30/06/2009

Les yeux d'Horus 7.1.

Chapitre 7


Pendant qu'au palais les célébrants allaient dormir, en ville les gens se levaient. Trompel se réveilla à son heure habituelle. Après ses ablutions, il descendit prendre le petit déjeuner et demanda à Joos Kampjn, qui le servait, s'il y avait des activités spéciales ce jour-là, vu que c'était pour eux un jour de fête si important. Elle lui dit qu'après le déjeûner une fanfarre parcourrerait la ville en jouant de la musique du folklore local. Ensuite il y aurait un match de football entre l'équipe des commerçants et celle des mineurs. Et le soir tard, il y aurait un feu d'artifice lancé de la forteresse.

- Il n'y a rien de prévu à midi? -demanda-t'il?
- Non. Pourquoi?
- C'est que le jeune Zidovske m'a dit d'être à midi à la Grand Place. Qu'il pourrait y avoir quelque chose d'intéressant.
- Alors, c'est que les étudiants doivent avoir préparé quelque chose. Cela ne m'étonnerait pas. Mais s'il en est ainsi, ils ont mal choisi le jour. Et l'endroit. Le bourgmestre ne sera pas à l'hôtel de ville mais chez lui. Et ils ne pourront pas contacter le duc avant, au moins, le 23. Allez-y: ainsi vous saurez un peu plus de ce qui se passe ici!
- Je ne le perdrais pour rien au monde. Merci.

Ayant terminé de déjeuner, il monta à sa chambre y lut de nouveau, sur son laptop, les documents que Kaminsky lui avait envoyé au sujet du mythe et du festival d'Osiris. Il continuait à être préoccupé par ce qui pouvait s'être passé durant la nuit au château et se demandait si son ami serait encore en vie, se lamentant de n'avoir pu trouver le moyen de s'y introduire. Il se rendait compte qu'il ne servait à rien de se faire du mauvais sang et décida, pour passer le temps, de faire un tour dans un autre secteur de la ville jusqu'à l'heure du rendez-vous. Il mit son pardessus pour se protéger du froid hivernal puis sortit, se dirigeant vers les anciennes églises que Zidovske lui avait signalées sur la carte.

En arrivant à la première, il fut surpris. Elle n'avait rien de l'aspect roman ou gothique des églises médiévales habituelles, pas plus que le plan en forme de croix latine ou celui en croix grecque de l'art byzantin. Elle avait une façade basse et large et un plan rectangulaire, comme les temples égyptiens, bien qu'il y avait quelques fenêtres avec arc brisé et une rosette circulaire au dessus de la porte d'entrée. Et au centre de la rosette, il y avait tois lettres: IHS. Il savait que le H était la forme médiévale de représenter l'X et que IXS correspondait aux initiales de trois mots grecs: Iesos Xristos Soter, qui signifie Jésus Christ Sauveur. Quelques sorciers et tarotistes prétendaient que ces lettres faisaient référence à quelque chose de beaucoup plus ancien: Isis-Horus-Seth, mais cela était absurde car l'alphabet latin n'était pas si ancien. L'intérieur de l'église, cependant, était meublé comme toute église chrétienne: un autel, un lutrin, des bancs. Aucune statue ni image de saint, comme c'était l'habitude dans les temples protestants, où l'on ne vénérait pas les saints. Mais la construction, toute de pierre visible, était sans aucun doute médiévale.

Quand il arriva à la seconde, il trouva une image plus familière. Elle était de style ogival, avec une tour carrée surmontée d'un clocher. Mais elle n'avait pas non plus de statue ni à la façade ni à l'intérieur. En leur lieu, des deux côtés de la porte, on voyait en relief une croix hansée: l'ankh égyptien, symbole de vie. Il apprendrait plus tard que c'était en réalité l'écusson de la principauté.

Peu avant midi, il arrivait à la Grand Place. Devant l'hôtel de ville, il y avait des mâts avec des drapeaux. Quelques uns avaient deux bandes horizontales, bleue claire au dessus et verte en dessous et, sur les deux, au centre, un cercle jaune. Les autres étaient blanches avec une croix hansée dorée au milieu. Il vit aussi que la place s'emplissait peu à peu de jeunes gens qui portaient des pancartes. Dans bien des cas, il ne comprenait pas le texte qu'elles portaient, parce qu'elle étaient en tchèque. Mais il y en avait quelques unes en allemand et même en anglais:

- "Le futur est à nous!"
- "Science pour Osernj!"
- "Nous voulons les nouvelles technologies!"
- "Adieu au passé!"
- "Intégration au monde!"

A midi, plusieurs jeunes montèrent aux mâts, enlevèrent les drapeaux et les remplacèrent par des banderoles noires. Ensuite deux d'entr'eux montèrent les marches du perron de l'hôtel de ville et il se fit le silence. Ils commencèrent à parler à la multitude. Trompel, qui ne comprenait rien, trouva du regard l'étudiant qu'il connaissait et s'approcha de lui, lui demandant de traduire.

- C'est notre pli de pétition -lui dit-il-. Le même que nous avons déjà présenté au bourgmestre. Mais, maintenant, nous exigeons de parler directement au duc, sans quoi nous bloquerons toutes les activités de la ville.

Quelqu'un cria quelque chose, du milieu de la foule. Ensuite les autres se mirent aussi à crier et commencèrent à se déplacer.
- Ils disent que nous perdons notre temps ici, parce que le bourgmestre est chez lui. Il est le seul qui peut transmettre le message au duc. Et nous devons aller chez lui.
- Que représentent les drapeaux qu'ils ont enlevés?
- Celui qui a des franges est notre drapeau national: il représente le ciel, la terre et le soleil. Le blanc est l'emblème du duc.

Ils suivirent la multitude, qui prenait une des rues adjacentes. Après un parcours de quelques minutes, ils se groupèrent devant une maison aucunement différente de ses voisines mais qu'ils connaissaient bien, de toute évidence. Les deux leaders frappèrent à la porte pendant que ceux qui portaient des pancartes les agitaient et criaient leurs revendications.
- C'est la maison du bourgmestre - dit Zidovske.

