15/12/2012

Ecologie 8

8.

Les bureaux de la laiterie Melkbaar étaient encore à l'avenue Franklin Roosevelt, au coin de l'avenue Air-Marshal Cunningham. Trompel s'y rendit, après avoir vérifié auprès de la secrétaire de direction que le propriétaire était à son bureau. Le sujet le reçut cordialement.
- Inspecteur Trompel, quel plaisir de vous revoir. En quoi puis-je vous aider cette fois?
- J'irai droit au but, monsieur Van Acker. Vous devez être au courant de la mort de monsieur Buckley: la presse a amplement couvert le cas. Nous savons que vous avez soupé avec lui le soir précédent, et vous êtes donc l'un des derniers à l'avoir vu en vie. Pourriez-vous m'informer de l'objectif et du contenu de cette rencontre?
- Monsieur Buckley est un collègue d'affaires. Il dirige une entreprise laitière aux Etats-Unis, à laquelle j'achète beucoup de produits et que je représente ici.
- Mais ni monsieur Gossiaux ni monsieur Chapelle ne participent d'affaires alimentaires. Vous avec donc dû parler d'autre chose.
- De fait, Buckley était intéressé par un système d'emballage développé par Cobelpap, beaucoup plus écologique, et Chapelle était là justement pour garantir cette condition. 
- Ainsi, il s'agissait seulement d'embalage écologique de produits laitiers?
- En effet, inspecteur.
- Et monsieur Buckley en avança un payement?
- Il discuta un montant avec Gossiaux, mais je ne sais pas s'il lui a fait parvenir un avancement. Ils allaient perfectionner le contrat par internet. Il est probable qu'il ait payé Chapelle pour son assistance, mais je ne connais pas non plus les conditions de son accord avec lui.
- Vous avez fait un transfert électronique à Buckley ou lui à vous dernièrement?
- Je lui ai payé son dernier envoi il y a trois semaines.
- Vous pouvez me dire à quelle banque?
- A la HSBC de Miami.

Voyant qu'il n'obtenait aucune information utile malgré que son interlocuteur paraissait manifestement contrarié, Trompel fit ses adieux. Quand Van Acker lui donna la main, il passa dans la sienne, subrepticement, un carte micro-SD. Le détective se mit naturellement la main dans la poche. Il emportait, sûrement, les réponse réelles qu'il n'avait pu recevoir autrement.

Arrivé à son bureau, il mit la carte dans un support SD et l'introduisit dans son ordinateur. Elle contenait un message en format txt, ce qui assurait une lecture facile avec n'importe quelle application:
  •  "Si vous lisez ceci, c'est parce que vous aurez découvert quelque chose de trouble me concernant et qui m'implique, avec d'autres personnes, dans les "affaires" de l'ONG Ecologie Nouvelle. Je ne peux pas parler dans mon bureau ni chez moi, car on a mis des micros partout pour me surveiller et ma famille a été menacée si je parle avec la police ou tout autre enquêteur. Si vous voulez avoir plus d'information, allez à la banque Fortis de la rue Montagne-du-Parc et retirez le disque dur qui est dans le coffre 0275391. Le code pour l'ouvrir, à part mon empreinte, est 67%333&572. Si vous pouvez protéger ma famille, venez de nuit chez moi et arrêtez-nous tous ensemble. Du contraire, on nous tuera."

Trompel informa Servais, qui demanda et obtint un ordre pour ouvrir le coffre fort.
- Avant de retirer ce disque -dit le comissaire à son subordonné-, il vaudra mieux nous assurer de mettre la famille Van Acker en sécurité. Malgré qu'il n'a rien dit le compromettant au cours de ta visite, celle-çi peut avoir éveillé leurs soupçons. Nous irons cette nuit les mettre en lieu sûr. Rejoignons-nous ici à minuit.

Peu après cette heure, ils s'approchèrent dans une berline avec vitres fumées du domicile de Van Acker. Passant devant, ils s'assurèrent de ce qu'il n'y avait pas de surveillant en vue. Ils stationnèrent deux maisons plus loin, puis Trompel s'approcha de la maison, portant un annulateur de signaux électroniques, lequel bloqua tous les micros de la maison. Il sonna suivant le rythme connu du S.O.S.: trois coups brefs, trois longs et de nouveau trois brefs. Trois minutes après, le propriétaire, en robe de chambre, ouvrit la porte avec mine d'effroi.
- N'ayez pas peur, monsieur Van Acker, tous les micros ont été désactivés. Veuillez vous vêtir, vous et votre famille. Faites des bagages avec l'indispensable pour un petit voyage. Nous allons vous mettre en lieu sûr pour pouvoir continuer notre enquête sans risques pour vous.

Il en fut fait ainsi et, une demi-heure plus tard, la berline prit l'autoroute de la côte. Servais avait un petit appartement à Wenduyne et il menait là la famille apeurée. Trompel était resté à Bruxelles, pour aller à la banque à première heure et y retirer le disque dur.

Ceux qui surveillaient à distance la résidence Van Acker ne se rendirent compte de rien, le silence total étant parfaitement normal après minuit. Cependant, après sept heures du matin, ils commencèrent à s'inquiéter. Il devaient entendre les bruits du petit-déjeûner, mais continuaient à ne rien entendre. Le superviseur en avertit son chef, qui ordonna d'aller vérifier ce qui se passait. C'était, aussi, ce qu'attendait la police, qui avait laissé un de ses hommes dans la maison, toujours avec l'annulateur de signaux.

30/11/2012

Ecologie 7

7.

Dans le cas de l'hôtel Métropole, l'analyse montra que le défunt avait effectivement été empoisonné, par un élément semblable au curare mis dans son café et qui lui provoca la paralisation du système respiratoire. Le plus probable était qu'il ait été introduit par le serveur qui le lui avait apporté depuis la cuisine. Les entrevues avec le personnel en éclairèrent rapidement les circonstances. Le garçon qui faisait habituellement le service des suites exécutives avait reçu une importante gratification pour s'absenter ce jour-là et avait été remplacé par un jeune homme qui avait déjà fait de temps en temps ce remplacement. Ceci fit que personne ne se méfia à la cuisine mais facilita son identification -et sa considération comme suspect- bien que personne ne connaissait son adresse. La police obtint sa photo de l'enregistrement vidéo de sécurité et son nom -Edmond Borgnet- et téléphone de l'administration de l'hôtel. Le téléphone ne répondait pas et aucune adresse ne lui était associée, ce qui porta à lancer un ordre de recherche à toutes les polices du pays.

Les enregistrements vidéo de la sécurité du restaurant furent une mine d'or pour Servais. Beaucoup de personnajes importants y avaient soupé cette nuit-là. Mais ce qui l'intéressait évidemment, c'étaient ceux qui avaient accompagné Buckley, dans un coin qui leur garantissait une certaine réserve. Il se surprit fortement de reconnaître tout de suite deux personnes qui s'étaient vues impliquées dand le scandale du club "6 à 6": Philippe Gossiaux, le gérent de la papeterie Cobelpap, et Sigisfredo Van Acker, un autre visiteur du club et gérent de la laiterie Melkbaar, qui avait collaboré pour résoudre le cas. Une autre personne connue était André Chapelle, qui avait été candidat député pour les Verts.

- Nous savons que Van Acker manie de grandes quantités d'argent et voyage souvent grâce à sa représentation de multinationales du lait. Mais que font là Gossiaux et Chapelle? -se demanda Trompel, en voyant l'enregistrement avec Servais-.
- Chapelle est peut-être celui qui leur prête leur couverture idéologique.
- Qui est le représentant légal de l'Ecologie Nouvelle?
- Il n'est enregistré que le buffet "Marnix et Cie". Nous n'avons pu obtenir rien de plus. Ils montrent les documents exigés par la loi et les bilans officiels, sachant sûrement qu'ils sont manipulés, et cachent le reste sous le secret professionnel.
- Le journaliste de la "La Dernière Heure" n'a pas non plus pu obtenir plus d'information. Les bureaux visibles se réduisent à deux meubles et une secrétaire à mi-temps, les matinées, et ne voit jamais personne. Le ou les chefs vont l'après-midi et voient alors les messages qu'elle leur laisse sur l'ordinateur et y répondent si c'est le cas. Il n'y a pratiquement pas de papiers, sauf les prospectus qui sont supposés décrire l'organisation et ses objectifs. C'est tout ce qu'a pu découvrir le journaliste. L'éditeur a alors décidé d'en envoyer un autre, une femme qui se fit passer pour une riche héritière qui désirait leur faire une donnation pour éviter de payer des taxes. Ils lui donnèrent un numéro de compte aux Îles Caïman. Elle a téléphoné à cette banque, sous prétexte de vérifier l'identité du titulaire du compte avant de faire le transfert, mais il refusèrent de l'informer. Pour en savoir plus, il faudrait envoyer quelqu'un là-bas pour tenter d'obtenir l'information d'un chargé de comptes ou d'un caissier. Mais cela impliquerait des coûts que le journal ne peut assumer.
- Et de quoi parlent les prospectus?
- De ce qu'ils appellent l'"écologie profonde". Mais j'ai révisé les descriptions habituelles de cette théorie, et leur "écologie nouvelle" est encore bien plus radicale. L'écologie profonde considère que l'humanité fait partie de l'environnement et propose des changements culturels, sociaux et politiques pour obtenir une meilleure harmonie entre les êtres haumains et le reste des êtres vivants. Ils n'auraient droit qu'à satisfaire leurs nécessités vitales. Mais l'"écologie nouvelle" assume l'hypothèse Gaia, selon laquelle la Terre est un être vivant complexe où les humains sont des parasites qui rendent risquée la survie du reste. Cela rend nécessaire des actions qui limitent l'intervention humaine, éliminer toute modification artificielle de l'environnement et supprimer la technologie. Vivre comme les quakers de Pensylvanie.
- Quelle cohérence! Pour cela, ils utilisent des transferts de fonds électroniques et, semble-t'il, payent des anarchistes pour mettre des bombes!
- Le plus bizarre: les quakers sont connus pour leur activisme social mais ils défendent le pacifisme. Le Prix Nobel de la Paix de 1959, Philip J. Noel-Baker, était quaker. Et s'ils ne sont pas nombreux, il y a entr'eux des gens fameux, qui ne vivent pas de façon simple à la campagne. C'était le cas du président Nixon et de l'actrice Judi Dench, qui a obtenu un Oscar en 2005 comme actrice secondaire.
- Peut-être que Buckley était quaker.
- Peut-être. Il faudra essayer de le savoir. Comme les autres qui se sont réunis avec lui. Comme Van Acker nous a aidé dans le cas des Six, nous pourrions lui rendre visite et voir s'il peut de nouveau nous aider.
- Cela pourrait être plus difficile. S'il fait partie de la société comme membre oculte, il ne voudra pas le reconnaître.
- Mais la mort de Buckley est une bonne raison pour l'aborder. Il a été un des derniers à le voir en vie.
- D'accord. Allez le voir.

15/11/2012

Ecologie 6

6.

