz explique que "Le corps mortel animé du souffle immortel devient le Temple. La première condition générale à laquelle doit obéir l'édification de l'oeuvre qui veut un jour être animée, est l'observance des affinités naturelles. La deuxième condition générale est l'observance des coïncidences des gestes avec les temps universels. Cette oeuvre ne sera alors vitalement possible que si elle est fondée à l'heure où les coïncidences astronomiques sont conforme à cette image, et la continuité de l'exécution conforme à l'évolution de cette conjonction première."1 Et la conjonction se donnait ce 21 décembre.
- Comment avez-vous connu ce rituel?
- Comme il n'y avait pas d'égyptologues à Naples, j'ai rencontré plusieurs fois le professeur Confalonieri, conservateur du musée égyptien de Milan. Il me parla des Mystères d'Osiris et des diversos formes que pouvaient prendre ces festivités. Il m'a aussi donné copie de quelques articles à ce sujet. Je sais que don Giulio a aussi obtenu pas mal d'information de son côté, mais je ne sais pas d'où elle venait. Il nous a parlé bien des fois de la nécessité de réaliser ce rituel de la façon la plus réaliste possible et, comme il était notre leader, il voulait assumer le rôle d'Osiris.
- Qui faisait partie de votre groupe?
- A part nous deux, Orsini, Competta et quatre hommes de confiance de Carmona qui n'ont jamais dit leur nom.
- Qui a dirigé la cérémonie et qui a tué Carmona?
- Le juge Competta dirigea tout et récita les prières. Orsini découpa don Giulio après l'avoir anesthésié. Nous n'avons pu savoir ce qui nous a fait échouer. Nous avons attendu toute la journée mais don Giulio n'est pas ressuscité. Peut être nous sommes nous trompé dans les prières ou bien le rituel était mal décrit. Competta dit qu'il savait où trouver plus d'information et envoya inmédiatement les hommes de Carmona la chercher coûte que coûte en République Tchèque, pour refaire le rituel de résurrection et tenter de sauver Carmona. Mais je n'ai plus rien su d'eux et je suis rentrée à Milan.
- Savez-vous qui est allé à Bruxelles, à Paris et à Turin pour trouver les objets qui manquaient, début décembre?
- Je n'en sais rien. Ce furent sûrement des hommes de don Giulio. Il obtenait toujours ce qu'il voulait. Il avait de grands moyens.
- Je n'en doute pas. Mais ces hommes sont morts et ne peuvent prêter témoignage.
- Ils sont morts?
- Oui. Ils ont été interceptés par la police tchèque et ont résisté. Vous savez où est allé le juge Competta?
- Il est parti? Je ne le savais pas! Il n'a donc pas pu obtenir l'information dont nous avions besoin. Quel dommage pour don Giulio. Nous ne pourrons pas le faire ressusciter!

Cette femme était évidemment folle, pensa le policier italien. Il vérifia quelques autres détails et mit fin à l'interrogatoire. Trompel, qui y avait assisté, fut très étonné d'entendre que la femme citait Confalonieri: sans le savoir, cet homme était impliqué. Il pouvait même avoir filtré de l'information sur la société qui se réunissait à Osernj. Et avait même peut-être été à la source de la piste qui avait mené là-bas les hommes de Carmona.

Tout était maintenant éclairci, dans la mesure du possible. C'était l'affaire de la justice de châtier les coupables qui avaient pu être arrêtés. Trompel pouvait rentrer à Bruxelles et espéra pouvoir trouver une place d'avion pour arriver avant le réveillon et célébrer en famille. Avant de partir, il envoya un dernier rapport à Kaminsky.

Epilogue

2 janvier 2013
 

Ce serait Kaminsky qui mettrait le point final avec l'explication qu'il mit dans son dernier message:
- Le religion égyptienne utilise le symbolismo pour transmettre une sagesse. Les gens de Naples crurent au mythe comme à la magie et non comme un symbole. Et se trompèrent lourdement. L'image matérielle du mythe est poussière et illusion et seuls les médiocres la prennent pour la vérité au lieu de chercher la vérité dans ce que le symbole évoque. Et Maat (la Justice) le leur a rendu.


Bibliographie

 Il n'est pas courant d'inclure un bibliographie dans un roman. Mais dans le cas présent, j'ai utilisé de nombreuses sources scientifiques et romanesques, citant quelques unes dans le texte. Je dois signaler que beaucoup d'information archéologique, tant au sujet des pyramides comme des textes égyptiens, des ruines et calculs mayas et des ruines de Tiwanaku (Tiahuanaco) sont authentiques. 

Les chiffres relatifs à la précession des équinoxes -ou certains de ses multiples- se retrouvent dans les mythes nordiques (Valhalla), de Babylone (Uanna), Egypte (Osiris) et d'Inde (vers du Rigveda), dans le calendrier maya y dans les constructions d'Angkor (Cambodge) et Borobudur (Java). Cependant, seuls les mayas ont annoncé des changements importants à la date précise du solstice d'hiver de l'année 2012 (fin du "Cinquième Soleil").

Archéologie:
M.Cotterell: "La révélation des dieux Mayas"
de Santillana & von Dechend: "Hamlet's mill" 
Ch.Dunn: "Tecnologías del antiguo Egipto"
M.Lambrino: "L'Egypte"
Z.Sitchin: "La guerre des dieux et des hommes"
Ch.Schwaller de Lubicz: "Le miracle égyptien"
www.egiptologia.net
egiptologia.org
Sites web des musées mencionnés

Romans:
Ch.Jacq: "La pierre de lumière" et "Les mystères d'Osiris"
W.Smith: "Fleuve sacré"

22/09/2009

Les yeux d'Horus 9.5.