Celui-là sortit et comença à dialoguer avec les premiers jeunes gens. Il se fit le silence. Puis on entendit la voix du bourgmestre. Zidovske traduisit:
- Il dit que nous nous sommes pressés inutilement. Le duc a convoqué une réunion extraordinaire du Conseil pour le 23 à onze heures du matin, avec une invitation spéciale aux jeunes gradués dans des universités étrangères. Il dit que le duc fera des annonces qui changeront totalement le futur et l'importance de la principauté. Lui devait remettre cet après-midi les invitations à tous ceux qui sont convoqués. Je crois que nous avons commis une erreur. Mais qui pouvait deviner un tel changement après les négatives antérieures?
- Ceux qui savaient ce que signifie réellement la date d'aujourd'hui -répondit Trompel.
- De quoi parlez-vous?
- Mon ami historien: vous n'avez jamais entendu parler du calendrier maya? Des prévisions astronomiques égyptiennes? Des mythes hopi?
- Je n'ai pas étudié à fond des cultures aussi anciennes.
- Quelle malchance! Vous auriez su que ces trois cultures calculèrent qu'aujourd'hui ne commence pas seulement une nouvelle année astronomique mais aussi une nouvelle ère pour l'humanité et que la nuit passée était la dernière de l'ère qui a commencé avec le déluge universel. Ne vous étonnez pas si, aujourd'hui, il se passe encore d'autres faits inattendus!
- Et comment savez-vous cela? Vous êtes aussi historien ou archéologue?
- Non. Je ne suis qu'un journaliste, mais bien informé et avec de bonnes sources.
- Et vous saviez que quelque chose allait se passer ici?
- Pas du tout. Mais ce qui se passe ne me surprend pas. Il est fort possible qu'il se passe des choses semblables en divers autres endroits du monde. Je serai impatient de savoir ce que dira le duc le 23!
- Moi aussi. Mais vous le saurez sûrement, à moins que vous ne partiez avant.
- Je n'en ai pas du tout l'intention. De plus, j'aimerais revoir le professeur Kaminsky. Comme il est maintenant au palais, il pourra peut-être nous donner des détails au sujet des plans du duc.
- Je l'espère. J'essayerai aussi de le revoir. Maintenant, il faut que je rejoigne mes amis. Adieu!
- Adieu et merci!
Trompel rentra alors à l'auberge. Il était temps de déjeûner et la longue promenade lui avait ouvert l'appétit. Malgré ce qu'il avait dit au jeune historien, la déclaration du bourgmestre l'avait surpris, mais agréablement en réalité. Il voyait renouvellée son espérance de ce qui rien de mal ne soit arrivé à l'égyptologue.

24/06/2009

Les yeux d'Horus 6.4.

21 décembre  

Le temps avait passé rapidement et la nuit était fort avancée. Le projecteur s'éteignit et l'illumination fut de nouveau débile. La colonne formée par les assistants, avec Ptah à sa tête, se reforma et se dirigea vers le fond de la salle. Mais au lieu de s'approcher de la porte de la chapelle centrale, elle s'approcha de la porte de droite.

-Osiris renaît de l'orient, précédant l'apparition d'Amon-Râ (le soleil) -proclama Ptah.- Montons attendre son apparition et ouvrons nos coeurs à l'Ere Nouvelle.

Il ouvrit alors la porte, derrière laquelle il y avait un escalier en colimaçon qui montait à la terrasse qui couvrait complètement la grande salle. Tous le suivirent et se disposèrent en ligne, orientés vers l'est, sous une petite toiture. Ils s'assirent en position de scribe et se mirent à méditer. Kaminsky sentit que le sol était tiède, de même que celui de la salle et de la cour, malgré que l'hiver commençait. Sans aucun doute, il y avait un système secret de chauffage par porcelaine radiante, sans quoi -à peine vêtus de légères tuniques- ils se seraient fortement refroidis risquant l'hypothermie ou, au moins, une forte bronchite.

Le ciel était couvert: il n'y avait aucune espérance de voir apparaître Sirius, l'étoile d'Isis, dans le ciel nocturne. Pendant les derniers soixante jours, comme chaque année, Orion et Sirius n'avaient plus été visibles. Ceci était le temps que durait l'embaumement d'un pharaon et pendant lequel l'Egypte restait sans son guide, puisque le nouveau pharaon assumait seulement après la fermeture de la tombe. La réapparition de Sirius coïncidait avec le solstice d'hiver et annonçait que la constellation d'Orion -symbole d'Osiris- revenait aussi dans le ciel, bien que cela n'était pas facilement observable. C'est pourquoi les égyptiens prenaient l'apparition de Sirius comme signe astronomique et religieux pour célébrer l'an nouveau et attendre la crue du Nil qui fécondait la terre, puisqu'ils considéraient Isis comme la "Reine des dieux", la "Force fécondante de la nature" et la "Déesse de la maternité et de la naissance".

Kaminsky repassa en esprit toute cette symbologie, se rappelant aussi -une fois de plus- que cela n'était qu'une réinterprétation et une forme d'enseigner la vérité sur le Dieu priomordial et unique, mais avec tant de facettes que les égyptiens avaient choisi ce moyen particulier pour le faire connaître et enseigner ses vertus. Se concentrant sur ces concepts, il se rendit compte qu'une grande paix l'envahissait et que sa conscience devait lumineuse. En même temps, il se sentit extraordinairement uni à ses compagnons: c'était comme s'ils formaient, dans cette ambiance de paix et d'illumination, un seul esprit, une seule conscience. Serait-ce une forme de télépathie? De communion spirituelle?

Finalement, le ciel commença à s'éclairer. L'aube arrivait. Personne n'avait pu observer Sirius, mais tous savaient qu'elle était au rendez-vous, tout comme le soleil qui n'était pas plus visible. Ils se levèrent.
- Osiris a ressuscité! -proclama Ptah, et tous répétèrent la formule.
- Et il nous a donné la vie pour connaître l'Ere Nouvelle! Remercions les dieux! -ajouta-t'il.

Et tous se prosternèrent. Ensuite, il formèrent de nouveau une file à la suite du duc, descendirent l'escalier et traversèrent la grande salle, maintenant complètement illuminée. Ils sortirent dans la cour, enlevèrent leur tunique qu'ils conservèrente, pliée, sur leurs bras pendant qu'ils traversaient le bassin rempli d'eau au centre de la cour. Au sortir de la piscine, Kaminsky sentit une suave brise chaude qui le sècha rapidement et, comme les autres, il remit sa tunique. Ils sortirent ensuite du temple et entrèrent au palais. Dans la petite salle, ils laissèrent les masques puis continuèrent vers la salle-à-manger. Toutes les tapisseries avaient disparu et les murs resplendissaient de blancheur. Excepté le mur du fond, où l'on voyait maintenant la même image d'Isis avec Horus qu'ils avaient vu dans le temple, mais avec Osiris les contemplant.