Maintenant, plusieurs rapports s'accumulaient sur le bureau de Servais. La police technique avait vérifié que le drone appartenait au Service Météo et était parti de la base aérienne de Melsbroeck, en vol normal de prise de mesures, mais son pilote en avait perdu le contrôle presqu'immédiatement par suite de l'interférence d'un autre signal d'origine inconnue. Il devait provenir d'une maison proche de la base et le comissaire ordonna une surveillance discrète des habitants de la zone que les contrôleurs aériens signalèrent. De la caméra vidéo détruite, on récupéra des images de l'arrivée du drone dans la carte SD qui était restée intacte. Sur celle-çi, il y avait une empreinte digitale qu'on était encore en train d'essayer d'identifier. Dans le téléphone, qui était "prêt-à-jeter", il était resté le registre du dernier appel, mais il fallait demander à la compagnie téléphonique l'information associée. Serait-ce un contact avec celui qui controlait le drone, pour synchroniser l'attaque et la prise du vidéo?

Servais trouva aussi un rapport sur la bombe qui avait sauté devant le bureau des Verts du boulevard Lambermont. Sur des morceaux de l'apparent extincteur, on avait aussi trouvé les empreintes d'un individu qui avait été expulsé par la police pour avoir occupé illégalement une maison abandonnée de la rue de Malines. Il s'appelait Christan Verbeeck, et son domicile, selon le Registre de la Population, était la maison de ses parents, mais ceux-çi déclarèrent ne rien savoir de ses activités ni de sa résidence actuelle. Servais envoya alors un ordre de recherche à tous les bureaux de la police communale, recommendant spécialement qu'ils visitent les maisons qui pouvaient être utilisées par des "okupas" et les bureaux des organisations écologistes ou contraires à celles-çi.

Il lisait encore ces rapports quand il reçut un appel téléphonique. C'était son chef de section, Jules Dubois, qui l'informait de ce qu'un important homme d'affaires semblait avoir été assassiné à l'hôtel Métropole, en plein centre-ville. Dubois, qui se déplaçait rarement en personne pour une enquête, l'attendait là au plus tôt. Le cas pouvait être compliqué car cet homme avait de nombreux contacts avec les autorités politiques et propriétaires d'entreprises de l'Union Européenne.

Quand le comissaire entra dans la suite de l'hôtel, on retirait déjà le cadavre; un technicien gardait dans un sachet les restes du petit-déjeûner et un autre relevait des empreintes digitales.
- Nous ne savons pas encore s'il s'agit d'une mort naturelle ou d'un assassinat -dit Dubois-. Je devrai me charger moi-même de ce cas, avec mon équipe, s'il y a eu intervention de tiers. Mais je l'ai appelé parce qu'il ya quelque chose dans son portatif qui peut vous intéresser. Nous l'avons trouvé assis devant l'ordinateur et l'écran montrait la certification d'un transfert de fonds depuis un compte aux îles Caïman au compte d'Ecologie Nouvelle à la Banque Fortis.
- Ainsi, il serait l'un des financiers de cette organisation?
- C'est bien ce qu'il semble. Et maintenant, peut-être pourrons nous en savoir un peu plus sur leurs opérations. Selon, son agenda, Buckley a eu hier soir un souper avec des gens de cette ONG et devait voyager cet après-midi à Dubai. Il n'avait pas noté où avait lieu ce repas, ce qui me fait penser que c'était ici même, au restaurant de l'hôtel. Je demanderai les enregistrements des caméras de surveillance du restaurant hier soir en même temps que ceux des couloirs de ce matin et je vous les enverrai. J'espère que vous pourrez identifier avec qui il s'est réuni et que cela servira pour votre enquête.

Ce même jour aparaissait le premier de la série d'articles de "La Dernière Heure" sur le thème écologique, lequel était consacré à Greenpeace Belgique. L'organisation y donnait divers exemples de dégats écologiques. Cet article poussa l'association de parents de l´Institut Denis, à Gembloux, à envoyer à ce journal une lettre exprimant les doutes que leur causait le nombre étrange de cas de leucémies entre les élèves. Alors que, selon les Cliniques Universitaires Saint-Luc, l'incidence annuelle des leucémies aiguës est de 300 et -selon l'Observatoire Européen du Cancer- le taux d'incidence de 12.8%, dont 0,6% seulement seraient des enfants, il y avait plus de 10 enfants affectés à ce collège. Le Centre Médical Gembloux, qui s'en occupe en association avec les Cliniques Saint-Luc de Bruxelles, a chargé la Faculté de Chimie de l'UCL de détecter les éventuels éléments toxiques qui pouvaient en être la cause, et celle-çi a découvert, au ras du sol, des particules de gas toxiques. La seule origine possible semblait en être le recouvrement synthétique "Trekcanch" du terrain de jeux, installé par Somatrek quelques années plus tôt, raison pour laquelle les parents engagèrent un avocat pour attaquer cette entreprise en justice et communiquèrent ces détails au journal.

Ainsi, un journaliste fut chargé de visiter Somatrek et réunir toutes les informations possibles sur le produit utilisé. Il put ainsi savoir que Somatrek avait obtenu une patente pour le recouvrement "Trekcanch" six ans auparavent et assurait qu'il était totalement inerte et inoffensif. A la Faculté de Chimie, on avait vérifié que c'était effectivement le cas pour un échantillon récemment fabriqué, mais qu'il n'en était pas de même pour l'échantillon prélevé à Gembloux, qui avait cinq ans d'âge. Le produit se décomposait progressivement et émettait des gas que seuls des appareils très sensibles pouvaient détecter, mais qui étaient propres des déchets industriels qui avaient été utilisés pour fabriquer le produit final. L'accumulation de ceux-çi pouvait effectivement causer des maladies graves, comme la leucémie.

L'accusation apparut presque simultanément dans le journal et sur le bureau de Servais avec l'ordre de requerir le directeur-exécutif de Somatrek pour qu'il se présente au tribunal et de retirer de la firme toutes les archives relatives au produit "Trekcanch".

01/11/2012

Ecologie 5

5.

Le défilé écologiste du "Jour de la Terre", le dimanche 22 avril, passait par le boulevard Anspach, devant la Bourse, quand les manifestants les plus proches de celle-çi sentirent passer au-dessus d'eux ce qui semblait un petit avion, qui finit par s'écraser contre la porte principale du bâtiment, provocant une explosion qui blessa une dizaine de personnes. Une heure plus tard apparaissait sur YouTube un enregistrement vidéo qui montrait l'approche de l'appareil puis son écrasement. En frange américaine, des sous-titres revendiquaient l'attaque au nom de "Ex-Eco" et dénonçait les grandes entreprises comme déprédatrices de l'environnement.

Une fois les blessés évacués, la police trouva abandonnés sur place un téléphone cellulaire "prêt-à-jeter" et une petite caméra photographique semi-détruite, peut-être abandonnée par l'un des blessés. Ils furent emportés au service technique de la PJ.

L'enregistrement de l'arrivée et de l'impact du drone paru sur YouTube attira tout spécialement l'attention de la police car il commençait lorsque l'avion descendait sur la rue Antoine Dansaert -qui faisait face à l'édifice de la Bourse- et le suivait jusqu'à l'impact. Cela n'était possible que si le cinéaste connaissait d'avance la trajectoire. Auncune personne qui suivait la manifestation n'aurait pointé sa caméra au-dessus des têtes dans une direction transversale en relation à la direction du défilé.

Servais se réunit avec Trompel et deux autres inspecteurs pour commenter les faits. Personne ne connaissait le groupe "Ex-Eco", mais celui-çi devait avoir dans ses files un technicien capable d'interférir le téléguidage du drone pour en prendre le contrôle. Ils devaient aussi avoir un appareil suffisemment puissant et, probablement, être postés près d'où était parti le drone.

Trompel téléphona à l'éditeur de "La Dernière Heure".
- Je ne peux t'en dire plus pour le moment, mais tu as maintenant une autre bonne raison pour la série d'articles sur les mouvements écologistes.
- En effet. Tu me donneras des détails sur l'enquête de ce qui s'est passé hier?
- Je te maintiendrai au courant de tout ce qui ne restera pas strictement confidentiel.
- D'accord. Merci.

*
A la même heure, dans une "suite" de l'Hôtel Métropole, le magnat John Buckley était dans la douche quand il sentit la sonnerie de l'entrée. Il en sortit rapidement, enfilant la sortie de bain offerte par l'hôtel, et rencontra l'employé quand ce dernier entrait dans le petit salon pour poser sur la table le petit-déjeûner demandé. Au passage, Buckley put prendre un billet dans son veston, qui pendait d'une chaise.
- Voici votre déjeûner, comme vous l'avez demandé. Du café en grain frais moulu, sans crème ni sucre, des gaufres de Liège chaudes et une porçion de gelatine de fraises.
- Merci beaucoup. Un service de première qualité, comme toujours!

Il s'approcha du serveur et lui passa discrètement le billet, comme il le faisait toujours. Le lendemain, pensa-t'il, il ferait de même au Hilton de Dubaï, mais là il n'aurait pas ces gauffres, si typiquement belges. 

*
Comme Trompel s'occupait déjà du cas de la bombe, il fut envoyé avec l'inspectrice Yernault pour étudier à nouveau l'entrée de la Bourse et chercher le point où pouvait s'être placé celui qui avait filmé le vol du drone. Ils portaient une tablette avec une copie de l'enregistrement vidéo afin de pouvoir comparer les positions. Ainsi, ils purent trouver l'endroit exact et prirent des photos tant coïncidentes comme des alentours et d'autres positions proches.

Ils étaient près de la place de Brouckhère et commençaient à sentir la faim, ce qui mena l'inspectrice à proposer à Trompel:
- Entrons ici. Nous pouvons prendre un café et manger un biscuit. Je meurs de faim.
Trompel la suivit, sans prêter attention à l'endroit, perdu dans ses réflexions sur le cas présent. Mais, une fois assis à une table, près de la vitrine qui donnait sur le boulevard, il se rendit compte qu'il avait déjà été à ce même endroit, avec la députée Darbée, et que c'était là qu'avait commencé leur idylle (Voir "La Conspiration"). Ils s'étaient mariés, mais elle avait été assassinée deux ans plus tard (voir "Les Six") et il était à peine remis de sa perte. Le souvenir de la vie en commun effaça toute autre idée. Et, se voyant accompagné par une autre femme, il ne put supporter ce souvenir. Il pâlit, se leva d'un saut, et sortit en courrant. Sans rien comprendre, sa compagne le suivit et tenta de l'interroger. Mais il n'était pas en condition de parler et put à peine lui faire signe de s'arrêter et d'attendre.

15/10/2012

Ecologie 4

4.

Trompel ne s'était pas trompé. L'explosion de la bombe allait être le point de départ d'une effervescence croissante autour du thème écologique. Le lendemain de sa rencontre avec l'éditeur en chef, le site web du "Service Publique Fédéral de la Santé, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement" apparaissait piraté.

Au lieu de ses nouvelles et des hyperliens à ses services y à d'autres organismes parents, la couverture présentait des résumés des critiques à la théorie du changement climatique, des dénonciations de négoces irréguliers et dangers des vaccinations massives, et des accusations en relation aux restrictions des aliments transgéniques, tout "ne servant qu'aux transnationales pour empêcher l'avancement des pays en voie de développement et les maintenir dans une extrême pauvreté" ou même "contrôler la croissance de sa population au moyen de la famine".

