15/09/2009

Les yeux d'Horus 9.4.

Quelques minutes plus tard, sans rien découvrir d'autre, Trompel indica au policier italien qu'ils pouvaient s'en aller. Bianchi lui montra rapidement le reste de la maison, mais il n'y avait aucun autre indice. Ils revinrent à la Questura et s'en furent déjeûner ensemble au mess. Ensuite l'inspecteur conduisit le belge au laboratoire d'informatique.

En premier lieu, ils récupérèrent une copie du plan des lieux et des photos de la gallerie de Carmona et les envoyèrent à Kaminsky, lui demandant son interprétation, s'il pouvait déduire quelque chose de ces données. Ensuite, ils visionnèrent la vidéo sur l'Oeil d'Horus. C'était le documentaire en español qui parlait des origines de la "Société des Prêtres des Mystères de l'Oeil d'Horus", qui avait conduit la construction des principaux temples égyptiens et était dépositaire du secret de l'immortalité. On n'y parlait pas du rituel osirien, mais bien du calendrier, de l'importance du solstice et du changement d'ère. Carmona devait avoir été fasciné par cette idée de l'immortalité. 

Parmi les autres documents, ils trouvèrent de nombreuses copies d'articles sur l'année 2000 et les prédictions pessimistes liées aux erreurs des ordinateurs et failles des centrales nucléaires le 1-1-2000. Ils trouvèrent aussi une série de calculs qui comparaient les calendriers égyptien et maya, le calcul maya de la date de la fin du "Cinquième Soleil" inclu. Et aussi une récopilation de prophécies: de Nostradamus, de Saint Malachie, des indiens Hopi et des livres sacrés de l'Inde. Le défunt, sans aucun doute, avait été obnubilé par le changement d'ère. Et il semblait que, les prédictions relatives à l'an 2000 ne s'étant pas accomplies, il s'était retourné vers celles de l'an 2012. Le disque dur contenait aussi une traduction du Livre de Morts, du Livre des Pyramides et d'autres textes religieux de la même culture. Il ne pouvait subsister aucun doute de qu'il avait préparé volontairement une cérémonie pour la nuit du solstice. Mais avec qui? Il y avait plusieurs documents encryptés et les spécialistes essayaient de les déchiffrer. Mais sans connaître la clé de traduction, beaucoup de temps pourrait être nécessaire pour accéder au contenu.

A ce moment, un technicien s'approcha de l'inspecteur Bianchi.

- Nous avons identifié les empreintes d'une autre personne sur les amphores qui contenaient des parties du corps de Carmona. Nous avions déjà identifié celles de quelques uns des morts qui avaient attaqué Osernj parce que c'étaient des délinquants fichés, mais les autres empreintes ont dû être cherchées au registre civil, ce qui prend plus de temps. Nous venons d'obtenir la première identification et vous n'allez pas le croire: il s'agit du juge Competta!
- Celui qui nous délivre les ordres d'arrestation!
- Il devra signer lui-même la sienne? -demanda Trompel, amusé.
- Dans ce cas, je dois informer le fiscal national anti-maffia à Rome. Lui peut nous autoriser.

Bianchi marqua alors un numéro de téléphone et informa l'autorité romaine. Ensuite il informa Trompel et le technicien:
- Il vient de nous autoriser l'arrestation. L'ordre doit nous arriver par fax dans quelques minutes et nous autorisera aussi à une perquisition de son domicile. Pasquale: réunissez l'équipe d'intervention. Je vais chercher le fax et nous partons. -Puis, s'adressant à Trompel:- Vous restez voir les documents ou vous nous accompagnez?
- Je vais avec vous! Je ne raterais pour rien l'arrestation d'un juge!
- ¡Venez alors!

Ils montèrent deux étages pour passer par le bureau où l'italien ramassa les feuilles qui sortaient de la machine de fax. Puis il redescendirent et sortirent au parking.Une camionette blindée avec une demi-douzine d'hommes fortement armés et rendus anonymes par des passe-montagnes les attendait avec le moteur en marche. Ils parcourirent une vingtaine de pâtés de maisons, tournant deux coins, et s'arrêtèrent devant une maison de deux étages d'aspect bourgeois et d'un style propre du début du XXº siècle. L'inspecteur avait mis un gilet anti-bales et en passa un à Trompel, lui disant d'attendre derrière et d'entrer le dernier. Puis il sonna. Après quelques minutes, une femme ouvrit.

- Le juge Competta est là?
- Non. Il est allé passer les fêtes avec sa soeur à Rome.
- Vous êtes sa femme?
- Oh non! Je suis sa bonne. Madame est partie avec le juge.
- Il y a quelqu'un d'autre dans la maison?
- Non. Je suis seule.
- Alors vous devez nous laisser passer. Nous avons un ordre de perquisition du fiscal général. 
- Mais vous ne pouvez pas faire cela si le juge n'est pas là!
- Bien sûr que sí. Je vous en prie, laissez passer mes hommes. Nous le ferons de gré ou de force.

La bonne dut reculer et le groupe entra. Les policiers se dispersèrent dans les différentes pièces.
- Voici le bureau du juge! -cria l'un d'eux.

Bianchi et Trompel se dirigèrent vers cette pièce et commencèrent à tout examiner. Le bureau lui même avait plusieurs tiroirs fermés à clé que le policier qui les avait appelés ouvrit rapidement avec un petit appareil qu'il sortit d'une de ses poches. Bianchi sortit des tiroirs plusieurs fardes et enveloppes qu'il se mit à examiner. Trompel regardait les étagères de livres, cherchant de nouveau des références à l'Egypte. Mais il ne trouva rien.