Ils s'assirent à la table, qui était couverte de nourritures typiques de l'Ancienne Egypte: des petits pains, du poisson sec, des gâteaux au miel, res racimes de raisin, des pots de lait. Le duc se tint debout et se dirigea aux convives:
- Mes frères, célébrons le commencement de l'Ere Nouvelle. L'heure est arrivée de changer le monde et de rétablir la culture des nefilim. Nous mangerons pour la dernière fois à la façon égyptienne comme nous et nos prédécesseurs l'avons fait depuis deux mille ans. Ensuite nous nous reposerons et nous nous retrouverons à l'heure du déjeuner pour commencer notre travail de rénovation. Bon appétit!

Tous mangèrent, mais les conversations furent rares et à peine susurrées. Il semblait que tous continuaient à être imbus du recueillement de la nuit. Ils terminèrent rapidement et s'en furent en silence à leurs chambres.

16/06/2009

Les yeux d'Horus 6.3.

Le dîner eut lieu à l'heure prévue et fut aussi informel que le déjeuner. Les conversations courrurent sur les thèmes les plus divers, depuis les spécialités des assistants jusqu'à la politique de leur pays, le futur de l'Union Européenne et la triste inutilité des Nations Unies. Le temps dédié au pousse-café, près d'une table latérale, se prolongea quelque peu, dans une joyeuse atmosphère.

Après huit heures, le duc se dirigea de nouveau à ses amis:
- Mes frères: chacun trouvera dans sa chambre ce qui lui sera nécessaire pour la cérémonie de cette nuit. Nous nous rassemblerons devant le temple à onze heures trente pour commencer la célébration du festival d'Osiris et attendre la renaissance du soleil et l'aube de l'Ere Nouvelle.

Il s'approcha ensuite de Kaminsky et le prit à part pendant que les autres sortaient de la salle-à-manger.
- Docteur: vous ne serez, cette nuit, qu'un spectateur. Vous connaîtrez la façon dont nous célébrons cette fête, la principale pour nous. Il est impossible de célébrer la totalité des Mystères d'Osiris parce que nous ne sommes pas en Egypte et, même ainsi, la plupart des temples ont été détruits et les reliques d'Osiris ont été perdues pour toujours. Les prêtres qui arrivèrent ici n'ont pas pu les apporter. Et elles n'étaient d'ailleurs pas importantes pour eux non plus, car ils savaient qu'il s'agissait uniquement de symboles et ils voulaient seulement préserver la signification profonde du mythe et la science héritée des temps d'Atlantis. Pour la cérémonie, revêtez votre tunique blanche et suivez-nous au temple. Observez et élevez avec nous votre coeur!
- Je m'en réjouis d'avance. Et je vous remercie de ce privilège. Ce sera sûrement la nuit la plus importante de ma vie!
- Je suis heureux qu'il en soit ainsi pour vous. A dans quelques heures!
- A bientôt!

En arrivant dans sa cellule, Kaminsky trouva sa tunique pliée sur son lit. Tous les autres avaient aussi leur tunique et trouvèrent en plus sur leur lit une grande enveloppe qui contenait un parchemin avec un dessin qui représentait l'un des quatorce morceaux du corps d'Osiris depecés par son frère Seth. Ils savaient qu'ils devaient l'emporter dans les plis de leur tunique pour la cérémonie. Tous avaient aussi un lutrin avec le même livre que Kaminsky avait trouvé dans sa chambre et la plupart se mirent à en relire quelques pages, allusives à la fête de cette nuit. Les plus âgés préférèrent s'étendre quelques heures pour réserver leurs forces pour une vigile qui serait longue.

Après onze heures, ils changèrent leurs vêtements, se mettant la tunique, la broche avec l'oeil d'Horus et le masque représentant un des anciens dieux. Kaminsky fit de même, mais n'avait ni broche ni masque. Ensuite, comme les autres, il descendit et sortit du palais par la petite salle derrière le grand escalier.

Cette fois il y avait de l'illumination artificielle: la façade du temple était visible grâce à de puissants projecteurs. L'on pouvait apprécier qu'elle était faite de mégalithes, des pierres d'énormes dimensions qu'il aurait été très diffiicile de déplacer et d'ajuster, même avec des outils modernes. Mais étaient-ce vraiment des "pierres"? Kaminsky connaissait les études du docteur Joseph Davidovits, fondateur de l'Institut Géopymérique de Paris, qui avait diffusé ce que révélaient les analyses chimiques et microscopiques effectuées par le Dr.Klemm, expert en pétrographie, sur les pierres des pyramides de Gizeh: la consistence était différente à divers endroits de la même "pierre", avec une plus grande densité en haut qu'en bas. Il avait aussi constaté que les rocs de ces pyramides contenaient un pourcentage d'humidité supérieur à celui des pierres naturelles. La conclusion était évidente: les blocs n'étaient pas naturels mais artificiels. L'archéologue savait aussi que dans la tombe de Rekhmire il a une fresque avec une scène quotidienne où l'on voit des ouvriers portant des sacs d'un produit qu'ils versaient dans des moules et qui, ensuite, durcissait en forme de briques ou de blocs. Cette technique, défendue par Davidovits, expliquerait la construction de la Grande Pyramide et d'autres monuments faits apparemment de mégalithes. Il est en effet facile de transporter du sable et autres composants, les monter dans des sacs et, aussi haut qu'il soit nécessaire, faire des moules de la dimension exacte, obtenant des blocs sans nécessité de lourdes machines. [Selon rapport présenté au Congrès d'Egyptologie de Grenoble en 1979.]

Les murs du temple d'Osernj ne présentaient aucune décoration: ils étaient totalement lisses, comme pour inviter à s'abstraire de toute image matérielle et élever l'esprit. Près de l'entrée sans porte se rassemblaient tous les membres de la Socété de l'Oeil. A onze heures trente, Ptah s'avança, suivi de ceux qui portaient les masques d'Osiris, Seth, Isis, Neftis et Horus, puis les autres. Kaminsky suivit en dernier lieu, comme il lui correspondait, étant le dernier venu. Ils passèrent le portail, suivirent le couloir long de la grosseur des énormes murs de façade, et arrivèrent ainsi à la cour intérieure. Elle était aussi illuminée et Kaminsky se rendit compte alors qu'il s'était trompé en l'interprétant comme une copie de celle de l'Osireion, en Egypte: c'était son équivalent "en négatif". L'Osireion, en effet, a une sorte de terrasse centrale -où ici était la piscine- entourée d'un large canal innondé des eaux du Nil et qu'il fallait traverser pour atteindre la plateforme centrale. Ici, au contrarie, au lieu du canal, il y avait une esplanade entourant la piscine avec, des deux côtés les plus longs, une série de niches, semblables cette fois à celles de l'Osireion.

