Le dîner eut lieu à l'heure prévue et fut aussi informel que le déjeuner. Les conversations courrurent sur les thèmes les plus divers, depuis les spécialités des assistants jusqu'à la politique de leur pays, le futur de l'Union Européenne et la triste inutilité des Nations Unies. Le temps dédié au pousse-café, près d'une table latérale, se prolongea quelque peu, dans une joyeuse atmosphère.
Après huit heures, le duc se dirigea de nouveau à ses amis:
- Mes frères: chacun trouvera dans sa chambre ce qui lui sera nécessaire pour la cérémonie de cette nuit. Nous nous rassemblerons devant le temple à onze heures trente pour commencer la célébration du festival d'Osiris et attendre la renaissance du soleil et l'aube de l'Ere Nouvelle.
Il s'approcha ensuite de Kaminsky et le prit à part pendant que les autres sortaient de la salle-à-manger.
- Docteur: vous ne serez, cette nuit, qu'un spectateur. Vous connaîtrez la façon dont nous célébrons cette fête, la principale pour nous. Il est impossible de célébrer la totalité des Mystères d'Osiris parce que nous ne sommes pas en Egypte et, même ainsi, la plupart des temples ont été détruits et les reliques d'Osiris ont été perdues pour toujours. Les prêtres qui arrivèrent ici n'ont pas pu les apporter. Et elles n'étaient d'ailleurs pas importantes pour eux non plus, car ils savaient qu'il s'agissait uniquement de symboles et ils voulaient seulement préserver la signification profonde du mythe et la science héritée des temps d'Atlantis. Pour la cérémonie, revêtez votre tunique blanche et suivez-nous au temple. Observez et élevez avec nous votre coeur!
- Je m'en réjouis d'avance. Et je vous remercie de ce privilège. Ce sera sûrement la nuit la plus importante de ma vie!
- Je suis heureux qu'il en soit ainsi pour vous. A dans quelques heures!
- A bientôt!
En arrivant dans sa cellule, Kaminsky trouva sa tunique pliée sur son lit. Tous les autres avaient aussi leur tunique et trouvèrent en plus sur leur lit une grande enveloppe qui contenait un parchemin avec un dessin qui représentait l'un des quatorce morceaux du corps d'Osiris depecés par son frère Seth. Ils savaient qu'ils devaient l'emporter dans les plis de leur tunique pour la cérémonie. Tous avaient aussi un lutrin avec le même livre que Kaminsky avait trouvé dans sa chambre et la plupart se mirent à en relire quelques pages, allusives à la fête de cette nuit. Les plus âgés préférèrent s'étendre quelques heures pour réserver leurs forces pour une vigile qui serait longue.
Après onze heures, ils changèrent leurs vêtements, se mettant la tunique, la broche avec l'oeil d'Horus et le masque représentant un des anciens dieux. Kaminsky fit de même, mais n'avait ni broche ni masque. Ensuite, comme les autres, il descendit et sortit du palais par la petite salle derrière le grand escalier.
Cette fois il y avait de l'illumination artificielle: la façade du temple était visible grâce à de puissants projecteurs. L'on pouvait apprécier qu'elle était faite de mégalithes, des pierres d'énormes dimensions qu'il aurait été très diffiicile de déplacer et d'ajuster, même avec des outils modernes. Mais étaient-ce vraiment des "pierres"? Kaminsky connaissait les études du docteur Joseph Davidovits, fondateur de l'Institut Géopymérique de Paris, qui avait diffusé ce que révélaient les analyses chimiques et microscopiques effectuées par le Dr.Klemm, expert en pétrographie, sur les pierres des pyramides de Gizeh: la consistence était différente à divers endroits de la même "pierre", avec une plus grande densité en haut qu'en bas. Il avait aussi constaté que les rocs de ces pyramides contenaient un pourcentage d'humidité supérieur à celui des pierres naturelles. La conclusion était évidente: les blocs n'étaient pas naturels mais artificiels. L'archéologue savait aussi que dans la tombe de Rekhmire il a une fresque avec une scène quotidienne où l'on voit des ouvriers portant des sacs d'un produit qu'ils versaient dans des moules et qui, ensuite, durcissait en forme de briques ou de blocs. Cette technique, défendue par Davidovits, expliquerait la construction de la Grande Pyramide et d'autres monuments faits apparemment de mégalithes. Il est en effet facile de transporter du sable et autres composants, les monter dans des sacs et, aussi haut qu'il soit nécessaire, faire des moules de la dimension exacte, obtenant des blocs sans nécessité de lourdes machines. [Selon rapport présenté au Congrès d'Egyptologie de Grenoble en 1979.]