Le secrétaire du ministère avait contacté la PJ dès qu'il en fut averti par le responsable du site web, incapable de rétablir la page officielle.

Si la bombe du boulevard Lambermont avait provoqué la réaction concertée des divers mouvements écologistes belges et des messages de réclamation dans leurs propres pages web, l'altération illégale de la page du ministère menait la "guerre" au monde numérique. Des messages tant à l'appui des politiques officielles comme contre elles se multiplièrent dans les réseaux sociaux. Et, après le ministère, ces organisations furent aussi l'objet d'attaques contre leurs serveurs web. Dans certains cas, le contenu du site changeait abruptement, et dans d'autres le serveur tombait en panne fruit d'une attaque de dénégation de service, c'est-à-dire bombardé de tant de demandes de contact qu'il leur était impossible de répondre. Cela démontrait l'existence d'un groupe avec assez de puissance pour développer une attaque de grande envergure, et le département d'informatique de la PJ dut former une équipe spéciale pour se charger exclusivement de cette guerre numérique qui était peut-être liée aux faits de violence physique déjà observés.

L'auto de Remy avait été emmenée au parking de la centrale de la PJ. Deux jours plus tard, un autre policier qui passait à côté sentit une odeur de décomposition. Il fit ouvrir le coffre et on y découvrit un cadavre. Il devait y avoir été mis la nuit du jour où Remy avait disparu. De jour, il passait beaucoup de gens là où l'auto était restée, mais la nuit ne passait presque personne, et il n'y avait pas de caméra de surveillance. L'autopsie confirma le moment du décès. Le mort avait en poche une carte de l'hôtel "Auberge de la Grand-Place", mais pas de documents d'identité. On prit une photo de la victime, et Servais s'en fut avec elle à cet hôtel, à la rue des Pierres, pour obtenir toute l'information possible sur cette personne.

Plus que d'un hôtel, il s'agissait une auberge à prix réduit, avec des chambres très simples, sans salle de bain, et peu de services. Son seul avantage, à part le prix, était la proximité de la Grand-Place. Le comissaire apprit ainsi que la victime s'appelait De Groote et avait présenté une carte d'identité hollandaise. Il était arrivé une semaine auparavent et on ne l'avait pas vu depuis deux jours, ce qui était évident pour la police, puisqu'il était dans le coffre de l'automobile. Il trouva dans la chambre une petite valise avec des vêtements de rechange pour deux ou trois jours et des feuillets en néerlandais correspondant à des groupes écologistes, avec des textes soulignés et parfois la mention "leugen" (mensonge), ce qui pouvait être une piste. Serait-ce un activiste anti-écologiste qui s'était trouvé sur le chemin de l' "Ecologie Nouvelle"? Comme il était hollandais, Servais envoya une demande de renseignement aux Pays-Bas au travers d'Europol.

Le lendemain, la police hollandaise répondait que c'était un détective privé et que, dans son bureau de La Haye, ils avaient trouvé un dossier sur l'ONG "Ecologie Nouvelle" qui coïncidait avec une annotation dans son agenda correspondant à son voyage à Bruxelles pour visiter celle-çi.

01/10/2012

Ecologie 3

3.

Entretemps, Servais avait été informé de ce que l'automobile de Remy avait été trouvée là où il avait parqué, près de l'Office des Contributions, où il était allé chercher un important dossier relatif à l'ONG "Ecologie Nouvelle". Les inspecteurs d'impôts avaient détecté d'importantes anomalies, les entrées et sorties de fonds ayant des justifications plus que suspectes et une enquête sur les acteurs était devenue de première importance mais sortait des attributions de l'Office. Il était clair que Remy n'avait pas rejoint son véhicule et avait été intercepté peu après être sorti de ces bureaux. Et le plus logique était qu'il ait été séquestré pour obtenir le dossier et empêcher l'enquête. Cela signifiait aussi qu'il y avait une filtration, sans aucun doute au sein même de l'Office, ce qui rendait aussi nécessaire une enquête administrative interne.

Si l'ONG était ainsi déjà alertée, il ne servirait à rien de visiter policièrement ses bureaux. Il faudrait travailler de façon détournée. Servais demanda donc à Trompel de mobiliser ses anciens compagnons du journal "La Dernière Heure" pour réunir toute l'information possible sur l' "Ecologie Nouvelle".

Pour éviter que ses anciens collègues soient au courant de l'intervention de la police, Trompel téléphona à l'éditeur pour demander une réunion confidentielle, hors des locaux du journal.
- Je ne veux pas que mes anciens collègues soient au courant de notre conversation. Rien ne peut se filtrer avant d'arriver aux conclusions, parce que la vie d'un des nôtres peut être risquée. Rejoignons-nous au sous-sol du City2. Nous simulerons une rencontre par hasard y prendrons un café. Je t'expliquerai alors de quoi il s'agit. Demain à onze heures? Je crois que c'est le meilleur moment pour toi.
- D'accord. Nous nous verrons demain. Je suis très intrigué.

A l'heure convenue, le détective rencontra son ancien chef, assis déjà à une des petites tables, prenant un café. Il le saluda et s'en fut chercher sa propre tasse. Ensuite, il commença à lui expliquer de quoi il s'agissait.
- Il se passe quelque chose de bizarre avec l'ONG "Ecologie Nouvelle", selon l'information que nous avons reçu de l'Office des Contributions. Avec nos ingénieurs, ils s'occupent de suivre la trace de l'argent quand ils suspectent des mouvements illégaux. Mais nous voulons en savoir plus au sujet des intentions de ce groupe et, surtout, de ceux qui le dirigent. Mais sans les alerter davantage de l'enquête, car ils pourraient tenter d'effacer leurs traces. Ils savent déjà que l'Office est inquiet et sont peut-être les responsables de la disparition de l'agent qui était aller chercher le dossier. Pour ne pas les inquiéter davantage, nous voudrions un appui journalistique.
- Je pourrai publier quelque chose si nous collaborons?
- Une fois terminée l'enquête, tu en aura la prémisse. Mais personne ne doit savoir que le journal collabore avec la police, pas même le ou les journalistes que tu mettras sur la cas, pour que rien ne se filtre. C'est pour cela que je t'ai demandé de venir ici. Il serait bon que les gens d'Ecologie Nouvelle soient convaincus que rien ne se passe en ce qui les concerne. Le journal pourrait lancer une série d'articles sur les mouvements écologistes, et en publier au moins un avant de leur rendre visite. Ce pourrait être un article par semaine, peut-être dans l'édition du week-end ou d'un supplément, pour ne pas surcharger ton personnel et leur donner le temps de s'y attendre. Mais il faudra faire toutes les questions impertinentes qui soient possibles, bien que sans faire référence aux impôts. Avec l'affaire de la bombe contre les "Verts", tu aurais une justification pour explorer ce qui se passe dans les mouvements tant à faveur comme contre la politique écologiste.
- En principe, je suis d'accord. Mais ce ne sera possible que si ton chef met au moins au courant le directeur, en termes généraux. Sinon, il pourrait me demander d'où vient l'idée de cette série et l'empêcher. Seule l'affaire de la bombe l'intéresse pour le moment. Il n'aime pas beaucoup les écologistes et ne voudrait aucunement leur faire de la publicité gratuite.
- J'avertirai mon chef. Je ne crois pas qu'il y aura des difficultés.
- Pourtant, si j'y pense bien, si nous abordons aussi les groupes contraires à la théorie du réchauffement universel, la série serait plus objective et le directeur pourrait être plus motivé.
- Cela me semble génial. Vous pourriez faire un article sur "Les Verts", à partir du cas de la bombe, puis un autre sur les opposants, et aller après demander à l'"Ecologie Nouvelle" ce qu'ils en pensent, qui ils sont, ce qu'ils font, etc.
- Parfait. Je chargerai quelqu'un d'identifier tous les intéressés et nous commencerons ensuite la série. Je t'enverrai une copie par courriel de tout ce qui arrivera sur mon bureau.
- D'accord. Nous t'en serons très reconnaissants. Et s'il surgit une piste utile et nous devons agir, tu seras le premier à le savoir.

Ils se séparèrent cordialement. Sans l'avoir planifié, Trompel avait obtenu plus qu'il ne l'avait pensé: des informations sur les "anti-écologistes", qui pouvaient être compliqués dans l'attentat.

14/09/2012

Ecologie 2


Trompel se réveilla en sueur. Il y avait longtemps qu'il n'avait plus eu un cauchemar aussi long et détaillé. Y avait-il là une piste qui l'aiderait à résoudre le cas à sa charge? Le réveil marquait 7:15. Ce numéro lui était familier, et pas parce que c'était l'heure de l'alarme, qui était en réalité mise à 7h30.

Tout avait commencé une semaine avant. Son chef, le comissaire Servais, l'avait appelé et l'avait chargé d'enquêter sur une bombe qui avait explosé ce matin là, à 7h15, face au siège du parti "Vert", au boulevard Lambermont. Servais ne pouvait s'en occuper personnellement car son assistant, Remy, avait disparu le jour précédent et une visite à son domicile n'avait rien donné. Trompel devait se charger de l'affaire de la bombe, accompagné de l'inspectrice débutante Alice Yernault.

Le bureau affecté se trouvait au 715 du boulevard. Était-ce une coïncidence ou les délinquants avaient programmé l'explosion ex profeso à cette heure? La bombe avait été posée dans un recoin de l'entrée, apparemment dans un cylindre d'extincteur, sans doute pour ne pas attirer l'attention. Les techniciens avaient déjà récupéré les fragments, entre les vitres cassées et les fers tordus. Ce qui leur sembla bizarre, ce fut la présence de sciure de bois, car la porte, brisée, avait projeté des échardes mais il aurait été impossible qu'elle ait été réduite à de la sciure. Il n'y avait qu'une explication: elle devait avoir été mêlée à la poudre, l'explosif étant principalement composé de produits phosphatés utilisés dans les engrais. Peut-être avait-elle été confectionnée dans un atelier de menuiserie. Trompel savait que cela pouvait être une partie de la "signature" de son constructeur.

A l'heure de l'explosion, il serait difficile de trouver des témoins dans les environs. Tous les bâtiments et les maisons étaient éloignés de l'avenue elle-même, séparés par des jardins. Et la plupart des voisins sortaient directement en auto de leur garage, sûrement sans regarder les piétons qui pouvaient être près des façades et moins encore un véhicule près de ce bureau, qui recevait beaucoup de visites.

Mais il était de son devoir d'essayer de trouver quelqu'un qui pourrait avoir vu quelque chose. Ainsi, il partit avec l'inspectrice après six heures du soir, horaire où ils pourraient trouver les gens revenus de leur travail. Arrivés au boulevard, ils se séparèrent pour visiter les maisons et buildings voisins. Il n'y en avait que du même côté de l'avenue, car de l'autre il y avait un parc. Le nombre d'appartements assez proches à visiter fit qu'ils ne terminèrent que près de minuit, mais ils n'obtinrent aucun résultat. Ceux qui avaient entendu l'explosion n'avaient rien vu à l'extérieur avant de sortir et n'avaient rien vu d'anormal la veille au soir. Il était normal de voir l'un ou l'autre véhicule face au bureau des Verts, et personne ne s'en préoccupait. L'un d'eux pouvait très bien avoir apporté la bombe, tard le soir ou tôt le matin, mais personne ne l'avait vu.