Le groupe se divisa en deux, chaque moitié évitant la piscine par l'un des côtés, et poursuivit vers la grande porte dorée de la salle principale. Seth l'ouvrit et tous y entrèrent. Ici, il n'y avait que très peu de lumière. Ils se réunirent au centre et, au son d'un gong, se tournèrent vers le mur à la droite de l'entrée. Un projecteur illumina celui-çi, révélant les figures qui y étaient peintes, dans le plus pur style de décoration des temples et tombes de l'Ancien Empire. Et l'un des présents commença le récit du mythe d'Osiris.

Kaminsky frémit. Allait-on passer à la représentation sanglante de l'assassinat d'Osiris? Ou auraient-ils leur propre version du rituel? La scène du mur représentait Osiris se promenant au paradis qu'il avait créé. Et le récitant rendait compte maintenant de ce moment de l'histoire.
- A cette époque, l'humanité vivait en état sauvage et ce fut Osiris qui enseigna à son peuple à cultiver les champs, profitant des innondations annuelles du Nil, à semer et à récolter les aliments. Il enseigna aussi à cultiver les vignes et faire le vin, à fabriquer la bière à partir de l'orge. Et il donna aussi au peuple les lois pour qu'il vive en paix, la musique pour sa joie et le respect pour les dieux. Mais son frère Seth en devint furieux.

De nouvelles voix se firent entendre alors, reproduisant le dialogue:
- Qu'as-tu fait, mon frère -criait Seth-. Tu t'es mis au-dessus de moi? Ne suis-je pas aussi un dieu? Tu t'attribues à toi seul toute la création, de telle façon que moi, ton frère, je ne peux pas la partager?
- Notre père, Amon-Râ, nous l'a donnée à tous deux -lui répondait Osiris-. Mais il nous a aussi donné le droit de choisir la façon d'utiliser notre pouvoir, pour le bien ou pour le mal. Voici le monde, tel que moi je l'ai révélé. Si tu veux le partager dans la paix et l'amour fraternel, tu es le bienvenu. Mais si tu viens en son de guerre, si la mauvaiseté et la haine sont dans ton coeur, je t'ordonnes que tu te retires. [De Wilbur Smith: "Río Sagrado", p.115.]

Le lecteur continua: 
- Quand Osiris termina sa fonction, il partit proclamer son enseignement sur d'autres terres, laissant Isis à charge de l'Egypte, et ce fut elle qui gouverna sagement en l'absence de son mari. Mais Seth se mit à préparer sa vengeance. En secret, il obtint les mesures exactes du corps de son frère et fabriqua un coffre de bois noble, richement orné, dans lequel s'emboîterait parfaitement le corps de son frère. Quand Osiris revint, Seth offrit un grand festin en son honneur.

Le projecteur bougea alors vers la droite, montrant maintenant le banquet et les convives qui regardaient le grand coffre. Le lecteur poursuivit:
- A un moment de la fête, lorsque les coeurs des invités avaient été rendus joyeux, Seth indica le coffre et dit:
- Je donnerai ce coffre à celui dont le corps y entrera en s'ajustant parfaitement. -C'était de nouveau la voix de Seth, que le lecteur interrompit de nouveau:
- Les invités essayairent un à un si leur corps s'ajustait au coffre mais aucun n'y arriva, parce qu'ils étaient trop grands ou trop petis, trop gros ou trop maigres. C'est alors qu'Osiris s'approcha et dit:
- Laissez-moi aussi essayer.
Il s'y introduit et, voyant qu'il s'y ajustait parfaitement, il dit
- J'y tiens parfaitement et il sera donc à moi. -Ce à quoi Seth répondit:
- Il est à toi, mon frère, et le sera pour toujours. -et il ferma brusquement le couvercle, le clouant ensuite avec l'aide des invités et le scellant avec du plomb fondu.

Le projecteur avança et montra une nouvelle scène: le sarcofage fermé, transporté jusqu'au Nil où il était jetté. Le récit se poursuivit, expliquant comment le coffre arriva à la côte phénicienne et comment il se trouva encastré dans un tamarisque qui, finalement, fut coupé et converti en pilier supportant le toit du palais du roi de Byblos.

Kaminsky se rendait compte clairement, maintenant, que la version de la légende utilisée n'était pas celle qu'avait recueilli Wilbur Smith et qu'il avait envoyée à Trompel, mais une autre, plus longue et mieux établie par les hiéroglyphes des anciennes constructions. [Ici a été adaptée la version reprise par Francisco López et publiée dans Egiptología.org.] Le projecteur avança et montra la scène suivante: l'intérieur du palais de Byblos, avec au centre le pilier qui contenait le sarcofage et, à côté, Isis qui parlait au roi. Le lecteur expliquait:

- Isis, au courant la trahison de Seth, se proposa de trouver le cadavre de son mari pour lui donner sépulture et partit à sa recherche. Après avoir déambulé par toute la terre, elle sut que le coffre était arrivé à Byblos, où elle se rendit et où elle sauva de la mort le fils du roi. Celui-çi lui offrit alors les plus beaux cadeaux qu'il pouvait imaginer, mais elle ne demanda qu'une seule chose:
- Donne-moi, oh roi, le pilier de tamarisque qui est au centre de cette salle. Je prendrai ce qu'il contient, qui est d'énorme valeur pour moi et n'en a aucune pour toi, et je te rendrai le pillier. - (C'était la voix de Jane Wilson, qui jouait le rôle d'Isis).
 
Le roi accéda. Isis l'ouvrit sans effort, prit le coffre avec les restes d'Osiris, laissant le pillier au roi. Elle chargea le cercueil sur un bâteau et partit pour l'Egypte où elle le cacha dans les marécages du delta du Nil.