Les murs du temple d'Osernj ne présentaient aucune décoration: ils étaient totalement lisses, comme pour inviter à s'abstraire de toute image matérielle et élever l'esprit. Près de l'entrée sans porte se rassemblaient tous les membres de la Socété de l'Oeil. A onze heures trente, Ptah s'avança, suivi de ceux qui portaient les masques d'Osiris, Seth, Isis, Neftis et Horus, puis les autres. Kaminsky suivit en dernier lieu, comme il lui correspondait, étant le dernier venu. Ils passèrent le portail, suivirent le couloir long de la grosseur des énormes murs de façade, et arrivèrent ainsi à la cour intérieure. Elle était aussi illuminée et Kaminsky se rendit compte alors qu'il s'était trompé en l'interprétant comme une copie de celle de l'Osireion, en Egypte: c'était son équivalent "en négatif". L'Osireion, en effet, a une sorte de terrasse centrale -où ici était la piscine- entourée d'un large canal innondé des eaux du Nil et qu'il fallait traverser pour atteindre la plateforme centrale. Ici, au contrarie, au lieu du canal, il y avait une esplanade entourant la piscine avec, des deux côtés les plus longs, une série de niches, semblables cette fois à celles de l'Osireion.
Le groupe se divisa en deux, chaque moitié évitant la piscine par l'un des côtés, et poursuivit vers la grande porte dorée de la salle principale. Seth l'ouvrit et tous y entrèrent. Ici, il n'y avait que très peu de lumière. Ils se réunirent au centre et, au son d'un gong, se tournèrent vers le mur à la droite de l'entrée. Un projecteur illumina celui-çi, révélant les figures qui y étaient peintes, dans le plus pur style de décoration des temples et tombes de l'Ancien Empire. Et l'un des présents commença le récit du mythe d'Osiris.
Kaminsky frémit. Allait-on passer à la représentation sanglante de l'assassinat d'Osiris? Ou auraient-ils leur propre version du rituel? La scène du mur représentait Osiris se promenant au paradis qu'il avait créé. Et le récitant rendait compte maintenant de ce moment de l'histoire.
- A cette époque, l'humanité vivait en état sauvage et ce fut Osiris qui enseigna à son peuple à cultiver les champs, profitant des innondations annuelles du Nil, à semer et à récolter les aliments. Il enseigna aussi à cultiver les vignes et faire le vin, à fabriquer la bière à partir de l'orge. Et il donna aussi au peuple les lois pour qu'il vive en paix, la musique pour sa joie et le respect pour les dieux. Mais son frère Seth en devint furieux.
De nouvelles voix se firent entendre alors, reproduisant le dialogue:
- Qu'as-tu fait, mon frère -criait Seth-. Tu t'es mis au-dessus de moi? Ne suis-je pas aussi un dieu? Tu t'attribues à toi seul toute la création, de telle façon que moi, ton frère, je ne peux pas la partager?
- Notre père, Amon-Râ, nous l'a donnée à tous deux -lui répondait Osiris-. Mais il nous a aussi donné le droit de choisir la façon d'utiliser notre pouvoir, pour le bien ou pour le mal. Voici le monde, tel que moi je l'ai révélé. Si tu veux le partager dans la paix et l'amour fraternel, tu es le bienvenu. Mais si tu viens en son de guerre, si la mauvaiseté et la haine sont dans ton coeur, je t'ordonnes que tu te retires. [De Wilbur Smith: "Río Sagrado", p.115.]