29 décembre

Pour passer le temps le dimanche, Trompel pensa visiter les ruines de Pompéi et Herculanum. Il demanda à l'hôtel comment il pouvait le faire, mais il lui dirent que les visites étaient interdites pour des raisons de sécurité, vu l'activité du volcan. Ainsi, il dut passer le dimanche à se reposer et se promener dans la ville. L'après-midi, il reçut un e-mail de Kaminsky.
- Les amphores dont j'ai reçu les photos sont en réalité des vases canopes où l'on conservait les organes internes des momies dans les tombes. J'ai aussi vu sur les photos qu'au-dessus des vases, sur les murs, il y avait des hiéroglyphes qui identifient des temples. Il me semble que les vases furent mis ainsi dans un ordre qui suit la localisation le long du Nil des temples qui conservaient symboliquement les restes d'Osiris: Abydos avec la tête, Busiris la colonne vertébrale, Létopolis l'épaule gauche, etc. Ils tentèrent donc de représenter la géographie sacrée pour mieux suivre le récit mythique. Mais, évidemment, ils se trompaient totalement sur l'idée de la résurrection.
Je suis heureux de savoir que vous avez trouvé l'un des responsables. Qu'un juge soit compliqué dans l'affaire a dû être une grande surprise mais, avec la maffia, tout est possible en Italie. Et notre hypothèse est donc confirmée. J'avertirai le duc d'Osernj que l'enquête a fait de grands progrès. Je vous souhaite que la chance continue à vous sourire!

30 décembre
 

Le lundi, Trompel rencontra de nouveau Bianchi à la Questura. L'italien confirma que le papyrus trouvé chez Carmona était bien le Livre des Morts volé à Turin. Ils s'en furent au laboratoire.

- Nous avons effectivement trouvé des taches de sang sur la tunique -dit un des techniciens-. Et nous avons identifié d'autres empreintes: les unes sont de Carmona lui-même, qui aura sans doute mis les amphores à leur place avant la cérémonie. D'autres sont d'un nommé Mario Orsini qui travaille à la Banque de Naples, Via dei Mille. Il reste encore une paire d'empreintes à identifier.
- Et que se passe-t'il avec les archives encryptées? -demanda le belge.
- J'ai essayé les noms que vous m'avez donné -dit le cryptologue- et avec Horus cela a fonctionné. Je n'ai pas tout lu, mais il y a des textes, des adresses et des feuilles de calcul. Je crois que cela nous aidera beaucoup.
- Je crois qu'il faudrait aller chercher cet Orsini au plus tôt. A cette heure, il devrait être à la banque, s'il n'a pas pris la fuite. -dit Bianchi, qui appela de nouveau son assistant Pasquale, et ils partirent ensemble en auto.

Quelques minutes plus tard, ils débarquaient devant le siège principal de la banque, cependant qu'une autre patrouille se dirigeait vers le domicile privé d'Orsini. Ils entrèrent et demandèrent où ils trouveraient l'employé. On les envoya au septième étage, où il avait son bureau de chef-comptable. Il ne s'attendait sûrement pas à être découvert car il travaillait normalement et fut très surpris que la police entra et lui passa les menottes.
- Signor Orsini? Vous êtes arrêté!
- Mais pourquoi?
- Pour l'assassinat de Giulio Carmona. Acompagnez-nous à la Questura! Tout ce que vous direz à partir de maintenant pourra être utilisé contre vous. Vous pourrez demander un avocat lorsque nous serons là-bas.
- Ce n'est pas possible! Je ne voulais pas faire cela. Tout à été l'idée de Carmona. Il y a des mois qu'il insistait qu'il fallait réaliser le rituel. Il voulait obtenir la vie éternelle et disait que si nous accomplissions le rituel au pied de la lettre le 21 décembre avant l'aurore, pour la seule fois en vingt siècles, les conditions seraient réunies pour qu'il ressuscite. Mais il n'est pas ressuscité!

Arrivés à la Questura, il fut conduit à une salle d'interrogatoire. Bianchi mit en marche un enregisteur et lui demande de répéter ce qu'il avait dit au moment d'être arrêté, ce qu'il fit. Ensuite on lui demanda qui de plus était présent lors du crime. Il donna les noms de Carmona, Competta et quatre des cambrioleurs de Osernj.

- Comme Carmona voulait être Osiris, le juge Competta a dirigé la cérémonie. Il était aussi fou que Carmona et nous avait menacé de nous accuser et de nous juger si nous ne suivions pas le rituel. Carmona nous enseigna qu'il devait "rendre la maison (son corps) à son Maître (le créateur) pour que -avec le souffle immortel- il se transforme en temple éternel", selon le Livre des Morts. C'est la plus grande oeuvre que peut accomplir l'homme. Cela ne devait avoir de succès que si les conditions astronomiques étaient correctes, comme au solstice d'hiver de cette année. 
- Il n'y avait personne de plus? Nous avons trouvé les empreintes digitales d'au moins deux personnes de plus.
- Il y avait une autre personne, mais je ne la connais pas.
- Huit personnes?
- Oui. Carmona comme Osiris et sept pour officier.
- Ce ne devaient pas être quatorce? -demanda Trompel.
- Competta dit qu'il fallait couper le corps en quatorce morceaux et que chacun en prendrait deux, un pour un vase de droite et un autre pour un vase de gauche.
- Et ils coupèrent Carmona vivant? -demanda Bianchi.
- Il dormait. On lui avait donné un puissant anesthésique.
- Et qui l'a découpé?
- La personne que je ne connais pas. Cela devait être un chirurgien car il a travaillé très habilement. C'est lui qui avait aporté l'anesthésique.