Le projecteur bougea de nouveau, révélant une scène du delta. On voyait Seth dépeçant le cadavre incorrompu de son frère. Et le lecteur éclaircissait les événements:
- Seth chassait par là. Il trouva le coffre et le reconnut. En colère, il l'ouvrit, trouva le corps d'Osiris et le dépeça en quatorce morceaux qu'il distribua tout au long du Nil pour qu'ils servent d'aliment aux crocodiles. Mais les crocodiles, par crainte du dieu, n'y touchèrent pas. Isis devait recommencer sa recherche. Elle voyagea par le Nil dans une barque de papyrus et, peu à peu, récupéra chacun des morceaux du corps, les enveloppant de cire aromatisée. A chaque endroit où apparaissait un morceau, elle donnait la figure aux prêtres, les obligeant à jurer qu'ils lui donneraient sépulture et la vénéreraient.

Ici se produisit un silence et les assistants commencèrent à se déplacer. Le projecteur illumina le centre de la salle, où surgit du sol une sorte d'autel que tous entourèrent. Chacun sortit alors de sa tunique le parchemin avec la figure d'une partie du corps d'Osiris et, l'un après l'autre, ils les déposèrent religieusement sur l'autel. Treize étaient ceux qui avaient un parchemin et il fallait en déposer quatorce. Le duc, habillé comme Ptah, qui avait commencé la démarche, s'approcha une deuxième fois. 
- En représentation de notre frère disparu, Dick Robertson, je remets le symbole qui lui correspond, le rendant spirituellement présent dans cette célébration.

L'autel redescendit et disparut dans le sol, avec les parchemins. Le lecteur continuait:
- Seul un morceau du corps n'avait pas été récupéré: le membre viril, mangé par un poisson. Isis reconstruisit le corps et sa magie reformat le membre perdu. Grâce à Anubis, elle l'embauma, le convertissant en la première momie d'Egypte, et le cacha en un lieu qu'elle seule connaissait et qui est resté occulte et secret jusqu'à présent. Isis, grâce à sa puissante magie, réussit à rendre la vie au cadavre momifié d'Osiris, s'unit à lui et conçut, engendrant ainsi son unique fils. Horus vengea plus tard la mort de son père en explusant Seth au désert et récupéra le trône d'Egypte alors qu'Osiris devenait le roi des morts, dans les champs fertiles de Aaru.

El projecteur avait à nouveau avancé et montrait Isis copulant avec Osiris. Après être resté un instant sur cette scène, il bougea brusquement et montra l'image d'Isis, assise, avec l'enfant Horus sur les genoux. C'était une copie parfaite du grand tapis de la salle-à-manger mais en style égyptien et non en clé chrétienne moyen-âgeuse. Fort semblable à celle de la chambre de Kaminsky. Il se fit un long silence.

09/06/2009

Les yeux d'Horus 6.2.

Au château, à midi et demie, tous les assistants étaient de nouveau réunis dans la salle-à-manger. La conversation fut informelle et variée. Il n'y eut aucune allusion au motif de la réunion ni aux faits discutés durant le petit-déjeuner. Jusqu'à ce que le banquet termina. Alors le duc se dirigea à tous:
- Mes frères, vous savez ce que vous devez faire cet après-midi. Nous nous réunirons pour dîner à sept heures et nous nous préparerons ensuite pour le rituel de cette nuit. Je reste maintenant avec notre nouveau membre pour lui donner quelques informations sur nos fonctions et sur le programme de cette nuit.