Le lecteur continua:
- Quand Osiris termina sa fonction, il partit proclamer son enseignement sur d'autres terres, laissant Isis à charge de l'Egypte, et ce fut elle qui gouverna sagement en l'absence de son mari. Mais Seth se mit à préparer sa vengeance. En secret, il obtint les mesures exactes du corps de son frère et fabriqua un coffre de bois noble, richement orné, dans lequel s'emboîterait parfaitement le corps de son frère. Quand Osiris revint, Seth offrit un grand festin en son honneur.
Le projecteur bougea alors vers la droite, montrant maintenant le banquet et les convives qui regardaient le grand coffre. Le lecteur poursuivit:
- A un moment de la fête, lorsque les coeurs des invités avaient été rendus joyeux, Seth indica le coffre et dit:
- Je donnerai ce coffre à celui dont le corps y entrera en s'ajustant parfaitement. -C'était de nouveau la voix de Seth, que le lecteur interrompit de nouveau:
- Les invités essayairent un à un si leur corps s'ajustait au coffre mais aucun n'y arriva, parce qu'ils étaient trop grands ou trop petis, trop gros ou trop maigres. C'est alors qu'Osiris s'approcha et dit:
- Laissez-moi aussi essayer.
Il s'y introduit et, voyant qu'il s'y ajustait parfaitement, il dit
- J'y tiens parfaitement et il sera donc à moi. -Ce à quoi Seth répondit:
- Il est à toi, mon frère, et le sera pour toujours. -et il ferma brusquement le couvercle, le clouant ensuite avec l'aide des invités et le scellant avec du plomb fondu.
Le projecteur avança et montra une nouvelle scène: le sarcofage fermé, transporté jusqu'au Nil où il était jetté. Le récit se poursuivit, expliquant comment le coffre arriva à la côte phénicienne et comment il se trouva encastré dans un tamarisque qui, finalement, fut coupé et converti en pilier supportant le toit du palais du roi de Byblos.
Kaminsky se rendait compte clairement, maintenant, que la version de la légende utilisée n'était pas celle qu'avait recueilli Wilbur Smith et qu'il avait envoyée à Trompel, mais une autre, plus longue et mieux établie par les hiéroglyphes des anciennes constructions. [Ici a été adaptée la version reprise par Francisco López et publiée dans Egiptología.org.] Le projecteur avança et montra la scène suivante: l'intérieur du palais de Byblos, avec au centre le pilier qui contenait le sarcofage et, à côté, Isis qui parlait au roi. Le lecteur expliquait:
- Isis, au courant la trahison de Seth, se proposa de trouver le cadavre de son mari pour lui donner sépulture et partit à sa recherche. Après avoir déambulé par toute la terre, elle sut que le coffre était arrivé à Byblos, où elle se rendit et où elle sauva de la mort le fils du roi. Celui-çi lui offrit alors les plus beaux cadeaux qu'il pouvait imaginer, mais elle ne demanda qu'une seule chose:
- Donne-moi, oh roi, le pilier de tamarisque qui est au centre de cette salle. Je prendrai ce qu'il contient, qui est d'énorme valeur pour moi et n'en a aucune pour toi, et je te rendrai le pillier. - (C'était la voix de Jane Wilson, qui jouait le rôle d'Isis).
Le roi accéda. Isis l'ouvrit sans effort, prit le coffre avec les restes d'Osiris, laissant le pillier au roi. Elle chargea le cercueil sur un bâteau et partit pour l'Egypte où elle le cacha dans les marécages du delta du Nil.
Le projecteur bougea de nouveau, révélant une scène du delta. On voyait Seth dépeçant le cadavre incorrompu de son frère. Et le lecteur éclaircissait les événements:
- Seth chassait par là. Il trouva le coffre et le reconnut. En colère, il l'ouvrit, trouva le corps d'Osiris et le dépeça en quatorce morceaux qu'il distribua tout au long du Nil pour qu'ils servent d'aliment aux crocodiles. Mais les crocodiles, par crainte du dieu, n'y touchèrent pas. Isis devait recommencer sa recherche. Elle voyagea par le Nil dans une barque de papyrus et, peu à peu, récupéra chacun des morceaux du corps, les enveloppant de cire aromatisée. A chaque endroit où apparaissait un morceau, elle donnait la figure aux prêtres, les obligeant à jurer qu'ils lui donneraient sépulture et la vénéreraient.