Trompel savait déjà que le seul video d'une caméra de sécurité, du bureau de banque proche, ne montrait rien non plus: toutes les vues correspondaient aux clients le visitant. L'attaquant avait dû s'approcher en longeant la façade, hors de l'angle de vision. Il ne pouvait rien faire de plus sans compter sur les résultats du laboratoire. Mais l'inspectrice Yernault lui suggéra de consulter le réseau d'Interpol. Il pouvait y avoir là des informations sur les groupes anti-écologistes qui auraient réalisé des actions similaires dans d'autres pays.

Ainsi, il découvrit que ce genre d'attaque était bien connu du FBI, au point que le Bureau avait forgé le terme "écoterrorisme", le définissant comme "l'usage ou la menace d'utilisation de la violence de caractère pénal et souvent de caractère symbolique contre des victimes inocentes o des propriétés, par des groupes sous-nationaux avec orientation écologiste envers le milieu ambiant ou des motifs politiques". En 2002, le FBI estima que le Front de Libération Animale (ALF) et le Front de Libération de la Terre (ELF), deux des principales organisations écologistes responsables d'actes dénominés écoterroristes, avaient commis plus de 600 actes criminels aux Etats-Unis, causant des dommages estimés de 43 millions de dollars. Entre 2002 et 2008, l'écoterrorisme a causé au total 200 millions de dollars de dommages à la propriété aux Etats-Unis selon le FBI.

Il trouva aussi que l'écologiste canadien Paul Watson, fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society avait présenté une autre définition: "un acte qui terrorise d'autres espèces ou menace le système écologique de la planète", accusant de cela les ballèniers japonais, qui continuaient à chasser ces cétacés. Un autre écologiste, David Suzuki, avait décrit l'ancien Premier Ministre d'Australia, Johh Howard, comme "écoterroriste" pour n'avoir pas respecté le Protocole de Kyoto sur le changement climatique. Les écologistes ont aussi accusé des grandes corporations depuis ExxonMobil et General Electric jusqu'à McDonalds d'écoterrorisme. [Selon la Wikipedia]

Il y avait cependant un "mais": l'écoterrorisme ainsi définit faisait allusion à des actions des écologistes réalisées théoriquement en défense du milieu ambiant. Il faudrait étendre maintenant cette définition pour y inclure les contraires, comme ceux qui avaient commis l'attentat CONTRE le parti écologiste belge.

31/08/2012

Ecologie 1

Ecologie Nouvelle

    "A échelle humaine, nous avons déjà dépassé le point de non-retour du changement climatique." (Adeline Marcos, agenciasinc.es)
      Ainsi l'a affirmé Thomas Stocker, chercheur de l'Université de Berne (Suisse) pendant le congrès sur "Les changements climatiques brusques, science et moyens de communication", organisé par le CSIC (Espagne) et inauguré le 5 juin 2012. (http://www.agenciasinc.es)


1.

- Joseph Trompel, vous êtes arrêté. Vous pouvez garder silence mais si vous parlez, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous dans un tribunal.
- Arrêté? Mais pourquoi? Je n'ai commis aucun délit! Vous savez que je suis policier!
- Ex-policier! Vous êtes suspendu de vos fonctions et en condition d'accusé. On vous accuse d'avoir assassiné le ministre de l'Ecologie.

De l'écologie? -se demanda intérieurement Trompel-. Je ne savais même pas qu'existait ce ministère! Une invention récente des Verts, qui venaient de gagner les élections régionales?

Il était dans sa cabane de Spa, qu'il avait hérité d'Antoine Lefranc (voir "L'héritage"). Il y était arrivé la veille au soir et avait su de l'assassinat d'un ministre par un 'flash' télévisé, peu avant de se coucher, mais on n'avait pas donné de détails.

- Je suis arrivé ici hier soir et j'ai su ici la nouvelle de ce crime. Comment puis-je être impliqué?
- Vous croyez que nous ne savons pas que vous êtes venu ici pour vous cacher après votre forfait? Que nous ne connaîtrions pas ce domicile?

Personne, en effet, sauf le comissaire Servais, ne connaissais l'existence de son refuge dans les Ardennes. Ainsi, ils avaient déà parlé avec son chef.

- Vous aviez accès au ministre et nous avons un témoin qui vous situe sur le lieu du crime. Nous avons aussi votre pistolet, avec vos empreintes, que vous avez jetté dans un égoût un pâté de maisons plus loin.

Il avait laissé son pistolet dans son appartement de Bruxelles. Quelqu'un avait pu entrer là et l'avoir volé, pour l'impliquer. Quelqu'un assez furieux et assez préparé pour tendre ce genre de piège. Mais qui? Comment pourrait-il enquêter s'il était en garde à vue?

Se résister à l'arrestation ne ferait qu'empirer les choses, et il accompagna donc les agents des Affaires Internes, qui le ramenèrent à Bruxelles. Durant le trajet, il essaya de poser des questions pour en savoir plus, mais on refusa de lui répondre.

21/08/2012

Prochainement


Le 1er septembre, nouveau roman:

"Nouvelle Ecologie"

N'étant pas encore terminé, je ne publierai un épisode que tous les 15 jours (en même temps que mes "Nouvelles chiliennes").

14/08/2012

JOSEPH (JEF) TROMPEL


Avant de commencer un nouveau roman (en partie encore en friche), je présente ici une brève biographie de Jef Trompel, afin que soit clair la séquence réelle de ses aventures, car je ne les publie pas dans l'ordre chronologique et il est des périodes où il est détective privé et d'autres où il est inspecteur de la Police Judiciaire.

Il était né à Bruxelles le 12 mars 1980, dans les "Marolles". Il était ainsi un des vrais bruxellois, descendant d'une dizaine de générations dans ce quartier, et avait passé son enfance dans les environs de la rue Haute et de l'église de la Chapelle. Il pouvait donc parler bruxellois et aussi d'autres langues communes aux émigrés qui se sont installés dans ce secteur et ses alentours.
Il avait participé aux jeux de balle pelote à la place du Vieux Marché, enseignant ce sport aux enfants d'émigrés espagnols, turcs et algériens qui avaient cherché les bas loyers du secteur. Mais il n'avait pas oublié les traditions des Marolles ni son dialecte et avait été contagié par l'irrévérence traditionnelle des “ketjes”, les jeunes de ce quartier.

* En l'an 2000, il avait obtenu une licence en communication sociale à l'ULB, l'université laïque de Bruxelles, grâce à une bourse d'études qui couvrait le minerval et avait payé ses livres et matériaux d'étude en faisant la distribution de journaux aux abonnés au petit matin. Son origine et sa façon de parler lui avaient valu, par association sonore, le surnom de "Jef Trompet", un nom typique et ridiculisant du folclore bruxellois. Au lieu de s'en offenser, il assuma le nom et l'employa plus tard dans ses premières chroniques de presse, toujours pointues et sceptiques.
* En 2001 et 2002, il fut d'abord reporter de "La Dernière Heure" puis passa à travailler pour l'APLF, la chaîne européenne de journaux de langue française, s'occupant toujours de thèmes sujets à controverse et complexes, se préoccupant peu pour les risques qu'il courrait. Il n'était pas un gourmet et choisissait toujours des plats et boissons connues. Le tourisme culinaire ne l'attirait pas du tout. Simultanément, il commença des études de criminologie.
* En 2003, il entra à la PJ (Police Judiciaire), où il accompagna Jean Servais pour l'enquête sur la disparition d'un scénariste de télévision (roman "Les Courbes du Temps").
* Ensuite, la même année, il enquêta sur le Parti "Nouvelle Indépendance" (roman "Conspiration") et, quelques mois plus tard, se maria avec la députée Paula Darbée.
* Au début de 2004, il abandonna la police pour travailler à son compte, revenant au journalisme free-lance et ouvrant un petit bureau de détective privé. C'est ce qui le conduisit cette année à voyager au Chili et en Bolivie (roman "L'héritage").
* En 2011, on l'avertit de ce qu'il avait hérité de la personne qui l'avait engagé en 2004 pour enquêter sur le séquestre de son fils (même roman).
* En 2012, il est engagé par l'archéologue Kaminsky et enquête sur la Société de l'Oeil d'Horus (roman "Les yeux d'Horus").
* En 2015, sa femme, Paula Darbée, est assassinée. Il décide alors de retourner à la PJ, mais on ne l'y admet qu'après la solution de ce cas ("Les Six") et ses vacances au Mexique ("Les vancances de Trompel").
* En 2016, il enquête sur l'assassinat de plusieurs prêtres ("Cures").
* En 2017, à la PJ, il participe à une enquête sur l'écoterrorisme ("Ecologie Nouvelle": prochain roman).
* En 2018, il doit enquêter sur la mort d'un professeur d'université ("Cérébral", en construction).
* En 2020, il enquête sur les décès à l'entreprise Ethercom ("2020 AC-DC").
* En 2022, de nouveau à son compte, il part à la recherche de l'archéologue Jean Pollion ("Colonisation").
* En 2023, on l'appelle à la PJ pour remplacer Jean Servais, qui prend sa pension.
*¨En 2025, il voyage à la station orbitale "Von Braun" pour résoudre un nouveau cas ("Orbite", projet pas encore développé).
* En 2040, il prend sa pension de la PJ et reprend ocasionnellement du travail privé.
* En 2052, il est assassiné à Tuerin, en Mongolie, lorsqu'il y accompagnait l'équipe de l'archéologue Aimé Trillon à la recherche des "Surveillants" extraterrestres (roman "Omyx", le premier de tous, qui existe seulement en espagnol).

** D'autres enquêtes peuvent évidemment venir s'insérer dans cette chronologie, selon l'inspiration future... si elle a lieu.

07/08/2012

Agence du Temps 5.2


En 2003, à Bruxelles:
- Nous n'avons toujours pas d'autre piste -dit Servais à Trompel-. Et nous n'avons pas d'autre cas urgent pour le moment. Il serait assez compliqué d'expliquer cette affaire dans une requête d'information au travers d'Europol à la police suisse. Va donc à Genève et contacte le CERN, pour savoir s'ils savent quelque chose de Gossin. Puis visite aussi le Registre Civil, pour savoir si ce nom y apparait.

Ainsi, le lendemain à la première heure, Trompel prenait un TGV à destination de l'Italie, qui le déposait à Genève quelques heures plus tard.