L'après-midi, pendant que Bianchi consultait les adresses et les feuilles de calcul, Trompel se mit à lire les textes décryptés. Beaucoup étaient dans des langues qu'il ne comprenait pas et il ne put en tirer aucune information utile. Mais il en trouva un intitulé "Rituale di risurrezione" et, bien qu'il lisait difficilement l'italien, il découvrit que c'était une transcription d'un rituel pour la fête d'Osiris, assez semblable au récit du livre de Wilbur Smith. Il le fit remarquer à l'inspecteur napolitain:
- On dirait que nous avons ici le rituel qu'ils utilisèrent quand il tuèrent Carmona. A ce que je comprend, ils parlent de l'écartèlement et de la mise dans les vases canopes, ces amphores où vous avez trouvé les parties du corps. Comme me l'a confirmé le professeur Kaminsky, ils étaient ordonnés géographiquement selon le cours du Nil.
- En effet, c'est un détail qui peut éclairer les faits, mais cela ne nous dit pas qui y a participé. Nous en connaissons la plupart, mais s'il y avait quelqu'un qui n'a pas touché les amphores et si Orsini ment, il pourra nous échapper.

Un policier arriva alors, tendant une feuille de papier à Bianchi:
- Les collègues de Rome ont bougé rapidement -dit-il-. Ils entrèrent chez la soeur de Competta mais celui-çi n'était pas là et la femme ne savait rien de lui. Mais elle dit que son frère était assez fou depuis un certain temps. Il ne parlait que de l'Egypte et de la "science de la résurrection". Nos collègues ont vérifié toutes les listes de passagers des avions qui sont partis de Rome à partir du 22 et trouvèrent Competta sur un vol à Miami le 24 au soir. Maintenant, il faut espérer que la police américaine essaye de découvrir où il est.
- Je ne m'étonnerais pas qu'il se soit réfugié dans un paradis tropical des Caraïbes -dit Trompel.
- C'est fort possible. Et, dans ce cas, nous ne pouvons rien faire. Espérons avoir plus de chance ici. Allons voir comment vont les choses au laboratoire.
- Nous avons identifié les dernières empreintes -dit un des techniciens-. Il s'agit d'une femme: Francesca della Rivera. Elle est domiciliée à Milan et est professeur d'histoire.
- Nous la fairons arrêter et envoyer ici. Mais alors, ce ne serait pas le chirgien auquel s'est référé Orsini -dit Bianchi-. Il y a quelque chose qui ne colle pas dans sa déclaration. Ou bien il y avait plus de monde ou bien l'un de ceux que nous avons déjà identifié a fait le chirugien.
- Vous avez dit Orsini, chef? -dit le technicien-. Nous avons trouvé plus d'information sur cet homme. Il a été témoin protégé dans un procès contre la Camorra il y a sept ans et il n'a ce nom que depuis lors. Avant, il s'appelait Vittorio Calabresi et était chirurgien. Vous l'avez donc!
- Ce bandit nous a menti! C'est lui qui a tué Carmona.

Après que Bianchi eut envoyé à Milan l'ordre de détention de la femme, ils retournèrent interroger Orsini, mais cela ne servit à rien. Il niait tout, insistant sur son nouveau nom et sa profession de comptable, et qu'il ne connaissait aucun Vittorio Calabresi. Et il ne voulut plus parler du crime. De retour à son bureau, Bianchi téléphona à Alitalia et demanda de vérifier s'il y avait une della Rivera sur les listes de passagers ayant utilisé leurs services entre le 15 et le 24 décembre entre Milan et Naples. Quelques minutes plus tard on lui confirmait qu'elle était partie le 20 au matin et rentrée le 22. Ainsi, elle n'aurait pas de coartade défensive. Avec de la chance, le lendemain on l'amènerait à Naples et ils prourraient l'interroger et -peut-être- terminer l'enquête avant que finisse l'année.

15/09/2009

Les yeux d'Horus 9.4.

Quelques minutes plus tard, sans rien découvrir d'autre, Trompel indica au policier italien qu'ils pouvaient s'en aller. Bianchi lui montra rapidement le reste de la maison, mais il n'y avait aucun autre indice. Ils revinrent à la Questura et s'en furent déjeûner ensemble au mess. Ensuite l'inspecteur conduisit le belge au laboratoire d'informatique.

En premier lieu, ils récupérèrent une copie du plan des lieux et des photos de la gallerie de Carmona et les envoyèrent à Kaminsky, lui demandant son interprétation, s'il pouvait déduire quelque chose de ces données. Ensuite, ils visionnèrent la vidéo sur l'Oeil d'Horus. C'était le documentaire en español qui parlait des origines de la "Société des Prêtres des Mystères de l'Oeil d'Horus", qui avait conduit la construction des principaux temples égyptiens et était dépositaire du secret de l'immortalité. On n'y parlait pas du rituel osirien, mais bien du calendrier, de l'importance du solstice et du changement d'ère. Carmona devait avoir été fasciné par cette idée de l'immortalité. 

Parmi les autres documents, ils trouvèrent de nombreuses copies d'articles sur l'année 2000 et les prédictions pessimistes liées aux erreurs des ordinateurs et failles des centrales nucléaires le 1-1-2000. Ils trouvèrent aussi une série de calculs qui comparaient les calendriers égyptien et maya, le calcul maya de la date de la fin du "Cinquième Soleil" inclu. Et aussi une récopilation de prophécies: de Nostradamus, de Saint Malachie, des indiens Hopi et des livres sacrés de l'Inde. Le défunt, sans aucun doute, avait été obnubilé par le changement d'ère. Et il semblait que, les prédictions relatives à l'an 2000 ne s'étant pas accomplies, il s'était retourné vers celles de l'an 2012. Le disque dur contenait aussi une traduction du Livre de Morts, du Livre des Pyramides et d'autres textes religieux de la même culture. Il ne pouvait subsister aucun doute de qu'il avait préparé volontairement une cérémonie pour la nuit du solstice. Mais avec qui? Il y avait plusieurs documents encryptés et les spécialistes essayaient de les déchiffrer. Mais sans connaître la clé de traduction, beaucoup de temps pourrait être nécessaire pour accéder au contenu.

A ce moment, un technicien s'approcha de l'inspecteur Bianchi.