Ici se produisit un silence et les assistants commencèrent à se déplacer. Le projecteur illumina le centre de la salle, où surgit du sol une sorte d'autel que tous entourèrent. Chacun sortit alors de sa tunique le parchemin avec la figure d'une partie du corps d'Osiris et, l'un après l'autre, ils les déposèrent religieusement sur l'autel. Treize étaient ceux qui avaient un parchemin et il fallait en déposer quatorce. Le duc, habillé comme Ptah, qui avait commencé la démarche, s'approcha une deuxième fois.
- En représentation de notre frère disparu, Dick Robertson, je remets le symbole qui lui correspond, le rendant spirituellement présent dans cette célébration.
L'autel redescendit et disparut dans le sol, avec les parchemins. Le lecteur continuait:
- Seul un morceau du corps n'avait pas été récupéré: le membre viril, mangé par un poisson. Isis reconstruisit le corps et sa magie reformat le membre perdu. Grâce à Anubis, elle l'embauma, le convertissant en la première momie d'Egypte, et le cacha en un lieu qu'elle seule connaissait et qui est resté occulte et secret jusqu'à présent. Isis, grâce à sa puissante magie, réussit à rendre la vie au cadavre momifié d'Osiris, s'unit à lui et conçut, engendrant ainsi son unique fils. Horus vengea plus tard la mort de son père en explusant Seth au désert et récupéra le trône d'Egypte alors qu'Osiris devenait le roi des morts, dans les champs fertiles de Aaru.
El projecteur avait à nouveau avancé et montrait Isis copulant avec Osiris. Après être resté un instant sur cette scène, il bougea brusquement et montra l'image d'Isis, assise, avec l'enfant Horus sur les genoux. C'était une copie parfaite du grand tapis de la salle-à-manger mais en style égyptien et non en clé chrétienne moyen-âgeuse. Fort semblable à celle de la chambre de Kaminsky. Il se fit un long silence.
Après huit heures, le duc se dirigea de nouveau à ses amis:
- Mes frères: chacun trouvera dans sa chambre ce qui lui sera nécessaire pour la cérémonie de cette nuit. Nous nous rassemblerons devant le temple à onze heures trente pour commencer la célébration du festival d'Osiris et attendre la renaissance du soleil et l'aube de l'Ere Nouvelle.
Il s'approcha ensuite de Kaminsky et le prit à part pendant que les autres sortaient de la salle-à-manger.
- Docteur: vous ne serez, cette nuit, qu'un spectateur. Vous connaîtrez la façon dont nous célébrons cette fête, la principale pour nous. Il est impossible de célébrer la totalité des Mystères d'Osiris parce que nous ne sommes pas en Egypte et, même ainsi, la plupart des temples ont été détruits et les reliques d'Osiris ont été perdues pour toujours. Les prêtres qui arrivèrent ici n'ont pas pu les apporter. Et elles n'étaient d'ailleurs pas importantes pour eux non plus, car ils savaient qu'il s'agissait uniquement de symboles et ils voulaient seulement préserver la signification profonde du mythe et la science héritée des temps d'Atlantis. Pour la cérémonie, revêtez votre tunique blanche et suivez-nous au temple. Observez et élevez avec nous votre coeur!
- Je m'en réjouis d'avance. Et je vous remercie de ce privilège. Ce sera sûrement la nuit la plus importante de ma vie!
- Je suis heureux qu'il en soit ainsi pour vous. A dans quelques heures!
- A bientôt!