*
A Genève:
L'Agence du Temps ne savait pas si quelqu'un suivrait ou non la piste de Gossin jusqu'en Suisse. Les chefs de l'Agence, cependant, n'avaient aucune confiance dans ses déclarations assurant que ses actions n'auraient aucune répercussion. Il leur fallait s'en assurer, raison pour laquelle ils envoyèrent un autre agent à la Genève de 2003. Celui-çi lut les journaux belges des jours précédants, jusqu'à la date où apparut la nouvelle de la disparition du scénariste de la série qui avait été titulée "Les Courbes du Temps". Un des journaux avait fait mention de documents découverts au domicile de Gossin qui anticipait de nouveaux épisodes et d'une "explication surprenante". Sans doute s'agissait-il d'un document confidentiel de l'Agence et, s'il en était ainsi, la police pourrait arriver aux bureaux du CERN et poser des questions incommodes, bien que personne, à cette époque, ne les prendrait au sérieux. Mais elles pourraient pousser à une recherche scientifique avant le moment adéquat, vu que la construction du LHC était alors en pleine marche.

Trompel, effectivement, avait été envoyé poser ces questions, courrant le risque évident d'apparaître comme en policier un peu cinglé. Quand il entra au CERN, un jeune homme s'approcha inmédiatement de lui, lui demandant ce qu'il désirait. Il demanda à rencontrer "un certain monsieur Gossin" qui, selon des antécédentes de la police belge, avait travaillé là ou y avait obtenu des documents qui pouvaient être confidentiels. L'homme -qui était l'agent du futur destiné à l'intercepter- lui répondit que personne de ce nom ne travaillait là. Il se présenta comme chargé des relations publiques et l'invita à parler à la cafétaria, pour tirer au clair de quels documents il s'agissait avant de consulter formellement ses supérieurs.

Trompel fit un bref résumé du contenu de la série de télévision et du document provenant de l'éventuelle "Agence du Temps". Le jeune homme se mit à rire à plusieurs reprises.
- Monsieur Trompel, cela semble en vérité une bonne série de science fiction. Mais, sachant de physique, laissez-moi vous dire que les muons n'ont aucunement la capacité de déplacer des objets, ni dans l'espace ni dans le temps [ce dont, au moins, on était convaincu en 2003].
- Cependant, Einstein a prédit que le voyage dans le temps deviendrait un jour une réalité.
- Vous devriez savoir que, jusqu'à présent, cette affirmation n'a jamais pu être confirmée. Si la Télévision belge veut tirer parti de cette idée ou d'un autre conte basé sur les documents que vous me signalez, elle est libre de le faire. Mais le CERN n'acceptera d'aucune manière d'être cité comme source ou référence, car cela ferait du tort à la crédibilité de nos études en cours. Il est plus que suffisant qu'on ait donné le nom de "particule de Dieu" au bosson de Higgs que nous essayons de trouver. Ceci est un véritable défi scientifique, qu'une vulgarisation de mauvais goût pourrait endommager.
- En cela, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais le fond de la question -et de mon travail de policier- n'est pas de vérifier une hypothèse scientifique sinon de découvrir où se trouve monsieur Gossin, indépendament du fait qu'il soit ou non l'inventeur du scénario de télévision et des documents que nous avons trouvé. Il est suffisant, pour moi, que vous m'assuriez qu'ils ne sont pas sortis d'ici. Et je regrette que ce monsieur Gossin ne vous soit pas connu, car nous n'avons pas plus de pistes pour le retrouver.
- Croyez-moi que, en tant que chargé des relations publiques, je me souviendrait de lui s'il était venu consulter quoi que ce soit pour soutenir ces théories fantaisistes.

Sans plus de question, Trompel prit congé de son interlocuteur et s'en fut au siège du gouvernement de la ville, à la recherche du Registre Civil. Mais il n'y trouva aucune trace de Jean ni d'Henri Gossin. Une autre piste disparaissait ainsi et il dut rentrer à Bruxelles, reconnaissant l'échouement de sa mission à l'étranger. 

*

Genève, année 2257
- Agent Gossin, vous êtes accusé d'avoir voyagé sans autorisation et d'avoir emporté une copie du Journal de Bord de l'Agence, risquant ainsi de compromettre le cours de l'histoire.
- Au cours de mes recherches sur le début du XXI° Siècle en Europe, je suis tombé par hasard sur l'histoire de la Télévision Belge. Si vous l'étudiez, vous y verriez qu'elle a diffusé en 2003 une série intitulée "Les courbes du temps" dont le scénariste était Jean Gossin, c'est à dire moi. J'étais donc obligé d'y aller, pour assurer le cours de l'histoire. Il fallait que j'écrive le scénario de plusieurs chapitres et que je revienne avant de finir la série. J'ai donc emmené la documentation nécessaire et vous m'avez obligé à revenir à la date correcte. Je n'ai ainsi fait qu'assurer le cours correct de l'Histoire. J'ai oublié de ramener le document, mais vous pouvez vérifier que les conséquences ont été nulles. Personne n'a cru à la possibilité réelle de ces voyages dans le Temps, même si quelques physiciens l'avaient déjà formulée bien avant.
- Vous avez de la chance que nous avons intercepté le policier chargé de vous retrouver et, qu'ainsi, le CERN de 2003 n'a pas été mis en cause. Mais les risques furent grands et nous ont obligé à une mission imprévue et hasardeuse, pour éconduire ce policier. En conséquence, vous êtes suspendu pour un mois et vous serez transféré à la section administrative.

*

La RTB suspendit définitivement la diffusion de sa série "Les Courbes du Temps", la remplaçant par la série "Vermist" de la BRT, sur des personnes disparues. Elle espérait pouvoir transmettre un chapitre propre sur la disparition de Gossin, ce qui n'arriva jamais car l'affaire resta sans suite.

Avec grand regret, Servais scella et archiva le dossier: "Cas non résolu."

FIN

30/07/2012

Agence du Temps 5.1


Chapitre 5. Derniers détails

Du texte attribué au CERN:

    Genève, année 2249

Aujourd'hui, le ministre de la Culture russe demanda à parler au chef de l'Agence du Temps après avoir visité les installations officielles de l'Agence. Cette entrevue n'était pas programmée, mais il insista parce que, à ses dires, on ne lui avait pas tout montré. Il assura avoir été chargé d'un message spécial par le président Volponov. On transcrit ici ce qu'il dit et la réponse qu'il reçut, selon l'enregistrement de la conversation:

- Monsieur Benoit, j'ai demandé à visiter l'Agence et on m'a montré une suite de bureaux, mais on me nie l'accès à la Section Historique. On prétende même qu'une telle section n'existe pas. Cependant, le président Volponov m'a expliqué que la dite section -qui n'est effectivement connue que par peu de gens- est en condition de vérifier des faits du passé en envoyant des agents pour en être témoins ou même y intervenir. En ma condition de président de la Fondation Romanoff,je veux vous demander de m'envoyer à la Russie de 1917 pour organiser avec nos partisans les actions nécessaires pour éviter l'assassinat du tsar Nicolaï.
- Monsieur le ministre, je regrette beaucoup d'entendre cela. Je me verrai forcé de présenter une réclamation formelle au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Votre président, en effet, a violé le Traité de l'Agence du Temps, connu seulement par les chefs d'états du G-20, qui les obligeait au secret absolu en relation à la Section Historique, justement pour éviter que se multiplient les demandes comme la vôtre.
- Mais si vous pouvez faire ce que m'a dit le président Volponov, il est de votre obligation d'empêcher les aberrations de l'Histoire, comme l'assassinat du tsar et de sa famille!
- Et qui va juger de ce qui est une aberration historique? Vous? Sans rien savoir des mathématiques historiques ni de physique quantique, vous croyez qu'il est possible d'intervenir et de changer le cours de l'Histoire?
- Allons! Si quelqu'un peut voyager dans le passé, il peut faire ce qui lui plait et aurait le devoir moral d'empêcher les crimes...
- Cela est effectivement ce que nous pensions lorsque nous avons créé l'Agence. Mais l'expérience et les calculs postérieurs ont démontré qu'il est impossible de changer le cours de l'Histoire. Seuls des faits sans importance peuvent être effacés ou provoqués, et des faits à peine un peu plus importants peuvent freiner ou accélérer un petit peu les choses. Quand nous le pouvons, nous tentons de réduire le nombre des victimes innocentes. Mais notre Protocole d'Intervention nous interdit de causer des dommages -pour des raisons éthiques- et les règles même du Temps rendent impossible la réalisation d'actions qui affectent le cours de l'Histoire. Pensez que, si cela était possible, il pourrait y avoir des effets tels que l'Agence pourrait ne pas arriver à exister, pas plus que vous, et donc, ces actions n'auraient pu se produire. L'Histoire se protège elle-même, monsieur Rostov. Vous ne pouvez éviter la mort du tsar!

  La dernière annotation du texte était de 2253:

Comme déjà signalé, Gilles de Rais ne revint pas à la date où nous l'attendions. Plusieurs mois ont passé depuis. Nous doutons qu'il revienne jamais. Il existe maintenant des indices de ce que l'Agence n'existera plus dans huit siècles. Ce fut peut-être réellement lui qui arriva trop tard lors de l'exécution de Jeanne d'Arc, comme l'histoire rend compte.

Depuis un an, en effet, tous les agents que nous avons envoyé à une distance de 400 ou 500 ans sont revenus après quelques minutes, quelle que soit la date projetée. Nous n'en comprenons pas la raison et ils ne peuvent pas l'expliquer: il perçoivent à peine le changement de lieu et reparaissent ici. Le dernier agent qui revint avec de l'information est celui qui a assisté à la bataille de Yorktown, en 1781.

Les ingénieurs ont tout vérifié à plusieurs reprise. Tout fonctionne normalement ici. L'explication pourrait être dans le futur. Comme le retour dépend de l'Agence future, peut-être ont-ils décidé de suspendre le projet. C'est la seule façon possible pour eux de nous en avertir, puisqu'ils ne peuvent pas donner d'informations à nos agents. Ainsi, nous ne pouvons explorer le Temps que jusqu'à la fin du XVIII° Siècle.

24/07/2012

Agence du Temps 4.4


Le document du CERN continuait:

    Le cas de Silicon Valley et Microsoft

Le "décollage" vertigineux de la firme d'informatique Microsoft, à la fin du XX° Siècle, restait un mystère pour beaucoup. Mais nous avions envoyé un agent pour enquêter sur le développement de Silicon Valley et pour donner un "coup de pouce" à la diffusion des ordinateurs personnels.
  
    "Silicon Valley désigne le pôle des industries de pointe situé dans la partie sud de la Région de la baie de San Francisco en Californie, sur la côte ouest aux États-Unis. Même si cette région n'est pas une vallée à proprement parler, l'expression désigne souvent par métonymie l'industrie des technologies de pointe en général. La ville de San José est la plus grande ville de Silicon Valley.
Le nom de Silicon Valley, forgé en 1971 par un journaliste local, Don Hoefler, fut inspiré par la concentration d'entreprises de semi-conducteurs et d'informatique dans la vallée de Santa Clara en Californie. ...
C'est là que s'est véritablement forgée l'image d'entreprises parties de rien (jeunes pousses, ou startups) souvent dans une résidence familiale (avec par exemple, le Garage Hewlett-Packard où a été lancé Hewlett Packard à Palo Alto, devenu un musée, symbole du rêve américain et monument historique) pour devenir des géants technologiques et industriels (comme Apple à Cupertino ou Sun Microsystems et Intel à Santa Clara)." (Wikipedia)

Comme programmé, notre agent pu se faire ami d'un ingénieur de Xerox et, un jour où ils parlaient du futur des ordinateurs autour d'une bière, lui dit qu'ils ne pourraient se massifier que s'ils représentaient des choses connues, comme le bureau où les gens travaillent. Il prit un serviette de papier et y traça un rectangle:
- Ça, c'est l'écran, et il pourrait représenter la superficie du bureau. Je mets dessus les fardes -il dessina d'autres rectangles- et, comme on ne peut voir ce qui est en-dessous, je mets aussi dessus le bac à papier, où on jette les brouillons et vieux papiers. A côté, ou au-dessus, nous pouvons mettre les feuilles des documents sur les lesquels nous travaillons.