Kaminsky se leva comme tous mais resta à sa place pendant que les autres sortaient en parlant. Il ne put savoir s'ils allaient dans leurs chambres ou ailleurs. Le duc s'approcha de lui et lui fit signe de s'asseoir, tout en faisant de même.
- Bien, professeur. Je suppose que vous aurez lu le texte que je vous ai indiqué au sujet de notre Société.
- Oui. Ce texte m'a confirmé que le papyrus que j'ai lu il y a peu n'était pas une falsification. Osernj a été fondée par des prêtres égyptiens qui fuyaient de la destruction et des usurpateurs.
- C'est exact. Puis-je savoir où vous avez trouvé ce papyrus?
- En réalité, je ne connais pas son origine. Je l'ai trouvé au milieu de vieux incunables dans une ancienne réserve de la bibliothèque de mon université. Il n'y a donc rien qui permette de le situer du point de vue historique, sauf les éléments physiques qui le composent évidemment.
- Et son style?
- De l'écriture hiératique absolument classique. Rien ne s'oppose à l'hypothèse d'une origine sous le Nouvel Empire.
- J'aimerais le connaître et ajouter une copie à la collection que nous conservons ici.
- Vous pouvez y compter. A peine de retour à Prague, je ferai une copie et je vous l'enverrai.
- Et que dites-vous de la cérémonie d'hier soir? Dans ce nouveau contexte, elle vous a semblé avoir du sens?
- Totalement. Et cohérente avec le peu que j'ai pu observer de l'endroit qui, il est vrai, était fort obscur pour être correctement apprécié. Il m'a paru fort semblable au temple de l'Osireion d'Abydos, sauf que je n'ai pu voir de salle avant la cour avec la piscine.
- Vous avez raison. Les prêtres qui arrivèrent ici s'inspirèrent du plan de ce bâtiment mais sans le suivre totalement. Comme vous devez savoir, l'Osireion est un des temples les plus anciens d'Egypte, antérieur à la Première Dynastie, tout comme le Temple de la Vallée qui est aux pieds du sphynx de Gizeh.
- Et le sphynx, comme les énormes blocs de la base du temple de Baalbek, selon les dernières études, doit être antérieur au déluge et une preuve de l'existence d'une civilisation plus ancienne, de laquelle proviendraient les prêtres de l'Oeil d'Horus, qui fut appelée Atlantide. Ce qui serait confirmé par les tablettes cunéiformes les plus anciennes d'Assyrie, où l'on parle des "nefilim" ou "Fils du Ciel", qui développèrent la première civilisation sur la Terre, avant le Déluge universel.
- C'est correct. Et certains de ces blocs de pierre de Baalbek pèsent près de deux mille tonnes: encore aujourd'hui nous ne disposons d'aucune grue capable de les soulever. Je vois que vous avec bien fait votre devoir, professeur. Vous ne semblez rien ignorer des théories non-clasiques au sujet des origines de la civilisation du Moyen Orient. Mais il y a beaucoup plus. Atlantis n'était pas l'unique ville, et sa civilisation s'étend par tout le globe. Vous devez savoir que les nefilim -ou les atlantes- apparaissent aussi dans l'Yajurveda et les anciens écrits sacrés en sanscrit de la vallée de l'Indus. Et ces textes contiennent le secret des "vimanas", que la Société de l'Oeil n'a jamais révélé. Le vimana du dieu Shiva est décrit ainsi dans le chapitre 15 du Livre de Krishna: "Il était capable de se mouvoir sur l'eau et sous l'eau. Il pouvait voler si haut et si vite qu'il était impossible de le voir. Même s'il faisait noir, le pilote pouvait le conduire dans l'obscurité."
- Cela ressemble assez bien à nos avions à réaction! Et l'Oeil d'Horus est toujours dépositaire de ces connaissances?
- Absolument. Et de bien plus que ce qui provient seulement d'Egypte. Je viens de vous parler des livres sacrés de l'Inde. Mais connaissez-vous la tombe de Pacal, sous la Pyramide des Inscriptions, à Palenque, au Mexique?
- Bien sûr. Mais quelle est la relation?
- La tombe est beaucoup plus ancienne que la pyramide. Et la pierre tombale porte une gravure qui représente un homme voyageant dans une espèce d'artefact: c'est Pacal aux commandes d'un vimana. Nous croyons que Pacal est le seul nefilim desquels nous avons les restes.
- Je ne connais pas les textes sanscrits et je croyais que l'interprétation de la gravure de Pacal comme pilote d'une nef était de la pure fantaisie. Mais je sais que les mayas avaient de grandes connaissances astronomiques qui se coordonnent parfaitement avec les égyptiennes. Bien qu'ils utilisaient des mesures différentes pour les cycles, ils considéraient les mêmes constellations. Et le calendrier maya finit abruptement le 23 décembre 2012, 5.125 ans après le début du "Cinquième Soleil" [[Calculé effectivement par les archéologues]]. Ce qui coïncide avec le calendrier égyptien, que je crois maintenant atlante, qui considère pour ce 21 décembre la fin du grand cycle de 25.920 ans que met le soleil à faire le tour de 360º par toutes les constellations. [[En réalité, selon l'année cosmique égyptienne qui commença avec le Déluge universel, en 2010 nous serons exactement à la moitié du cycle et non à la fin.]] Et les grands houracans de ces derrières années ont été prédits par les mayas comme annonciateurs de ce changement transcendental. 
- C'est pour cela que vous m'avez semble si ému d'avoir été invité à la fête du solstice, professeur?
- En effet. Je sais parfaitement que ce n'est pas un solstice comme les autres. C'est le début d'une nouvelle ère astronomique.
- Et à une nouvelle ère pour l'humanité, docteur, comme vous saurez bientôt. Mais nous devrions aussi parler de la Porte du Soleil, à Tiwanaku, en Bolivie, qui porte une frise avec un calendrier solaire qui marque les équinoxes et les solstices et qui pèse douze tonnes. Et du temple voisin de Kalasasaya, construit avec de grandes pierres de cinq mètres de haut, quelques unes desquelles pèsent plus de cent tonnes. Selon l'alignement des témoins du temple, on calcule qu'ils correspondent à la position des étoiles il y a dix-sept mille ans. Il y a aussi des restes d'une pyramide. Et non loin de là on a trouvé les restes d'un immense port où pouvaient recaler des centaines de navires. Sans aucun doute, le lac Titicaca arrivait jusque là. Là aussi il y a des blocs de pierre de cent, cent cinquante et même plus de quatre cent tonnes. [[Données exactes]]
- Je ne connais que superficiellement Tiwanaku et ne connaissait pas ces données. Qui rappellent bien sûr Baalbek et la civilisation atlante. J'ai aussi su que l'on a trouvé des pyramides en Chine, mais je n'ai pas pu trouver plus d'information. Auraient-elle la même origine?
- C'est fort probable, mais personne n'en sait plus. Il n'y a que les photos satellitales, qui sont peu précises. El le gouvernement chinois ne permet à aucun étranger de s'approcher de la zone et a refusé tout commentaire à ce sujet.
- Et a-t'on trouvé en Amérique des textes qui concordent avec les sources égypto-atlantes?
- Quelques récits mythiques peuvent être interprétés en parallèle à des mythes égyptiens et sanscrits. Mais la seule chose qui a une valeur scientifique, c'est l'héritage atlante et la coïncidence entre l'astronomie égyptienne et celle d'autres cultures antiques.
- Et vous avez réuni toutes ces sources?
- Sinon toutes, la plus grande partie. J'ai ici des papyrus que l'on ne trouve nulle part ailleurs et qui n'ont jamais été copiés ni évoqués. Seuls les membres à part entière de notre société peuvent les consulter, ou plutôt en voir les copies. Vous savez qu'ils doivent être conservés dans des conditions très spéciales de température et d'humidité et que toute manipulation peut les détériorer. Ainsi, depuis les temps les plus anciens, nous avons des copies et ne consultons que celles-çi quand cela semble nécessaire, ce qui n'arrive pas souvent. Et il est de plus en plus facile d'y trouver des informations ponctuelles sans y toucher. Il n'y a rien de tel qu'avoir Jack Doorman comme partenaire, n'est-ce pas? Il nous a pourvu des meilleurs logiciels de numérisation et de consultation.
- Il me semble qu'il vous a prêté une aide extraordinaire. Et la fonction de la Société consiste exclusivement à conserver ces secrets et reproduire les rites ancestraux?
- Notre fonction est effectivement de protéger la foi en notre Dieu, maintenir la partie centrale du culte, associée à la foi en la résurrection, transmettre aux générations futures les connaissances des Anciens et tenter d'éviter que l'humanité ne commette les erreurs au sujet desquelles nous avons été avertis.
- Des erreurs?
- Oui: des erreurs qui provoquent des horreurs. Comme celle de la bombe atomique et de la guerre biologique. Les Anciens connaissaient la puissance de l'atome et la rejettèrent comme source d'énergie, à cause des risques associés. Ils connaissaient une source très supérieure: ce qu'on appelle aujourd'hui "énergie noire de l'univers", et ils furent capables de la dominer, ce qui ne provoque aucun type de contamination. Mais elle requiert une technologie qui n'est plus connue depuis, sauf par nous. Et la recherche biochimique ne devrait pas s'orienter vers les armes. Ni même vers la production de drogues artificielles. Vous savez que les égyptiens avaient une extraordinaire pharmacie d'origine exclusivement naturelle. La bioingénierie est aujourd'hui capable de synthétiser des copies parfaites. Si les molécules ne sont pas des copies parfaites, les dommages sont supérieurs aux bienfaits.
- Et tout cela est resté secret pendant plus de deux mille ans? Pourquoi n'a-t'on pas divulgué cette science en Egypte et dans l'ancien monde méditerranéen?
- Parce que les prêtres de l'Oeil d'Horus considérèrent que les hommes de leur époque n'étaient pas préparés pour cela. Le risque était trop grand qu'ils utilisent ce savoir pour des fins qui conduiraient à la destruction. Ainsi, le secret devait être gardé jusqu'au changement d'ère qui se produira cette nuit. Entre temps, la Société devait aussi protéger l'humanité de la connaissance erronée. Lamentablement, dans certains cas, nous n'y sommes pas parvenus. L'Oeil d'Horus n'a pu empêcher la bombe atomique ni l'énergie de fission nucléaire.
- Et à partir de demain, cette situation va changer?
- Oui. Le moment est venu de former de nouveaux disciples, de diffuser la foi et la connaissance. Nous travaillons depuis longtemps à la traduction des textes secrets et à leur adaptation au langage scientifique actuel. Et nous avons étudié la meilleure façon de réaliser cette diffusion de manière sûre, pour le plus grand bien de l'humanité. La mise en marche de ce plan sera le sujet de nos conversations demain après-midi et la première tâche de l'Ère Nouvelle. Ou du Sixième Soleil, comme l'appelèrent les mayas. D'autres questions professeur?
- Quel sera mon rôle dans tout cela?
- Vous êtes l'expert en religions et votre rôle sera de participer à la diffusion de l'essence de la religion égyptienne, qui coïncide d'ailleurs avec beaucoup d'autres. Faire des adeptes, développer un culte ordinaire. Non les Mystères d'Osiris, qui seront réservés à notre société. D'autres de nos membres sont de grands scientifiques et s'occuperont de nouveaux centres d'études et de recherches. Comment le faire, nous en discuterons entre tous dans les prochains jours. Maintenant, allez vous reposer. La nuit sera longue. Après le dîner, je vous donnerai des instructions pour la cérémonie de la renaissance d'Osiris.