En arrivant dans sa cellule, Kaminsky trouva sa tunique pliée sur son lit. Tous les autres avaient aussi leur tunique et trouvèrent en plus sur leur lit une grande enveloppe qui contenait un parchemin avec un dessin qui représentait l'un des quatorce morceaux du corps d'Osiris depecés par son frère Seth. Ils savaient qu'ils devaient l'emporter dans les plis de leur tunique pour la cérémonie. Tous avaient aussi un lutrin avec le même livre que Kaminsky avait trouvé dans sa chambre et la plupart se mirent à en relire quelques pages, allusives à la fête de cette nuit. Les plus âgés préférèrent s'étendre quelques heures pour réserver leurs forces pour une vigile qui serait longue.
Après onze heures, ils changèrent leurs vêtements, se mettant la tunique, la broche avec l'oeil d'Horus et le masque représentant un des anciens dieux. Kaminsky fit de même, mais n'avait ni broche ni masque. Ensuite, comme les autres, il descendit et sortit du palais par la petite salle derrière le grand escalier.
Cette fois il y avait de l'illumination artificielle: la façade du temple était visible grâce à de puissants projecteurs. L'on pouvait apprécier qu'elle était faite de mégalithes, des pierres d'énormes dimensions qu'il aurait été très diffiicile de déplacer et d'ajuster, même avec des outils modernes. Mais étaient-ce vraiment des "pierres"? Kaminsky connaissait les études du docteur Joseph Davidovits, fondateur de l'Institut Géopymérique de Paris, qui avait diffusé ce que révélaient les analyses chimiques et microscopiques effectuées par le Dr.Klemm, expert en pétrographie, sur les pierres des pyramides de Gizeh: la consistence était différente à divers endroits de la même "pierre", avec une plus grande densité en haut qu'en bas. Il avait aussi constaté que les rocs de ces pyramides contenaient un pourcentage d'humidité supérieur à celui des pierres naturelles. La conclusion était évidente: les blocs n'étaient pas naturels mais artificiels. L'archéologue savait aussi que dans la tombe de Rekhmire il a une fresque avec une scène quotidienne où l'on voit des ouvriers portant des sacs d'un produit qu'ils versaient dans des moules et qui, ensuite, durcissait en forme de briques ou de blocs. Cette technique, défendue par Davidovits, expliquerait la construction de la Grande Pyramide et d'autres monuments faits apparemment de mégalithes. Il est en effet facile de transporter du sable et autres composants, les monter dans des sacs et, aussi haut qu'il soit nécessaire, faire des moules de la dimension exacte, obtenant des blocs sans nécessité de lourdes machines. [Selon rapport présenté au Congrès d'Egyptologie de Grenoble en 1979.]
Les murs du temple d'Osernj ne présentaient aucune décoration: ils étaient totalement lisses, comme pour inviter à s'abstraire de toute image matérielle et élever l'esprit. Près de l'entrée sans porte se rassemblaient tous les membres de la Socété de l'Oeil. A onze heures trente, Ptah s'avança, suivi de ceux qui portaient les masques d'Osiris, Seth, Isis, Neftis et Horus, puis les autres. Kaminsky suivit en dernier lieu, comme il lui correspondait, étant le dernier venu. Ils passèrent le portail, suivirent le couloir long de la grosseur des énormes murs de façade, et arrivèrent ainsi à la cour intérieure. Elle était aussi illuminée et Kaminsky se rendit compte alors qu'il s'était trompé en l'interprétant comme une copie de celle de l'Osireion, en Egypte: c'était son équivalent "en négatif". L'Osireion, en effet, a une sorte de terrasse centrale -où ici était la piscine- entourée d'un large canal innondé des eaux du Nil et qu'il fallait traverser pour atteindre la plateforme centrale. Ici, au contrarie, au lieu du canal, il y avait une esplanade entourant la piscine avec, des deux côtés les plus longs, une série de niches, semblables cette fois à celles de l'Osireion.
Le groupe se divisa en deux, chaque moitié évitant la piscine par l'un des côtés, et poursuivit vers la grande porte dorée de la salle principale. Seth l'ouvrit et tous y entrèrent. Ici, il n'y avait que très peu de lumière. Ils se réunirent au centre et, au son d'un gong, se tournèrent vers le mur à la droite de l'entrée. Un projecteur illumina celui-çi, révélant les figures qui y étaient peintes, dans le plus pur style de décoration des temples et tombes de l'Ancien Empire. Et l'un des présents commença le récit du mythe d'Osiris.