- Nous avons identifié les empreintes d'une autre personne sur les amphores qui contenaient des parties du corps de Carmona. Nous avions déjà identifié celles de quelques uns des morts qui avaient attaqué Osernj parce que c'étaient des délinquants fichés, mais les autres empreintes ont dû être cherchées au registre civil, ce qui prend plus de temps. Nous venons d'obtenir la première identification et vous n'allez pas le croire: il s'agit du juge Competta!
- Celui qui nous délivre les ordres d'arrestation!
- Il devra signer lui-même la sienne? -demanda Trompel, amusé.
- Dans ce cas, je dois informer le fiscal national anti-maffia à Rome. Lui peut nous autoriser.

Bianchi marqua alors un numéro de téléphone et informa l'autorité romaine. Ensuite il informa Trompel et le technicien:
- Il vient de nous autoriser l'arrestation. L'ordre doit nous arriver par fax dans quelques minutes et nous autorisera aussi à une perquisition de son domicile. Pasquale: réunissez l'équipe d'intervention. Je vais chercher le fax et nous partons. -Puis, s'adressant à Trompel:- Vous restez voir les documents ou vous nous accompagnez?
- Je vais avec vous! Je ne raterais pour rien l'arrestation d'un juge!
- ¡Venez alors!

Ils montèrent deux étages pour passer par le bureau où l'italien ramassa les feuilles qui sortaient de la machine de fax. Puis il redescendirent et sortirent au parking.Une camionette blindée avec une demi-douzine d'hommes fortement armés et rendus anonymes par des passe-montagnes les attendait avec le moteur en marche. Ils parcourirent une vingtaine de pâtés de maisons, tournant deux coins, et s'arrêtèrent devant une maison de deux étages d'aspect bourgeois et d'un style propre du début du XXº siècle. L'inspecteur avait mis un gilet anti-bales et en passa un à Trompel, lui disant d'attendre derrière et d'entrer le dernier. Puis il sonna. Après quelques minutes, une femme ouvrit.

- Le juge Competta est là?
- Non. Il est allé passer les fêtes avec sa soeur à Rome.
- Vous êtes sa femme?
- Oh non! Je suis sa bonne. Madame est partie avec le juge.
- Il y a quelqu'un d'autre dans la maison?
- Non. Je suis seule.
- Alors vous devez nous laisser passer. Nous avons un ordre de perquisition du fiscal général. 
- Mais vous ne pouvez pas faire cela si le juge n'est pas là!
- Bien sûr que sí. Je vous en prie, laissez passer mes hommes. Nous le ferons de gré ou de force.

La bonne dut reculer et le groupe entra. Les policiers se dispersèrent dans les différentes pièces.
- Voici le bureau du juge! -cria l'un d'eux.

Bianchi et Trompel se dirigèrent vers cette pièce et commencèrent à tout examiner. Le bureau lui même avait plusieurs tiroirs fermés à clé que le policier qui les avait appelés ouvrit rapidement avec un petit appareil qu'il sortit d'une de ses poches. Bianchi sortit des tiroirs plusieurs fardes et enveloppes qu'il se mit à examiner. Trompel regardait les étagères de livres, cherchant de nouveau des références à l'Egypte. Mais il ne trouva rien.

- Ici, il n'y a que des archives de cas judiciaires en cours. Et des factures de services et reçus bancaires ordinaires -dit Bianchi- en remettant dans les tiroirs ce qu'il en avait retiré. Rien qui l'incrimine. Mais il doit bien y avoir un coffre-fort quelque part.
- Il est ici, inspecteur -dit l'autre détective, qui avait regardé derrière tous les cadres.
- Vous pouvez l'ouvrir? -demande l'inspecteur.

Le détective prit une petite machine d'un étui qu'il portait au cinturon et la colla à la porte du coffre. Puis il se mit à manipuler le clavier. Une série de numéros défila rapidement sur le petit écran de l'appareil qui s'arrêta. L'homme oprima alors dans l'ordre les touches correspondant aux numéros apparus sur l'écran et la porte s'ouvrit. Il prit le contenu et le mit sur la table. Il y avait un paquet de bons de banque, de l'argent en billets de haute valeur de divers pays, un coffret de bijoux -sans doute de la femme du juge-, un livre de comptes y une farde avec des textes produits par une imprimante numérique. Et un rouleau de papyrus.

- Un papyrus! -s'exclama Trompel-. Serait-ce le Livre des Morts volé à Turin?
- Il nous faudra le comparer avec les photos qui sont dans mon bureau -dit Bianchi, qui se mit à lire les feuilles imprimées-. Voyez cela! On dirait des transcriptions d'articles d'encyclopédies ou de livres d'histoire. Et toutes se réfèrent à la religion égyptienne. Et ce livre de comptes, il nous faudra l'analyser en détail.
 
Les autres policiers, qui avaient parcouru la maison, revenaient rendre compte. La plupart signalèrent qu'ils n'avaient rien trouvé de suspect. Mais l'un d'eux avait vu quelque chose d'étrange:
- Dans la garde-robe de la chambre-à-coucher principale, il y a une tunique blanche. Elle n'est pas avec les vêtements de la femme mais avec ceux du juge.
- Vous l'avez examinée?
- Oui, chef. Elle semble propre.
- C'est sûrement une tunique de prêtre égyptien! -dit Trompel-. Il vaudrait mieux l'emporter et l'analyser au laboratoire. Elle peut avoir des taches de sang. Même si on l'a lavée, au labo, avec du luminol on pourrait trouver les traces de sang entre les fibres. Le lavage n'enlève pas toujours tout.
- Vous avez raison! Mettez la tunique dans un sac à preuves et emportez-la, avec ce livre, ce papyrus et cette farde. Demandez à la bonne ce qu'elle sait de la tunique. Vous n'avez rien trouvé d'autre relatif à l'Egypte?
- Au salon, il y a quelques cadres et deux statuettes qui me semblent de style pharaonique -dit un des policiers-. C'est important?
- Prenez-en des photos. Ce sont des indices importants quand on les relie au reste de ce que nous avons trouvé.