02/06/2009

Les yeux d'Horus 6.1.


Chapitre 6

Pendant qu'il déjeûnaient au palais, Trompel faisait de même à l'auberge. Il allait terminer quand il vit entrer et s'approcher l'élève de Kaminsky dont il avait fait la connaissance le jour précédent.
- Mon oncle, l'aubergiste, par amitié avec le professeur, a insisté pour que je vienne vous servir de guide pour que vous puissiez connaître la ville. J'ai la matinée libre et je peux donc vous la consacrer. Êtes-vous prêt à marcher?
- Bien sûr. Je ne voudrais pas perdre l'occasion de compter sur un guide aussi illustré.
- Allons-y. Habillez-vous bien car il commence à neiger.

Trompel lui demanda alors d'attendre une minute pour aller chercher son chapeau et son imperméable dans sa chambre, puis ils sortirent. Le jeune Zidovske lui passa un petit plan de la ville.
- C'est une photocopie -lui dit-il-, parce qu'on ne les imprime pas. Personne n'en a besoin ici et les touristes sont très rares. Je vous conduirai d'abord à la Grand Place et, de là, à la forteresse. Vous verrez ainsi les bâtiments les plus importants.

Trompel se montra d'accord et dit à l'étudiant que le professeur lui avait déjà raconté brièvement l'histoire de la principauté, ce qui faisait qu'il n'était pas totalement ignorant. Il demanda alors:
- Est-ce vrai que le pays fut fondé par des prêtres égytiens qui fuyaient de la destruction?
- C'est ce qu'on raconte ici, mais cela semble être une légende. Aucun livre d'histoire ne l'accepte. Mais si le professeur vous a dit cela, il a peut-être découvert récemment un document ancien qui le confirme. Bon, y a-t'il quelque chose que vous désirez savoir en particulier? Un peu plus d'histoire?
- Oh, j'ai déjà cherché des notes sur l'histoire de la région sur Internet. Je crois que j'en ai assez. L'origine de la principauté m'intéressait parce que je ne l'avais trouvée nulle part et me semblait un peu fantastique. J'ai aussi vu les photos aériennes qu'a Google Earth, mais je n'ai trouvé aucune photo des édifices: ce sera donc du neuf pour moi. Mais la raison de ma présence est de préparer un reportage sur la façon dont vous célébrez les fêtes de fin d'année. Porquoi ne m'en parlez-vous pas pendant que nous nous promenons, à moins qu'il y ait à comenter l'architecture ou l'histoire de l'une ou l'autre construction?
- D'accord. En réalité la seule différence avec les pays voisins en ce qui concerne nos célébrations est que l'on considère le 21 décembre comme plus important que le 1er janvier. Les ducs nous ont enseigné depuis toujours que l'année astronomique commence avec le solstice d'hiver, le 21. Et que la Noël se réfère aussi au solstice, sacralisé par l'Eglise Catholique lorsqu'elle convertit les barbares. C'est pour cela que demain sera un jour férié et qu'il y aura un feu d'artifice. Et que presque tous ceux qui travaillent pour le duc sont en congé jusqu'au 25. Les maisons s'ornent comme ailleurs, principalement avec le sapin décoré et la crèche ou bien le Père Noël et son traineau, selon les préférences.

Ils étaient arrivés à la Grand Place. Elle rappela à Trompel la Grand Place d'Anvers, avec ses façades médiévales, renaissances et barroques. Zidovske indica l'hôtel de ville, qui était facile à identifier parce que c'était l'édifice le plus grand et le plus décoré. Il explica aussi la fonction des autres bâtiments. Ils ne servaient pas tous à des fonctions publiques: il y avait aussi des bars et d'autres commerces, et des maisons particulières. Ils continuèrent ensuite leur route par une rue plus large qui montait peu à peu.

Après une dizaine de minutes, ils arrivèrent à un terre-plein gazonné qui entourait la forteresse. Elle avait de gros murs de pierres obscures et un style propre du Bas Moyen-Age. Elle semblait rectangulaire avec, aux coins, des tours avec d'étroites ouvertures disposées pour des archers. Au centre, face à la rue principale, il y avait une grande porte de bois renforcée par des nervures de métal. Elle était fermée et on ne voyait aucun garde.