Kaminsky frémit. Allait-on passer à la représentation sanglante de l'assassinat d'Osiris? Ou auraient-ils leur propre version du rituel? La scène du mur représentait Osiris se promenant au paradis qu'il avait créé. Et le récitant rendait compte maintenant de ce moment de l'histoire.
- A cette époque, l'humanité vivait en état sauvage et ce fut Osiris qui enseigna à son peuple à cultiver les champs, profitant des innondations annuelles du Nil, à semer et à récolter les aliments. Il enseigna aussi à cultiver les vignes et faire le vin, à fabriquer la bière à partir de l'orge. Et il donna aussi au peuple les lois pour qu'il vive en paix, la musique pour sa joie et le respect pour les dieux. Mais son frère Seth en devint furieux.
De nouvelles voix se firent entendre alors, reproduisant le dialogue:
- Qu'as-tu fait, mon frère -criait Seth-. Tu t'es mis au-dessus de moi? Ne suis-je pas aussi un dieu? Tu t'attribues à toi seul toute la création, de telle façon que moi, ton frère, je ne peux pas la partager?
- Notre père, Amon-Râ, nous l'a donnée à tous deux -lui répondait Osiris-. Mais il nous a aussi donné le droit de choisir la façon d'utiliser notre pouvoir, pour le bien ou pour le mal. Voici le monde, tel que moi je l'ai révélé. Si tu veux le partager dans la paix et l'amour fraternel, tu es le bienvenu. Mais si tu viens en son de guerre, si la mauvaiseté et la haine sont dans ton coeur, je t'ordonnes que tu te retires. [De Wilbur Smith: "Río Sagrado", p.115.]
Le lecteur continua:
- Quand Osiris termina sa fonction, il partit proclamer son enseignement sur d'autres terres, laissant Isis à charge de l'Egypte, et ce fut elle qui gouverna sagement en l'absence de son mari. Mais Seth se mit à préparer sa vengeance. En secret, il obtint les mesures exactes du corps de son frère et fabriqua un coffre de bois noble, richement orné, dans lequel s'emboîterait parfaitement le corps de son frère. Quand Osiris revint, Seth offrit un grand festin en son honneur.
Le projecteur bougea alors vers la droite, montrant maintenant le banquet et les convives qui regardaient le grand coffre. Le lecteur poursuivit:
- A un moment de la fête, lorsque les coeurs des invités avaient été rendus joyeux, Seth indica le coffre et dit:
- Je donnerai ce coffre à celui dont le corps y entrera en s'ajustant parfaitement. -C'était de nouveau la voix de Seth, que le lecteur interrompit de nouveau:
- Les invités essayairent un à un si leur corps s'ajustait au coffre mais aucun n'y arriva, parce qu'ils étaient trop grands ou trop petis, trop gros ou trop maigres. C'est alors qu'Osiris s'approcha et dit:
- Laissez-moi aussi essayer.
Il s'y introduit et, voyant qu'il s'y ajustait parfaitement, il dit
- J'y tiens parfaitement et il sera donc à moi. -Ce à quoi Seth répondit:
- Il est à toi, mon frère, et le sera pour toujours. -et il ferma brusquement le couvercle, le clouant ensuite avec l'aide des invités et le scellant avec du plomb fondu.
Le projecteur avança et montra une nouvelle scène: le sarcofage fermé, transporté jusqu'au Nil où il était jetté. Le récit se poursuivit, expliquant comment le coffre arriva à la côte phénicienne et comment il se trouva encastré dans un tamarisque qui, finalement, fut coupé et converti en pilier supportant le toit du palais du roi de Byblos.