Son ami de la Xerox, qui travaillait en Recherche et Développement, lui raconta un autre jour qu'il avait programmé un écran avec le dessin fait sur la serviette. L'agent lui demanda s'il pouvait le voir avec un ami. Il était aussi devenu ami du jeune Steve Jobs, qui commençait à fabriquer ses Apple II. C'est ainsi que les deux furent visiter Xerox, où Jobs vit la simulation du bureau. Il se jura alors que quand il disposerait d'une puce suffisemment puissante, tous ses ordinateurs utiliseraient ce typoe d'interface. Ainsi sont nés le Lisa -qui n'eut pas de succès à cause de son prix- puis les Macintosh, a partir de 1984.

    Note: Le Xerox PARC, en 1973, fut le premier ordinateur personnel et le premier à utiliser la métaphore du bureau et l'"interface graphique d'utilisateur", mais fut un prototype.

Pendant ce temps, en 1975, était née Micro-Soft -plus tard Microsoft-, fondée par Bill Gates et Paul Allen. Ils avaient acheté l'Altair 8800, un petit ordinateur fabriqué par la société MITS, pour lequel ils avaient pu acquérir le langage de programmation Basic. Postérieurement, ils achetèrent le sistème d'exploitation 86-DOS, qui fut la base du MS-DOS. Et, au lieu de vendre le produit, comme s'était l'habitude, inventèrent le système des licences d'utilisation, qui serait la base de leur enrichissement, grâce à un accord avec IBM pour que les ordinateurs personnels fonctionnent avec le MS-DOS et le Basic.

- Nous n'avons pas pu convaincre Steve Jobs de licencier le système d'exploitation du Macintosh. Ainsi, la domination de Microsoft avec son système DOS et ensuite Windows pour PC n'a pu être compensée. C'est dommage, car la popularisation de l'informatique aurait été beaucoup plus ample et rapide. Mais nous avonc pu pousser un peu le système d'interface graphique, auquel Bill Gates et Microsoft durent se rendre (c'est "Windows", fort inspiré du Macintosh). Comme nous le savons, l'histoire est ce qu'elle est et nous ne pouvons plus la changer à postériori. Notre principal bénéfice est de savoir les raisons et les détails de quelques faits, bien que dans des cas très particuliers nous pouvons accélérer un peu certains développements.
- Mais nous avons pu convaincre Bill gates de rester à Redmond. S'il avait déménagé à San José, il pourrait avoir freiné le développement de Silicon Valley et monopolisé toutes les iniciatives.
- S'il en aurait été ainsi, nous nous avons anoté un succès important. Mais nous serons les seuls à le savoir.
- Comme il correspond.
- En effet.
- L'agent de France n'a pas pu empêcher que Jeanne d'Arc soit brûlée.
- Le bête Gilles de Rais est arrivé trop tard et n'a pu voir que les cendres.(*)

   (*) On sait en effet que, durant les derniers jours de Jeanne, un compagnon d'armes de ce nom prépara une attaque contre le contingent de mercenaires, à Rouen, pour libérer la Pucelle. Mais il prit trop de retard et ne put rien faire.


- Je ne sais pas pourquoi nous avons autorisé ce projet: libérer Jeanne n'aurait rien changé.
- L'objectif initial n'était pas d'empêcher son sacrifice mais d'altérer le cours de procès pour l'acquitter. Et nous prétendions vérifier la possibilité d'intervenir pacifiquement dans une époque éloignée ainsi que le charactère "non-modificable" de l'histoire. En comparaison avec ce que nous avons obtenu au XX° Siècle, cela démontre que plus la mentalité scientifique est débile et plus réduite la technologie, plus il est difficile d'influencer les gens qui ont un rôle clé. Nous ne pouvons avoir de succès que lorsque l'Histoire montre que nous l'avons eu. C'est le seul paradoxe acceptable et cohérent malgré tout.
- Quelqu'un avait pensé qu'on pourrait convaincre l'évêque Cauchon de ce que Jeanne n'était pas une sorcière?
- Il fallait être là et le tenter pour vérifier scientifiquement cette hypothèse!
- Et au XX° Siècle, il n'y avait pas de gens aussi obtus?
- La même chose se serait passée avec Hitler et Jomeini! Mais au XX° Siècle, on pouvait intervenir d'une autre façon, comme on vient de le prouver avec Bill Gates et Tim Berners-Lee.
- Et le coup Tim Berners-Lee a été magnifique. Cela a avancé la World Wide Web d'une dizaine d'années ou plus selon nos calculs.
- Grâce, aussi, à ce que nous avons eu du succès avec Silicon Valley.
- Cela démontre aussi qu'il est important d'avoir des plans plus complexes.
- D'accord. Il faut travailler en fonction des règles du chaos historique.
- Et nous avons un autre succès: avoir conduit Savorinsky, à la fin du XXI° Siècle, à appliquer à l'Histoire la mathématique du chaos.

    [Note: la "théorie du chaos" s'exprime dans de nombreux aspects de la nature et on suppose déjà qu'elle pourrait s'appliquer à l'Histoire.]

- Mais l'accident de collisionneur qui démontra la factibilité du voyage dans le temps n'a pas été le produit de nos travaux. Il sera toujours un accident.
- En effet. Il y a bien des choses que nous ne pouvons changer. Il me semble que ce qu'on vient de résumer doit être classé dans deux catégories: quand il n'y a pas de succès et quand nous pouvons freiner ou accélérer ce qui est inévitable. Nous n'avons rien pu obtenir de plus, et je suis sûr que toute autre chose est impossible. Nous n'avons pas encore pu le démontrer mathématiquement, mais c'est logique: produire un changement radical aurait de tels effets que nous ne serions pas ici pour en parler.
- Ce principe logique a été visualisé d'emblée quand on a créé l'Agence et c'est la raison pour laquelle notre Protocole d'Action interdit des actions qui pourraient altérer le cours de l'Histoire. Peut-être que la libération de Jeanne d'Arc aurait causé une telle altération, et pour cela a été impossible. Il existe des forces que nous n'identifions pas encore et qui assurent la stabilité de l'Histoire.
- De ce fait, la Science du temps continue a être en développement et nous avons plus d'ingénieurs que d'agents-voyageurs.

17/07/2012

Agence du Temps 4.3


Le document poursuivait:

    Le cas Kennedy

Au début de 2244, nous avons ainsi envoyé un autre agent aux États-Unis de 1963, pour enquêter sur l'assassinat de John F. Kennedy, un cas qui s'était prêté pendant plusieurs années à de multiples théories explicatives sans arriver à une conclusion satisfaisante pour tous.

Kennedy fut assassiné le vendredi 22 novembre 1963 à Dallas, au Texas à 12h30 locales. Ceci est un résumé officiel des faits:

"Après que le cortège présidentiel eut traversé à vitesse réduite le centre de la ville et alors que la voiture présidentielle, décapotée, passait sur Dealey Plaza, John F. Kennedy fut mortellement blessé par des tirs d'arme à feu. Vers la fin du trajet, le cortège et la voiture du président Kennedy quittèrent Main Street et tournèrent à droite sur Houston Street. Après quelques dizaines de mètres, le véhicule présidentiel négocia un virage serré à gauche sur Elm Street, contournant ainsi Dealey Plaza.
À ce moment, Nellie Connaly, soulagée comme tous les occupants par l'accueil du cortège, fit remarquer au président qu’il ne pourrait pas dire que Dallas ne l’aimait pas.
La voiture qui avait fortement décéléré (environ 15 km/h) passa devant le dépôt de livres scolaires (« Texas School Book Depository » ou « TSBD »). Il était 12 h 30 et devant celle-ci, se profilait le pont de chemin de fer sous lequel passe Elm Street. Dans une des voitures de sécurité, un agent du Secret Service annonça dans un micro que dans quelques minutes le président serait au Trade Mart.
Soudain, un coup de feu retentit, qui évoqua pour beaucoup la pétarade d'un moteur. Même les agents du Secret Service restèrent tout d’abord interdits et réagirent seulement lorsque d’autres coups de feu claquèrent. En tout, selon la version officielle, trois coups de feu furent tirés.
Le président avait été touché. Beaucoup le virent se tasser légèrement sur son siège et porter les mains à la gorge : selon la version officielle une balle l’avait frappé dans le haut du dos et était ressortie par la gorge, mais certains estiment que la balle à la gorge a été tirée par devant et que c'est une autre balle qui l'a frappé au dos. Le gouverneur Connally, assis juste devant le président, a également été touché : une balle l'a frappé dans le dos à droite de la clavicule droite, a traversé le poumon et fracturé une côte en ressortant, son poignet droit a été transpercé (le radius fut fracturé) et la balle a terminé sa course en pénétrant superficiellement sa cuisse gauche. Selon les conclusions officielles de la commission Warren (en 1964) et du House Select Committee on Assassinations (en 1979), la même balle aurait traversé les deux hommes.
Il ne s'était passé que quelques secondes et c'est alors que les agents commencèrent à réagir. L'agent qui conduisait la voiture n'accéléra pas immédiatement, au contraire il se retourna, lâcha sans doute l'accélérateur ce qui fit ralentir la voiture (certains pensent que le chauffeur a même freiné).
Le gouverneur Connally s'écroula dans les bras de son épouse, tandis que Clint Hill, un des agents du Service Secret qui voyageait sur le marchepied gauche de la voiture qui suivait celle de Kennedy, se précipita vers le véhicule présidentiel. Quelques instants après, une balle atteignit le président à la tête, détruisant une bonne partie du cerveau (l'emplacement de la blessure à la tête est également sujet à controverse, voir ci-dessous). Les dégâts provoqués sont tels que du sang, des fragments d'os et de la matière cérébrale furent projetés jusqu'à plusieurs mètres de hauteur (des morceaux d'os furent retrouvés par des passants). Connally et son épouse, tassés sur les sièges avant, furent aspergés de sang et de particules.
Durant la scène, un tailleur nommé Abraham Zapruder avait l’œil rivé à sa caméra, il était tétanisé et filmait les évènements ; il produisait ainsi ce qui peut être considéré comme le film amateur le plus célèbre de tous les temps. Les images qu’il saisit du tir mortel alimentent encore les polémiques.
Selon les estimations, il s’est passé de l'ordre de 6 à 9 secondes entre le premier et le dernier coup de feu.
Jackie quitta la banquette et rampa à quatre pattes sur le coffre arrière de la voiture (il semble qu'elle ne se souvint plus de cet épisode par la suite). Le véhicule présidentiel accéléra au moment où Clint Hill l'atteignait, celui-ci grimpa sur le coffre arrière pour contraindre la première dame à rejoindre sa place.
Le cortège fonça vers l’hôpital Parkland. Le président respirait encore, mais il était déjà moribond. Le gouverneur, qui était gravement blessé au poumon, allait survivre et pouvoir témoigner. À l’hôpital, les médecins de la salle des urgences n° 1 tentèrent désespérément de sauver Kennedy, mais se rendirent rapidement compte de l’inutilité de leurs efforts qui durèrent malgré tout 20 minutes. Vers 13 heures, tout était fini, Kennedy fut déclaré mort." (Wikipedia)