L'homme qui avait découvert la tunique revint avec un sac:
- J'ai interrogé la bonne. Elle a dit qu'elle a vu cette tunique pour la première fois lundi, quand le juge lui a demandé de la laver. Elle avait des taches rouges et il lui dit que c'était de la sauce tomate.
- De la sauce? Plutôt du sang! Une preuve de plus de sa présence quand on a tué Carmona. Bon. Nous emporterons aussi son agenda téléphonique: il peut nous parler de ses contacts. Et où le trouver à Rome. Je fais l'acte de perquisition avec indication de ce que nous avons ouvert par la force et de ce que nous emportons, puis nous partons. Je renverrai l'ordre d'arrestation à Rome pour sa mise en oeuvre.

L'inspecteur remplit un formulaire et le signa. Il donna une copie à la bonne en sortant et tous rentrèrent à la Questura. Bianchi emmena Trompel voir le cryptologue.
- Du neuf?
- ¿Je n'arrive pas à trouver la clé. Il nous faudrait un ordinateur quantique.
- Vous avez essayé des noms de dieux égyptiens: Osiris, Isis, Horus, Seth? -suggéra Trompel.
- Si vous croyez que cela aiderait, je le ferai. Il y a des raisons pour choisir ces noms?
- L'homme était un fanatique de la religion égyptienne. Alors, il pourrait bien avoir choisi l'un ou l'autre des noms de ses dieux. Il y en a beaucoup, mais ceux que je vous donne sont les plus importants dans le cas qui nous occupe et c'est pourquoi ils me semblent les plus probables.
- Il est déjà tard -dit Bianchi-. Je vais vous accompagner à l'hôtel que nous vous avons réservé. Vos bagages doivent y être déjà: un auxiliaire s'est occupé de les y transporter. Demain, c'est dimanche et vous serez donc libre. Ici, il n'y a que l'équipe d'urgences. Nous nous reverrons lundi matin.
- D'accord. 

Ils sortirent ensemble et, à deux pâtés de maison, l'inspecteur introduisit le belge dans son nouvel hôtel. La chambre était pauvre, avec le tapis usé et des brûlures de cigarette sur les meubles. Mais elle était propre. Fatigué, Trompel mangea un sandwich au petit bar de l'hôtel. Puis il fit un résumé de l'enquête locale et l'envoya par e-mail à Servais et à Kaminsky.

08/09/2009

Les yeux d'Horus 9.3.

28 décembre

Le matin suivant, il arrivait à huit heures et demie à la Questura. Cette fois le policier de garde, au vu de sa plaque, fit un appel téléphonique et, quelques minutes plus tard, un civil venait à sa rencontre et le saluait en français.

- Je suis l'inspecteur Bianchi. On m'a dit que vous êtes venu hier, mais je n'étais pas ici l'après-midi et nous ne savions pas très bien ce qui vous amenait. Après six heures est arrivé un avis d'Interpol qui nous a indiqué votre mission. Je vous prie de nous pardonner. Vous avez trouvé un hôtel?
- En effet. J'ai logé au Palazzo Alabardieri, mais il est un peu loin. Tout au moins si l'on considère la lenteur de la circulation.
- Oui, il y a toujours beaucoup de bouchons. C'est un bon hôtel. Si vous voulez, on peut vous installer plus près. A charge d'Interpol, bien sûr.
- D'accord. Je vous en remercie.
- Ainsi, vous avez été présent sur tous les lieux qui sont liés à l'affaire Carmona. Une histoire de rituel égyptien selon vous.
- C'est ce que nous avons pu déduire en associant toutes les données que nous avons obtenues et l'information que nous a donné le professeur Kaminsky, égyptologue de l'université Carolinum de Prague, qui a été à Bruxelles et à Krönfeldt. Ce fut aussi lui qui me conseilla de visiter les musées de Paris, Turin et Milan après le vol et l'assassinat qui ont eu lieu à Bruxelles. Il soupçonnait que des vols auraient aussi lieu dans ces autres musées.
- Mais il n'y eut de vol qu'à Turin, accompagné d'un assassinat, selon ce que je sais.
- Il y a aussi eu un vol à Paris, mais pas dans un musée. Ce fut une pierre avec un symbole égyptien, enlevée des fondations de l'église de Saint-Sulpice. A Milan, il n'y a pas eu de vol, mais il se fait que le conservateur du musée égyptien a aussi voyagé à Osernj où il a rencontré le professeur Kaminsky et fut témoin du cambriolage du palais. C'est lui qui a reconnu les assaillants comme étant des napolitains.
- Cela est en effet ce que nous a communiqué la police tchèque, via Interpol. Mais l'affaire de Paris n'était pas dans le rapport que nous avons reçu.
- Je n'ai pas parlé avec la police française et je l'ai appris par le journal, lorsque j'étais à Paris. Je peux vous fournir une copie de ce qui a été publié. Mais nous pouvons demander à Interpol-Paris de nous envoyer plus d'information. De toutes façons, ils doivent déjà disposer à Paris du résumé général que j'ai fait et qui pourrait les aider, de même qu'à vous. Je peux l'extraire de cette clé USB

Bianchi inséra le petit dispositif USB dans son ordinateur et déchargea les documents, passant à lire le résumé.