- Ici, il n'y a que des archives de cas judiciaires en cours. Et des factures de services et reçus bancaires ordinaires -dit Bianchi- en remettant dans les tiroirs ce qu'il en avait retiré. Rien qui l'incrimine. Mais il doit bien y avoir un coffre-fort quelque part.
- Il est ici, inspecteur -dit l'autre détective, qui avait regardé derrière tous les cadres.
- Vous pouvez l'ouvrir? -demande l'inspecteur.

Le détective prit une petite machine d'un étui qu'il portait au cinturon et la colla à la porte du coffre. Puis il se mit à manipuler le clavier. Une série de numéros défila rapidement sur le petit écran de l'appareil qui s'arrêta. L'homme oprima alors dans l'ordre les touches correspondant aux numéros apparus sur l'écran et la porte s'ouvrit. Il prit le contenu et le mit sur la table. Il y avait un paquet de bons de banque, de l'argent en billets de haute valeur de divers pays, un coffret de bijoux -sans doute de la femme du juge-, un livre de comptes y une farde avec des textes produits par une imprimante numérique. Et un rouleau de papyrus.

- Un papyrus! -s'exclama Trompel-. Serait-ce le Livre des Morts volé à Turin?
- Il nous faudra le comparer avec les photos qui sont dans mon bureau -dit Bianchi, qui se mit à lire les feuilles imprimées-. Voyez cela! On dirait des transcriptions d'articles d'encyclopédies ou de livres d'histoire. Et toutes se réfèrent à la religion égyptienne. Et ce livre de comptes, il nous faudra l'analyser en détail.
 
Les autres policiers, qui avaient parcouru la maison, revenaient rendre compte. La plupart signalèrent qu'ils n'avaient rien trouvé de suspect. Mais l'un d'eux avait vu quelque chose d'étrange:
- Dans la garde-robe de la chambre-à-coucher principale, il y a une tunique blanche. Elle n'est pas avec les vêtements de la femme mais avec ceux du juge.
- Vous l'avez examinée?
- Oui, chef. Elle semble propre.
- C'est sûrement une tunique de prêtre égyptien! -dit Trompel-. Il vaudrait mieux l'emporter et l'analyser au laboratoire. Elle peut avoir des taches de sang. Même si on l'a lavée, au labo, avec du luminol on pourrait trouver les traces de sang entre les fibres. Le lavage n'enlève pas toujours tout.
- Vous avez raison! Mettez la tunique dans un sac à preuves et emportez-la, avec ce livre, ce papyrus et cette farde. Demandez à la bonne ce qu'elle sait de la tunique. Vous n'avez rien trouvé d'autre relatif à l'Egypte?
- Au salon, il y a quelques cadres et deux statuettes qui me semblent de style pharaonique -dit un des policiers-. C'est important?
- Prenez-en des photos. Ce sont des indices importants quand on les relie au reste de ce que nous avons trouvé.

L'homme qui avait découvert la tunique revint avec un sac:
- J'ai interrogé la bonne. Elle a dit qu'elle a vu cette tunique pour la première fois lundi, quand le juge lui a demandé de la laver. Elle avait des taches rouges et il lui dit que c'était de la sauce tomate.
- De la sauce? Plutôt du sang! Une preuve de plus de sa présence quand on a tué Carmona. Bon. Nous emporterons aussi son agenda téléphonique: il peut nous parler de ses contacts. Et où le trouver à Rome. Je fais l'acte de perquisition avec indication de ce que nous avons ouvert par la force et de ce que nous emportons, puis nous partons. Je renverrai l'ordre d'arrestation à Rome pour sa mise en oeuvre.

L'inspecteur remplit un formulaire et le signa. Il donna une copie à la bonne en sortant et tous rentrèrent à la Questura. Bianchi emmena Trompel voir le cryptologue.
- Du neuf?
- ¿Je n'arrive pas à trouver la clé. Il nous faudrait un ordinateur quantique.
- Vous avez essayé des noms de dieux égyptiens: Osiris, Isis, Horus, Seth? -suggéra Trompel.
- Si vous croyez que cela aiderait, je le ferai. Il y a des raisons pour choisir ces noms?
- L'homme était un fanatique de la religion égyptienne. Alors, il pourrait bien avoir choisi l'un ou l'autre des noms de ses dieux. Il y en a beaucoup, mais ceux que je vous donne sont les plus importants dans le cas qui nous occupe et c'est pourquoi ils me semblent les plus probables.
- Il est déjà tard -dit Bianchi-. Je vais vous accompagner à l'hôtel que nous vous avons réservé. Vos bagages doivent y être déjà: un auxiliaire s'est occupé de les y transporter. Demain, c'est dimanche et vous serez donc libre. Ici, il n'y a que l'équipe d'urgences. Nous nous reverrons lundi matin.
- D'accord. 

Ils sortirent ensemble et, à deux pâtés de maison, l'inspecteur introduisit le belge dans son nouvel hôtel. La chambre était pauvre, avec le tapis usé et des brûlures de cigarette sur les meubles. Mais elle était propre. Fatigué, Trompel mangea un sandwich au petit bar de l'hôtel. Puis il fit un résumé de l'enquête locale et l'envoya par e-mail à Servais et à Kaminsky.