L'agent du Temps revint deux ans plus tard, concluant qu'il n'y avait aucune preuve à l'appui des accusations qui furent formulées -avec plus ou moins de sérieux- contre Lyndon Johnson (le vice-président et successeur de Kennedy), Cuba, l’Union Soviétique, la mafia de Chicago, les anti-castristes, la CIA, le complexe militaro-industriel, l’extrême droite, les juifs, les Illuminati, les riches Texans du Sud, le FBI ou les gauchistes. Mais il a pu conclure que des informations ont effectivement été cachées par la CIA et le FBI et que le président Johnson a effectivement fait pression sur Earl Warren lors de la constitution de la commission que ce dernier a présidé pour éviter que les accusations se dirigent vers le monde communiste (ce qui aurait été dangereux dans le cadre de la Guerre Froide). Mais toute l'information qui a pu être réunie au sujet de Lee Oswald -qui tira depuis la librairie- jette de grands doutes sur la possibilité de ce que l'attaque ait été de sa seule iniciative. Par contre, les informations sur un éventuel second tireur installé à un autre endroit, n'ont aucune base sérieuse (les témoignages et enregistrements sonores ne coïncident pas avec les faits).

L'agent a conclu que le plus probable est effectivement qu'il y a eu conspiration et que Oswald a été "poussé" par des cerveaux qu'il est resté impossible d'identifier. Plusieurs pistes pointent vers la CIA, du fait que les années avant et pendant le mandat de Kennedy sont une des périodes durant laquelle la CIA a produit le plus de «coups tordus» et que l'agence était devenue particulièrement hostile au président depuis la tentative ratée d'intervention de la Baie des Cochons à Cuba. Cette opinion se base sur le fait que Allen Dulles, directeur de la CIA démis par Kennedy, fut membre de la commission Warren, chargée de dilucider officiellement les faits, auquel on peut ajouter les liens de la CIA avec la droite et le complexe militaro-industriel qui souhaitait l'extension du conflit vietnamien (contre l'opinion de Kennedy, qui voulait mettre fin au conflit). La commission Warren peut aussi avoir été pressionnée par John Edgar Hoover, directeur du FBI -dont on connait l'habitude du chantage-, ou en avoir reçu des information distorsionnées. Il est plus que clair que l'assassinat d'Oswald ne s'explique vraiment que dans cette perspective.

10/07/2012

Agence du Temps 4.2


Le document attribué au CERN poursuivait:

         6. Projets pour le XX° Siècle

N'ayant pas identifié, pour le moment, d'autres possibles acteurs-historiens du passé, on décida d'élaborer un plan pour envoyer des agents dans une époque plus proche. Il y eut de nombreuses propositions et l'on retint, entr'elles, pour le XX° Siècle, le cas de l'assassinat du président J-F.Kennedy en 1963, jamais totalement éclairci par les historiens, la naissance de Silicon Valley et des grandes entreprises de logiciels, et l'étrange naissance de la World Wide Web au sein du CERN lui-même. Ces trois cas furent exposés avec précision et furent fixés dans l'agenda. Un historien belge parla aussi d'un fait étrange de la fin de la II° Guerre Mondiale dans son pays, mais l'on manquait de détails pour savoir comment opérer et on le chargea de mieux étudier le cas pour pouvoir ensuite présenter un projet plus précis. On pensa passer ensuite su XIX° Siècle, pour explorer les grands avancements scientifiques et techniques de ce siècle, et passer ensuite au XVIII°.

Ce fut ainsi que nous avons envoyé cette année un premier agent, pour quelques semaines, au CERN de 1990 et, quand il revint, une fois évaluée l'expérience, aux États-Unis de 1963 puis en 1970. A un autre, nous l'avons envoyé en Belgique quelques décades plus tôt pour assurer la protection du roi Léopold durante la Seconde Guerre Mondiale.

Ce qui arriva au CERN en 1990 nous démontra que de petits progrès historiques provoqués par nos agents sont possibles. Nos historiens, en effet, nous avaient signalé ce qu'avait d'étrange la naissance de la World Wide Web au sein du CERN. Le Centre n'avait rien à voir avec le développement des réseaux informatiques ou des applications requises, sauf celles nécessaires pour le fonctionnement et contrôle de son propre équipement d'analyse des expériences de physique atomique. La web aurait dû naître aux États-Unis, où le concept d'hypertexte avait été inventé par Théodore Nelson en 1981, lui-même basé sur le concept de "memex" conçu par Vanevar Bush en 1945. A la fin de la décade de 1980, le réseau Bitnet y était développé et plusieurs programmeurs américains créaient un système nommé Gopher pour la transmission publique de textes, une espèce de web limitée au texte.

A ce moment, le CERN commençait à planifier un des projets scientifiques les plus ambitieux: le collisionneur de particules LHC. Et les physiciens participant à ce projet, tant du CERN comme de diverses universités de plusieurs pays, avaient un besoin urgent d'établir un système efficace pour partager l'information. La clé s'en trouva dans la proposition de Berners-Lee: l'hypertexte transmis sur réseau numérique, instrument génial qui nous permet de "cliquer" sur une information qui nous intéresse pour avancer dans une autre direction où nous pouvons trouver plus de données et d'autres liens pour continuer à "naviguer" et accéder à d'autres informations. Berners-Lee pensa d'abord appeler cela "maille d'information" ("infomation mesh") ou "mine d'information" ("mine of information"). Un an a dû passer pour qu'en 1990 il lui donna le nom de World Wide Web (WWW). Il semble clair que Berners-Lee ne connaissait pas le projet Gopher, mais utilisait déjà le réseau numérique pour communiquer avec ses collègues, connaissant donc ses limitations et son potentiel. Mais qu'est-ce qui le poussa à penser à l'hypertexte? Comment sut-il de l'idée de Théodore Nelson, que personne -jusqu'alors- n'avait exploitée? Et pourquoi chercha-t'il un programmeur belge pour créer le lenguage spécial requis pour produire et transmettre les hypertextes? Nous avons donc envoyé un de nos ingénieurs à l'année 1989, pour rencontrer Berners-Lee.

Selon ce qu'il nous raconta au retour, il lui avait demandé s'il connaissait Théodore Nelson, obtenant une réponse négative. Berners-Lee lui demanda alors qui c'était et l'agent, sans y penser, lui parla de l'hypertexte. Ainsi, l'invention de la WWW fut le résultat d'un paradoxe du voyage dans le temps: le futur conformant le passé.

A la fin de l'année, après le retour de cet agent, nous l'avons envoyé aux États-unis de 1970. C'est le projet de plus longue haleine, car il devrait prendre dix ans, pour étudier l'essort de l'industrie des ordinateurs, jusqu'à la naissances des PC. Il nous faudra donc attendre autant d'années pour avoir son rapport.

03/07/2012

Agence du Temps 4.1


Chapitre 4. Voyages dans le temps

Le détective reprit sa lecture, se demandant de nouveau si ce qu'il lisait était un roman inventé par Gossin.

Décembre 2242

D'accord avec la proposition contenue dans le projet de Section Historique approuvé initialement, on contacta l'historien Gilles de Rais et on lui expliqua le projet. Il s'enthousiasma au point de ne pas douter de s'embarquer malgré qu'on l'avertit de ce que, à cette distance, on ne pouvait lui assurer le retour. Personne, en effet, ne pouvait jurer que le CERN ou l'Agence du temps existerait encore au XXXI° Siècle, pour assurer son retour. Il avait étudié les aventures de son possible ancêtre ainsi que l'histoire et le mode de vie de l'époque. On lui confectionna donc une tenue en accord avec cette époque, on calibra le collisioneur et on l'envoya à l'année 1430, l'année antérieure à l'exécution de Jeanne d'Arc, pour qu'il aie le temps de s'insérer, chercher un éventuel parent et étudier la meilleure façon d'intervenir, si c'était possible.

Après plusieurs années d'opérations de voyages dans le temps, de Rais n'était pas revenu et l'on fut sûr qu'il ne reviendrait point. De fait, l'Histoire rapporte que Gilles de Rais, après avoir raté sa tentative de sauvetage, était devenu fou et se transforma en un bandit redouté. Sans doute la folie aura-t'elle été le résultat de ne pouvoir revenir à son siècle originel.

*
Ici, Trompel, qui lisait ces extraits, se souvint de l'épisode des "Courbes du Temps" qui racontait exactement comment l'agent Gilles de Rais avait voyagé dans le passé mais était arrivé trop tard pour sauver la Pucelle. Mais, dans la série télévisée, il retournait à l'Agence du Temps et se défendait en disant qu'il s'était retardé parce qu'on ne lui avait pas permis d'emporter sa montre.

*
Une fois parti Gilles de Rais, on prit contact avec un second candidat, Gidéon Sauvenier, mais il fut plus difficile de le convaincre. Il était fort intéressé par la bataille de Yorktown parce qu l'histoire incluait le mystère de l'avis qui permit à La Fayette de savoir que Lord Cornwallis avait pris position à Yorktown, alors qu'on pensait qu'il était encore dans les colonies du sud. Et aussi, il était intrigué du fait qu'on ne savait rien de son ancêtre après la bataille, malgré qu'on était sûr qu'il n'était pas entre les victimes.

Ainsi, il finit par partir vers l'Amérique de 1780, dans l'armée de La Fayette. En décembre de 2251, il revint de son expérience dans le passé.

*
Venait ensuite une transcription faite par Sauvenier, qui correspondait exactement au premier épisode de la série de télévision que Trompel avait vu sur RTBF.

26/06/2012

Agence du Temps 3.4


Le document poursuivait:

    5. Mise en route

Considérant que, comme déjà signalé, les objectifs historiques ne s'inscrivent pas dans les fonctions normales du CERN, l'UE suggéra la création d'une Sous-agence Historique qui pourrait s'installer dans l'Agence du Temps. Cette Agence, en effet, aussi née à partir des recherches du CERN et installée sur le même site de Meyrin, a les meilleurs experts en théorie du chaos et ses applications, et a une section historique qui offre leurs bases aux mathématiciens, avec des données accumulées depuis le XIX° Siècle sur les variations du climat, que les historiens relient à d'autres phénomènes. Comme on sait, depuis la fin du XIX° Siècle nous comptons avec d'excellents pronostics, grâce à l'application de la mathématique du chaos en météorologie. Et il y a presqu'un siècle que nous pouvons incluencer efficacement les phénomènes climatiques en contrôlant quelques unes de ses variables. Créer, dans cette Agence, une nouvelle "section historique" chargée des projets de voyages dans le Temps permettrait d'utiliser non seulement une structure organisative et scientifique adéquate mais aussi de conserver adéquatement le secret pendant le temps nécessaire.