- C'est assez clair -dit-il, après un moment-. Il n'y a pas de doute qu'il y a de bons indices pour impliquer uniquement des italiens. Mais il n'y a qu'à Osernj où on a pu relever des empreintes digitales. Nous les avons déjà analysées et il s'agit effectivement de délinquants locaux. Et les empreintes de quatre d'entr'eux étaient aussi dans la maison de Carmona, la victime ici. En ce moment, nous essayons de connaître ses relations. Et de vérifier cette histoire au sujet d' Il Secolo Nosso.
- ¿Vous ne connaissiez pas ce groupe?
- Ce nom apparaît dans nos archives, mais nous ne savions pas qu'il pouvait être actif actuellement.
- Et que savez-vous de ce Giulio Carmona?
- C'est un drôle d'oiseau. Il apparaissait comme homme d'affaires et se comportait comme tel. Mais s'il possédait une entreprise, ce n'était pas en Italie. Son goût pour les antiquités surtout archéologiques était connu, mais rares étaient ceux qui pouvaient voir sa collection. Nous tâchons en ce moment de suivre ses comptes banquaires. Et les connexions entre eux ne semblent pas très saines. Cet homme pourrait avoir été un personnage important de la camorra, mais tout à fait dans l'ombre. Peut-être était-il même le banquier ou le contable de l'un ou l'autre groupe.
- Ce qui pourrait expliquer ses liens avec Il Secolo Nosso, de même que son goût pour l'Egypte pourrait expliquer pourquoi le rituel s'est tenu chez lui.
- C'est, pour le moment, la meilleure explication que nous avons, grâce aux pistes que nous avons reçues après l'attaque d'Osernj. Au fait, c'est vous qui avez découvert ce récit de Wilbur Smith sur le festival d'Osiris?
- Je l'ai transmis à la PJF belge, mais je l'ai reçu du professeur Kaminsky. C'est un expert en religion égyptienne.
- Il nous a fort aidé. Sans lui, nous n'aurions jamais compris ce qui s'est passé à San Rocco. Au début, nous pensions qu'il s'agissait d'un rituel satanique.
- A San Rocco?
- Oh! Via San Rocco est où se trouve la propriété de Carmona, près du parc Capadimonte, au nord-ouest de la ville.
- ¡Pourrais-je visiter cet endroit? Peut-être trouverais-je encore quelque chose qui n'aie pas attiré votre attention du fait de ne pas connaître le contexte.
- Cela me semble indiqué. Nous pouvons y aller de suite, avec mon auto de service.
- Merci. Allons-y alors.

Ils sortirent par une porte de derrière, accédant au parking de la Questura, et Bianchi se mit au volant d'une Fiat sans identification. Une demi-heure plus tard, ils arrivaient à la résidence de Carmona, près du Parco di Capadimonte. Un agent leur ouvrit la grille du petit parc devant la maison. Ils stationnèrent devant la porte et l'inspecteur introduisit le belge dans un luxueux vestibule puis le conduisit vers un bureau-bibliothèque. Un des pans d'étagères était déplacé et laissait voir un escalier de pierre qui descendait au sous-sol. Ils descendirent. Les lumières apparurent automatiquement au fur et à mesure qu'ils avançaient et arrivaient dans une grande gallerie, pleine de vitrines avec des pièces archéologiques et avec les murs couverts d'oeuvres d'art. Au fond, presqu'en face de l'escalier, mais à vingt mètres, on voyait un mur blanc sur lequel était peint un énorme Oeil d'Horus polychromé. A environ deux mètres devant lui, il y avait une table de marbre, sans aucun doute fort ancienne, couverte d'une tache grenate: du sang séché.

- Le corps doit avoir été découpé sur cette table -dit Bianchi-. mais les morceaux n'y étaient pas. Nous les avons trouvés, séparés, dans une espèce d'amphores réparties le long des murs latéraux. Ils ont été transportés au laboratoire technique.
- Je ne sais pas grand chose des coutumes des anciens égyptiens. Il serait bon qu'un expert voie ces amphores et aussi leur place ici: cela pourrait avoir une signification précise. Vous avez ici un égyptologue?
- Nos archéologues locaux sont experts en ruines de Pompeï et Herculanum, pas en Egypte. Il ne peuvent nous aider.
- Ne pourriez-vous pas demander à monsieur Confalonieri qu'il vienne de Milan pour vous donner un coup de main? Il est non seulement expert en Egypte et témoin de l'attaque à Osernj: il sait aussi beaucoup sur les rituels, à ce que je sais. Et, comme je vous l'ai dit, c'est lui qui nous a donné la piste qui pointe vers Il Secolo Nosso.
- En faisant la somme de tout cela, je dois reconnaître qu'il pourrait nous être utile. Mais demain c'est dimanche et mercredi prochain c'est la Nouvelle Année. Je crois que le mieux serait de l'inviter après cette date, si notre directeur est d'accord et s'il est disponible.
- Je crois, en effet, que la date ne nous permet pas d'aller plus vite. Mais si vous pouvez me donner un plan numérique de la salle et une copie des photos des amphores avant qu'elles aient été retirées d'ici, je pourrais les envoyer par courriel au professeur Kaminsky et lui pourrait nous donner son opinion d'ici lundi.
- A peine de retour au bureau, je vous les donnerai ainsi qu'un accès à un ordinateur pour que vous puissiez les envoyer tout de suite. Cela pourrait peut-être rendre innécessaire le déplacement du docteur Confalonieri.
- Et vous avez trouvé la pierre volée à Paris?
- Nous ne savions rien d'elle: vous venez de me l'apprendre, et nous ne l'avons donc pas cherchée.
- Vous n'aviez donc pas lu avant le rapport d'Interpol?
- ¿Oh! Il me semble me rappeler quelque chose de cela. mais je n'ai pas fait la liaison.
- La croix hansée qui est sur cette pierre est le symbole de la vie et peut être très importante pour sacraliser l'endroit où se réalise le festival d'Osiris. Il est donc fort possible qu'ils l'aient volée pour la mettre ici.
- Et où pourrait-elle être?
- Cherchons!

Ils la trouvèrent rapidement, insérée dans la base de la table de marbre.
- La voici! Ainsi donc, c'étaient bien eux qui l'avaient volée. Tout comme l'Oeil d'Horus de Bruxelles. Ces faits sont maintenant bien liés. Il reste à découvrir le Livre des Morts, de Turin. Pour le moment, je ne sais pas assez pour vous aider davantage ici en bas. Vous avez sûrement déjà découvert tout ce qu'une bonne équipe de détectives et de techniciens peut trouver sur la scène d'un crime. Mais j'aimerais examiner la bibliothèque, en haut. Je pourrais y trouver autre chose.
- Allons-y.