Kaminsky se rendait compte clairement, maintenant, que la version de la légende utilisée n'était pas celle qu'avait recueilli Wilbur Smith et qu'il avait envoyée à Trompel, mais une autre, plus longue et mieux établie par les hiéroglyphes des anciennes constructions. [Ici a été adaptée la version reprise par Francisco López et publiée dans Egiptología.org.] Le projecteur avança et montra la scène suivante: l'intérieur du palais de Byblos, avec au centre le pilier qui contenait le sarcofage et, à côté, Isis qui parlait au roi. Le lecteur expliquait:
- Isis, au courant la trahison de Seth, se proposa de trouver le cadavre de son mari pour lui donner sépulture et partit à sa recherche. Après avoir déambulé par toute la terre, elle sut que le coffre était arrivé à Byblos, où elle se rendit et où elle sauva de la mort le fils du roi. Celui-çi lui offrit alors les plus beaux cadeaux qu'il pouvait imaginer, mais elle ne demanda qu'une seule chose:
- Donne-moi, oh roi, le pilier de tamarisque qui est au centre de cette salle. Je prendrai ce qu'il contient, qui est d'énorme valeur pour moi et n'en a aucune pour toi, et je te rendrai le pillier. - (C'était la voix de Jane Wilson, qui jouait le rôle d'Isis).
Le roi accéda. Isis l'ouvrit sans effort, prit le coffre avec les restes d'Osiris, laissant le pillier au roi. Elle chargea le cercueil sur un bâteau et partit pour l'Egypte où elle le cacha dans les marécages du delta du Nil.
Le projecteur bougea de nouveau, révélant une scène du delta. On voyait Seth dépeçant le cadavre incorrompu de son frère. Et le lecteur éclaircissait les événements:
- Seth chassait par là. Il trouva le coffre et le reconnut. En colère, il l'ouvrit, trouva le corps d'Osiris et le dépeça en quatorce morceaux qu'il distribua tout au long du Nil pour qu'ils servent d'aliment aux crocodiles. Mais les crocodiles, par crainte du dieu, n'y touchèrent pas. Isis devait recommencer sa recherche. Elle voyagea par le Nil dans une barque de papyrus et, peu à peu, récupéra chacun des morceaux du corps, les enveloppant de cire aromatisée. A chaque endroit où apparaissait un morceau, elle donnait la figure aux prêtres, les obligeant à jurer qu'ils lui donneraient sépulture et la vénéreraient.
Ici se produisit un silence et les assistants commencèrent à se déplacer. Le projecteur illumina le centre de la salle, où surgit du sol une sorte d'autel que tous entourèrent. Chacun sortit alors de sa tunique le parchemin avec la figure d'une partie du corps d'Osiris et, l'un après l'autre, ils les déposèrent religieusement sur l'autel. Treize étaient ceux qui avaient un parchemin et il fallait en déposer quatorce. Le duc, habillé comme Ptah, qui avait commencé la démarche, s'approcha une deuxième fois.
- En représentation de notre frère disparu, Dick Robertson, je remets le symbole qui lui correspond, le rendant spirituellement présent dans cette célébration.
L'autel redescendit et disparut dans le sol, avec les parchemins. Le lecteur continuait:
- Seul un morceau du corps n'avait pas été récupéré: le membre viril, mangé par un poisson. Isis reconstruisit le corps et sa magie reformat le membre perdu. Grâce à Anubis, elle l'embauma, le convertissant en la première momie d'Egypte, et le cacha en un lieu qu'elle seule connaissait et qui est resté occulte et secret jusqu'à présent. Isis, grâce à sa puissante magie, réussit à rendre la vie au cadavre momifié d'Osiris, s'unit à lui et conçut, engendrant ainsi son unique fils. Horus vengea plus tard la mort de son père en explusant Seth au désert et récupéra le trône d'Egypte alors qu'Osiris devenait le roi des morts, dans les champs fertiles de Aaru.
El projecteur avait à nouveau avancé et montrait Isis copulant avec Osiris. Après être resté un instant sur cette scène, il bougea brusquement et montra l'image d'Isis, assise, avec l'enfant Horus sur les genoux. C'était une copie parfaite du grand tapis de la salle-à-manger mais en style égyptien et non en clé chrétienne moyen-âgeuse. Fort semblable à celle de la chambre de Kaminsky. Il se fit un long silence.