- Il n'y a pas de gardes à l'entrée? -demanda Trompel.- Elle est toujours fermée? Comment s'annoncent les visiteurs?
- La porte est toujours fermée et ne s'ouvre que pour les personnes autorisées. Normalement il y a deux gardes dehors, qui vérifient l'identité des visiteurs et avertissent pour qu'on ouvre de l'intérieur. Mais du 20 au 23 décembre, personne n'est autorisé à entrer et, de ce fait, il n'y a pas de gardes. La plupart des miliciens et des employés sont en congé jusqu'au 25. Il ne reste à l'intérieur qu'un minimum de personnel pour servir le duc et les invités qui viennent pour la fête du 21 et partent généralement avant la Noël.
- Combien y a-t'il de miliciens normalement?
- Cent cinquante, en groupes de quarante qui travaillent huit heures par jour à tour de rôle, les autres ayant leur journée libre.
- Et c'est la seule entrée?
- Oui, il n'y en a pas d'autre. Comme nous sommes sur une petite colline, on peut observer d'ici toute la ville, en faisant le tour de la forteresse. La plus grande partie de la ville s'étend du côté sud, dont nous venons. Du côté opposé, au nord, il y a très peu de population et la plupart sont des ouvriers agricoles. C'est la zone la plus pauvre. Nous pouvons faire le tour: cela ne nous prendra qu'une demi-heure environ. Mais vous ne verrez pas de différences dans les murs.
- D'accord, allons-y. Ainsi je verrai toute la ville. Et on n'orne pas la forteresse pour les fêtes?
- Demain il y aura des drapeaux et oriflammes sur les tours. Vous ne verrez rien d'autre. Et je ne sais pas s'il y a plus de décoration à l'intérieur.
- Et où se font les feux d'artifice?
- Sur les tours.
- Et les artificers n'entrent pas pour cela?
- Des miliciens entraînés en sont chargés. Les fusées sont arrivées il y a quelques jours. Le camion s'est arrêté devant la porte et les gardes l'ont déchargé.
- Il me semble que le duc est un fanatique de sa privacité!
- C'est bien ainsi. Mais nous y sommes habitués. Il y a des siècles que les choses se font ainsi.

Pendant qu'ils contournaient la forteresse et que Trompel observait la ville, il demanda à Zidovske de lui parler des activités culturelles. Il voulait s'approcher de cette façon du thème de l'éducation supérieure et du malaise des étudiants. Le jeune homme lui dit qu'il n'y avait pas beaucoup d'activités. Il y avait un théâtre où jouait une petite compagnie locale et qui recevait parfois une compagnie tchèque. Il y avait aussi un cinéma, où ils pouvaient voir des films tchèques et allemands, et parfois un film traduit d'une autre langue. La plupart des gens avaient la télévision et ils captaient les chaînes tchèques.

- Le principal problème, c'est le manque d'opportunités pour ceux qui suivent des études supérieures -dit Zidovske, abordant le thème attendu comme s'il ne supportait plus de le taire.- D'abord, il nous faut quitter la principauté, ce qui est très coûteux. Ensuite nous devons aussi chercher du travail à l'étranger car, ici, il n'y a ni université, ni centre de recherche, ni grandes industries. Comme j'ai étudié l'histoire, j'ai la possibilité de trouver une place de professeur au lycée local. Tout le monde vit de l'agriculture, de la mine ou du commerce. Mais cela ne nous satisfait plus. Il nous faut un saut en avant! Pourquoi pas une petite université? Elle pourrait attirer des étudiants tchèques ou même d'autres pays si elle offrait un secteur de pointe, comme les nouvelles technologies ou la bioingénierie. J'ai plusieurs compagnons qui ont opté pour elles et les perspectives les enthousiasment vraiment. Nous avons tenté de convaincre le bourgmestre et le Conseil des citoyens, mais la réponse a été négative. Nous ne comprenons pas le duc. Il veut tuer la principauté? Que toute le monde s'en aille?
- Il doit avoir une autre idée en tête. Vous n'avez pas pu parler directement avec lui?
- Il n'a pas voulu nous recevoir. Il fait toujours répondre que l'on fasse des propositions concrètes au Conseil, mais rien ne se passe.
- Mon ami, je vous comprend très bien. Et j'aimerais vous aider. Peut-être pourrais-je le faire au moyen de mon reportage. Je ne m'attendais pas à rencontrer ce genre de problème, mais il doit être assez typique de petits pays comme le vôtre..
- Vous pourriez faire cela? Si nous pouvions intéresser d'autres pays, peut-être obtiendrions nous un peu plus de considération. Je vais vous faire une suggestion: tâchez d'être demain midi à la Grand Place. Vous comprendrez pourquoi. Cela pourrait vous aider pour votre article.
- Vous préparez une surprise?

Mais l'étudiant ne voulut pas en dire plus. Ils avaient fait la plupart du trajet autour de la forteresse. Trompel observa de loin, entre les maisons, une grande extension verte que la neige commençait à couvrir. Trop grande pour n'être qu'un simple parc urbain.
- Cela, c'est un parc? -demanda-t'il.
- Oui, mais il contient aussi un stade et des installations sportives, un jardin botanique et un petit jardin zoologique. Cela s'appelle le "Parc du Futur", bien que nous ne savons pas trop pourquoi. Mais les installations sportives sont la seule chose que le duc a fait pour les jeunes. Au moins, nous avons d'excellents sportifs dans plusieurs disciplines. 

Et le jeune homme cita quelques unes des prouesses et des prix obtenus dans des jouxtes internationales. Ils revinrent ainsi à l'entrée de la forteresse et descendirent par la rue principale.

- Monsieur Trompel: vous verrez sur le plan qu'il y a deux autres parcs. Je vous ai aussi marqué où se trouvent les deux églises les plus anciennes. Et la bibliothèque est à la Grand Place. Vous avez maintenant une bonne idée de la grandeur et de la géographie de la ville. Je crois que j'ai rempli la mission qu'on m'avait donnée et vous pouvez continuer à vous promener pour votre compte. Il n'y a pas de risque de ce que vous vous perdiez. Permettez-moi donc de vous laisser. Nous nous reverrons peut-être.
- Je te suis très reconnaissant. Tu as été très aimable. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t'aider, toi et tes compagnons. Bonne chance!

Et le jeune homme s'éloigna. Le détective était désespéré. Il n'avait trouvé aucun moyen d'entrer dans la forteresse et il ne semblait pas pouvoir compter sur le mouvement étudiantin pour progresser dans ce sens. Il continua son chemin vers l'auberge. L'heure du déjeuner était proche. Après, il tenterait encore de trouver une solution et ferait un autre tour dans la ville. Que pensaient faire les étudiants le jour suivant? Sans doute un genre de manifestation. Mais ce n'était pas la meilleure date pour tenter d'atteindre le duc: le jour de la fête du solstice! Et qu'est-ce qui arriverait à Kaminsky?