Ils montèrent et Trompel se mit à parcourir des yeux le dos de tous les livres, étagère par étagère. Tot à coup, il retira l'un d'eux et le feuilleta. Puis il appela son compagnon:
- Regardez! C'est le livre de Wilbur Smith, en italien. Le passage sur le rituel du festival d'Osiris y est marqué. Et regardez les livres qui sont sur le même rayon: tous sont sur la religion, la mythologie et l'astronomie égyptiennes. Vous n'avez pas trouvé des papyrus quelque part?
- Il y a un grand coffre-fort derrière une autre étagère. Nous l'avons ouverte et, effectivement, il y avait là quelques papyrus, avec d'autres objets et des livres comptables que nous sommes en train d'analyser.
- Le Livre de Morts n'y était pas?
- Non. Il ne semble pas être au nombre des papyrus que nous avons trouvé. Il n'est pas en-bas non plus: là, il n'y avait aucun document.
- Alors les assassins l'ont emporté.
- Quelle est son importance? Pourquoi le leur fallait-il?
- Il contient les formules pour le passage du défunt à la nouvelle vie et sa résurrection. Selon Kaminsky, ils devaient croire qu'au cours de la cérémonie du solstice, cette année-çi étant extraordinaire selon les croyances égyptiennes -qui coïncident en cela avec le calendrier maya- la personne qui jouait le rôle d'Osiris devait ressusciter et être divinisée. Il est possible que Carmona se soit offert lui-même pour être la victime, avec le fol espoir de ressusciter.
- Cela ne m'étonnerait pas. Nous avons plusieurs indices de sa folie.
- Et vous n'avez rien trouvé où soit mentionné l'Oeil d'Horus, à part la peinture sur la mur de la gallerie?
- Maintenant que vous le signalez, je me souviens qu'entre les archives de son ordinateur on a trouvé un documentaire en vidéo avec ce titre. Mais je ne sais pas s'il y a mention dans un autre document. Il faudrait le demander aux experts qui analysent le disque dur.
- Il serait bon de voir cette vidéo et de savoir s'il y a plus.
- Vous avez raison. Il pourrait y avoir là d'autres pistes. Vous voulez voir autre chose ici?
- Laissez-moi voir les dernières étagères. Vous avez déjà exploré le bureau lui-même, n'est-ce pas?
- Bien sûr. Nous avons emporté tous les documents, mais là, il n'y avait rien sur l'Egypte.

01/09/2009

Les yeux d'Horus 9.2.

26 décembre  

Ainsi, le 26 décembre au matin, le détective décida de passer personnellement par le bureau de Servais à la PJF, rue Fritz Toussaint, à Ixelles, au lieu de l'appeler par téléphone. Il y avait beaucoup à dire et il serait plus utile de le faire face à face. Le policier le reçut tout de suite.

- Ainsi donc les crimes t'on suivi durant tout ton voyage -lui dit ce dernier-. Mais pas comme tu pensais.
- En effet. Et il est clair que ce qui les unit, ce n'est pas moi, mais bien le mythe d'Osiris et la légende du solstice d'hiver, qui aurait été très spécial cette année.
- En tous cas, il l'aura été, avec ces tremblements de terre et ces éruptions! Mais, pour nous, le point n'est pas là. J'ai trouvé le livre "Fleuve sacré", que tu m'avais indiqué, et j'ai lu avec horreur le récit du festival d'Osiris. Je crains que c'est quelque chose de ce genre qu'ils réalisèrent à Naples. J'ai déjà envoyé une copie à la police locale, au travers d'Interpol. Je leur ai aussi signalé que les personnes attaquées à Osernj suspectaient fortement l'intervention de la maffia napolitaine. Mais il m'ont répondu que la "camorra" napolitaine avait été éliminée en 1922 par le gouvernement fasciste de Mussolini. Cependant, des bandes semblables à la Camorra ont continué à opérer, bien que depuis 1984 les confessions de plusieurs chefs camorristes ont permis de désarticuler une grande partie de l'infrastructure qu'ils avaient reconstruite au cours des années soixante1. Il pourrait donc subsister quelques petits groupes, qui sont difficiles à découvrir et à éliminer. Ils dirent qu'ils n'ont pas de références d' "Il Secolo Nosso", mais il est possible qu'ils trouvent des pistes chez Giulio Carmona, le coleccionniste assassiné. Ils croient que cette personne n'était pas très "propre" et investiguaient ses relations depuis quelque temps. Il pourrait y avoir du nouveau de ce côté. A part cela, toutes les recherches sur les cas que tu connais -Bruxelles, Paris, Turin, Naples et Osernj- sont maintenant coordonnées par le bureau d'Interpol en Italie. Cela ne me plait pas beaucoup. La police italienne a été infiltrée par la maffia depuis toujours et de nombreux juges ont perdu la vie quand ils ont trop progressé. Pourvu que le pouvoir d' "Il Secolo" n'arrive pas à tant que cela et qu'ils trouvent les coupables.
- Au moins six d'entr'eux ont déjà trouvé leur châtiment à Osernj.
- C'est vrai. Mais quel est le cerveau qui les contrôlait? C'est celui-là qu'il faut découvrir!
- Ce doit être quelqu'un qui a assez de pouvoir -visible ou dans l'ombre- et qui a une grande admiration pour l'Ancienne Egypte, comme Giulio Carmona.
- Ou un égyptologue ou un conservateur de musée, comme celui de Milan, qui a disparu.
- Tu ne peux pas douter de lui. Il a assisté au congrès qui eut lieu ici, avec Kaminsky, Robertson et bien des autres. Et il est allé ensuite à Osernj, où il a échappé de justesse à la mort.
- Et tu crois que parce qu'il était là-bas il est hors de soupçons?
- Kaminsky m'a dit qu'ils ont réalisé une cérémonie traditionnelle, mais qui n'avait rien à voir avec le récit de Wilbur Smith. Et le duc lui a assuré que ce récit n'a aucun fondement -à part le mythe- et tous les égyptologues présents pensaient de même. Le responsable des crimes doit avoir participé à la cérémonie qu'ils ont réalisée chez Carmona. Ce ne doit pas être un bon égyptologue s'il a suivi un rituel qui n'est pas légitime. Quelqu'un l'a trompé en le lui donnant et il ne s'en est rendu compte que trop tard. Parce qu'il espérait obtenir quelque chose et ne l'a pas eu. C'est pourquoi il a tenté d'obtenir plus d'information à Osernj, et il y a aussi raté son coup.
- Tu dois avoir raison. J'essayerai de convaincre les italiens: tu leur donnes maintenant une piste de plus.
- A propos de leur donner des pistes: je ne pourrais pas aller là-bas et travailler avec eux? J'ai été dans tous les endroits où quelque chose s'est passé, sauf à Naples. Cela pourrait être utile. Plus encore grâce à mon contact avec Kaminsky et, à travers lui, avec le duc d'Osernj.
- Hum... je ne sais pas s'ils accepteront la collaboration d'un détective privé. Tu sais que la police est jalouse. Et pour ce qui d'Osernj, cela passe par la police tchèque.
- Mais les tchèques n'étaient pas là quand cela s'est passé. La seule différence, c'est qu'eux ont quatre cadavres.
- Et les enregistrements de vidéo. Et accès direct au duc.
- D'accord. Et moi, je n'ai pas été dans le palais. Mais le duc n'était pas là non plus quand c'est arrivé. Pourquoi ne me réintègres-tu pas dans la force seulement pour ce cas? Il y a quelque chose qui l'empêche?
- Non, cela est possible. On pourrait t'envoyer comme spécialiste. Je devrai consulter le grand chef.
- J'ai toujours eu une bonne relation avec lui. Il m'a dit qu'il le regrettait beaucoup quand je suis parti.
- En effet. Je crois que tu lui plaisais. Le fait que tu aie suivi de très presque tous les cas qui nous occupent pourrait aussi aider à le convaincre. Je lui parlerai cet après-midi.
- D'accord. Je serai à mon bureau. Salut!
- Je te tiendrai au courant. Bye!