Nous adjoignons en annexe une description de la structure de cette nouvelle Section, proposition de personnel, budget d'installation et d'opération. Les détails techniques sont connus exclusivement des physiciens atomiques.

    [Cette annexe ne fut pas trouvée dans l'appartement de Gossin.]

Une fois créée la Section, elle commença une série de consultations a des historiens, sous des règles strictes de confidentialité, pour spécifier les conditions du "voyage" et les faits ou périodes d'intérêt majeur. Les historiens signalèrent alors qu'il pourrait être extrèmement compliqué de voyager vers le siècle passé et même au XXI° Siècle à cause des importantes mesures de sécurité développées partout et qui se basaient sur des mesures biométriques et électroniques d'identification qui ne s'utilisent plus aujourd'hui. De multiples attentats, au début du XXI° Siècle, avaient mené la plupart des États à créer des registres et systèmes d'identification qui difficultaient énormément les voyages ainsi que l'entrée dans des installations industrielles et scientifiques, et pas seulement dans les sites militaires. Mais les systèmes d'identification plus anciens sont de fabrication facile aujourd'hui et nos agents n'auraient pas de difficultés pour les avoir et voyager vers ces époques antérieures. Nous leur avons donc demandé des propositions pour ces périodes d'avant le XXI° Siècle.

Considérant les hypothèses déjà formulées au sujet de l'intervention dans le passé, les historiens conseillèrent de sélectionner deux types de faits: ceux qui, pour des raisons de mauvaise information historique, seraient d'intérêt particulier pour une observation neutre destinée uniquement à améliorer la connaissance historique, et ceux qui pourraient servir d'expérience d'actions modificatrices à court terme ou qui, même, à la distance, pourraient sembler le fruit d'une intervention de ce type. Cette option surgit parce qu'on trouva deux cas où le nom d'une personne du passé était identique au nom de personnes connues du présent. L'une d'elles était Gilles de Rais, un historien français qui avait un ancêtre du même nom qui apparaissait à la fin de l'histoire de la vie de Jeanne d'Arc: ce de Rais avait préparé une attaque à Rouen avec un contingent de mercenaires pour sauver la Pucelle.
On pensa donc à offrir au Gilles de Rais actuel la possibilité de voyager au XV° Siècle pour vérifier cette histoire ou, même, d'essayer de sauver Jeanne ou retarder son exécution. Peut-être, même, que c'est lui-même le Gilles de Rais de Rouen et du XV° Siècle.

Un autre cas est celui de Gideon Sauvenier, un soldat français qui avait combattu avec Lafayette à la bataille de Yorktown, en 1781, qui décida l'indépendance des États-Unis. Sauvenier était un autre historien français connu. Et, comme de Rais, on pensa à lui proposer le voyage au XVIII° Si}ecle.

Ce furent les deux premier projets qui furent proposés pour la nouvelle "Section Historique". Ils permettraient de vérifier deux hypothèses: la possibilité d'effectuer des changements historiques "légers" (et jusqu'où) et celle de ce qu'un personnage du passé ait été en réalité quelqu'un venu du futur.

*

Arrivé là, Trompel se rendit compte -en lisant ce rapport- que ces deux projets correspondaient aux deux premiers chapitres de la série "Les Courbes du Temps". Le document qu'il lisait avait, donc, été la base du scénario de Gossin. Mais l'avait-il inventé, lui? Était-ce de la pure fiction ou avait-elle une base scientifique?

19/06/2012

Agence du Temps 3.3


Trompel retourna à sa lecture du document trouvé dans l'appartement de Gossin.

3.3. Logique de l'histoire

Si nous intervenons dans le passé, comment pouvons-nous le faire sans changer toute l'histoire? La Théorie du Chaos ne dit-elle pas que le battement d'ailes d'un papillon en Amazonie peut causer un houracan dans les Caraïbes ou un typhon en Mer de Chine? Ceci est en réalité une exagération. Cela pourrait arriver, mais seulement si les conditions initiales sont favorables à ce dénouement. Cela est le principe fondamental de la Théorie du Chaos: tout dépend des conditions initiales. Cela vaut autant pour l'Histoire que pour la météorologie, comme nous le savons aujourd'hui. Avec le climat, nous avons réussi peu à peu à contrôler les conditions initiales, ce qui nous permet de le dominer de mieux en mieux. Mais nous ne pouvons dominer les conditions initiales de l'Histoire. Donc, beaucoup d'actions n'auront aucun effet ni à moyen ni à long terme. Mais d'autres pourraient rencontrer des conditions initales favorables inattendues, méconnues par nous, ce qui est un réel danger. Mais un danger seulement théorique. En réalité, il ne peut arriver auncun effet qui change l'Histoire à long terme. Car, s'il arrive, nous ne serions pas ici, nous ne discuterions pas ce point, nous n'aurions pas de collisioneur et personne ne voyagerait dans le passé pour causer ce changement. Voilà le paradoxe. En réalité, l'Histoire se protège elle-même, au moins dans les macro-processus. Ce que l'Agence étudiera, c'est ce qui arrive dans les micro-processus. Nous ne savons pas si les "défenses" sont les mêmes. Nous savons déjà que nous pouvons aller et revenir, sans conséquences négatives pour le voyageur. Mais que pouvons-nous faire réellement? Seulement observer? Éviter des actes pernicieux ou réduire leurs effets? Accélérer des processus bénéfiques? Voilà les questions qui devront guider nos expériences.

4. Vérifications expérimentales (Conditions de base du voyage)

Alors que les ingénieurs faisaient les calculs et essayaient de déduire comment s'était produit le premier "voyage" et comment le reproduire, nous faisions aussi face à un autre problème: que se passerait-il si le voyageur "aterrissait" dans le passé sous terre, sans espace pour con corps? Il mourrait suffoqué? Nous avons alors cherché dans les archives à quoi correspondait l'endroit où était le bureau du disparu. Et nous avons pu vérifier que, il y a cent ans, il existait là un tunnel et une espèce de grotte et qu'on en avait profité pour installer le bureau de contrôle. Les grottes naturelles vides étaient les meilleurs endroits pour installer des équipement de détection de muons. Et le CERN avait fait une étude géologique de la zone et découvert cette grotte, qui avait au moins cent mille ans d'existence. De plus, elle avait aussi une sortie naturelle, à un kilomètre de distance, seulement couverte en partie par un peu de terre et quelques arbustes, et une petite cheminée qui permettait l'entrée d'air. La sortie serait donc facile à ouvrir si quelqu'un "aterrissait" là. Nous pouvions donc utiliser le bureau comme "chambre de transport" en toute sécurité.

L'arrivée dans le futur pouvait présenter un autre problème: on pouvait assurer l'existence de l'Agence à moyen terme. Mais, peut-être, à un autre moment de l'avenir, elle pourrait ne plus exister. Si le collisioneur ou une autre machine avec les mêmes fonctions n'existait plus, notre agent ne pourrait pas revenir. Avancer dans le passé signifiait donc aussi un risque de ne pouvoir revenir et, de ce fait, nos agents devraient être non seulement des historiens experts dans l'époque visitée mais aussi des volontaires disposés à ne pas revenir.

Pendant que les historiens engagés pour explorer le passé pour y chercher des périodes et faits intéressants pour les projets futurs, nous envoyâmes des volontaires à de courts intervales de distance temporelle pour afiner les procédés et observer les conditions du voyage. Au début, on ne leur permit pas de sortir de la grotte où ils arrivaient dans le passé. Ensuite on leur permit de sortir observer brièvement les environs, puis de s'approcher des anciennes installations du CERN à Meyrin, et enfin d'aller à Genève, mais en évitant tout contact. Des suites des autres activités du CERN, les voyages étaient peu fréquents. Ils ne furent pas plus de cinq au cours de la première année d'expériences.

La première mission d'un peu plus d'extension que nous avons planifiée avec un objectif précis fut l'assistance à l'inauguration de l'Agence du Temps, il y a un siècle. Nous en savions évidemment la date et nous connaissions le programme officiel, mais nous n'avions pas de détails au sujet de l'ouverture au public, de ce qui pouvait être visité et du type d'information qui était donnée. Ce fut ce dont nous avons chargé l'un des nôtres. Nous avions dans notre musée quelques coupe-files utilisés à cette époque et nous lui en avons donné un. Mais notre calcul de projection dans le temps ne fut pas assez précis.

Comme il nous raconta au retour, à la fin du même jour, il était arrivé deux jours après l'inauguration. Il entra comme n'importe quel visiteur et on le fit passer dans la salle où tous pouvaient observer, sur des téléviseurs, les pronostics du temps pour tous les continents, ou bien s'installer dans une station de consultation interactive où l'on pouvait obtenir des informations sur les stations de mesure du climat et voir une description des procédés utilisés. Il voulut alors utiliser son coupe-file pour visiter le reste du bâtiment. Il passa grâce à lui le premier contrôle d'accès mais, en parcourant le couloir principal, il vit -en observant d'autres fonctionnaires- qu'avant d'entrer dans plusieurs dépendances ou de prendre un ascenseur, il fallait approcher un oeil d'un petit appareil. Il ne savait pas ce dont il s'agissait. Il approcha son oeil et, inmédiatement, une alarme sonna et deux gardes s'approchèrent de lui. Ils lui demandèrent son identification et il leur montra son coupe-file. Il le menèrent alors à un petit bureau et passèrent la carte par un autre lecteur, qui la valida à nouveau. On lui demanda alors d'approcher à nouveau son oeil d'un détecteur et l'appareil montra un message d'erreur. On lui dit alors qu'il n'était pas le propriétaire légitime du coupe-file, que son oeil le trahissait. Notre homme ne savait rien sur les mesures de sécurité de cette époque et nos registres ne rapporaient pas l'emploi de lecteurs d'iris. Aujourd'hui on utilise la reconnaissance inmédiate de l'ADN. Il fut remis à la police, accusé de soustraction d'identité. On lui demanda son nom et un document d'identité authentique, mais il ne portait aucun autre document de l'époque et il n'aurait servi de rien de donner un autre nom que celui associé au coupe-file. Il insista donc sur le même nom. On lui photographia l'iris et on prit ses empreintes digitales avec l'intention de rechercher son identité réelle. L'interrogatoire porta sur ses intentions et il expliqua qu'une autorité l'avait chargé de parcourrir l'Agence pour vérifier ses mesures de sécurité. Il donna le nom du premier directeur et on lui dit qu'on allait vérifier. Il fut enfermé, seul, dans le petite salle d'interrogatoire, moment dont il profita pour disparaître en se faisant transporter de retour.

Les calculs et expériences postérieures -qui prirent toute l'année 2240- permirent d'établir les paramètres pour mieux contrôler le flux de muons et déterminer, avec une marge inférieure à une semaine, la date à laquelle on pouvait envoyer le "voyageur". C'est alors que le CERN réalisa le premier rapport qui fut remis confidentiellement aux autorités supérieures de l'Union Européenne. Et ce qui porta à créer la Section Historique de l'Agence du Temps et à rédiger le premier règlement pour les voyages dans le Temps.