Au milieu de l'après-midi, Trompel recevait le coup de fil de Servais.
- Le directeur est d'accord pour te réincorporer le temps que dure cette affaire et t'envoyer à Naples. Il a trouvé que c'était une bonne idée pour pressionner un peu les italiens et assurer leur probité, au cas où la maffia se serait infiltrée. Il demandera de plus ta reconnaissance par Interpol comme chargé des relations internationales de ce cas, sur la base de tes voyages et présence sur les lieux depuis le début ici. Ainsi les italiens seront obligés de collaborer.
- C'est une bonne nouvelle. Je t'en remercie, surtout au nom de professeur Kaminsky et de ses amis d'Osernj. Quand puis-je partir?
- Il y a un vol d'Alitalia pour Naples qui part demain à onze heures dix de Zaventem. Je vais t'envoyer ton code de réservation pour retirer ton billet à l'aéroport. Et aujourd'hui, avant six heures, un commis t'apportera ta plaque de la PJF à ton bureau. Tu n'auras de comptes à rendre qu'à moi. Et ton contact là-bas sera l'inspecteur Andrea Bianchi.
- Parfait. Alors, je te contacterai de Naple..
- D'accord. Bon voyage!

27 décembre  

Le lendemain à onze heures dix, l'avion d'Alitalia avec Trompel à bord décollait de Bruxelles vers l'Italie. Dans l'avion, on lui servit un sandwich et une boisson fraîche pour tout déjeûner. Il devait changer d'avion à Rome, avec une demi-heure d'attente. Après quatre heures de voyage, il arrivait à Naples. Avant d'aterrir, il put voir par la lucarne de l'avion la grande colonne de fumée qui s'élevait du cratère du Vésuve. Comme beaucoup de volcans de la planète, il était entré en activité le 21 décembre.

Personne ne l'attendait à l'aéroport. Il prit un taxi et se fit conduire à l'adresse de la police, la Questura di Napoli, qui est à la Via Medina. A la réception, il demanda à parler à l'inspecteur Andrea Bianchi. Le garde lui répondit qu'il n'était pas là. Trompel montra la plaque de la PJF belge et demanda quand il reviendrait. Le policier, avec mauvaise mine, lui répondit qu'il ne savait pas. Qu'il pouvait attendre ou bien revenir le lendemain. Le belge s'assit pour attendre et se mit à lire un journal qu'il avait pris à l'aéroport en sortant de Bruxelles. Au bout d'une heure, il en eut assez et dit au garde qu'il reviendrait le lendemain matin et lui demanda d'avertir Bianchi qu'il venait en mission d'Interpol. Il sortit et, comme il ne connaissait pas Naples, il prit de nouveau un taxi pour aller cette fois à l'hôtel Palazzo Alabardieri, à la Via du même nom. Il l'avait trouvé la veille par Internet. Il put constater que l'hôtel n'était pas très près: il mit plus de quarante minutes, mais il y avait beaucoup de circulation et le taxi avançait lentement. C'était un hôtel assez neuf et d'un prix abordable malgré son nom de «palais». Mais c'est la police italienne qui aurait dû lui offrir un logement.

Il s'enregistra à la réception, plaça ses bagages dans la chambre et descendit ensuite pour sortir faire une promenade et se familiariser avec les alentours. Avant de sortir, il demanda une carte de la ville. Il put ainsi constater que le nombril de Naples est son centre historique, d'origine gréco-romaine. Il se promena dans les ruelles avec de nombreux ateliers d'artisans et découvrit les fameuses librairies de Part'Alba et les cafés de la piazza Bellini. Il en profita pour y boire un bon capuccino et de manger quelque chose avant de rentrer à l'hôtel pour passer la nuit.