30/07/2012

Agence du Temps 5.1


Chapitre 5. Derniers détails

Du texte attribué au CERN:

    Genève, année 2249

Aujourd'hui, le ministre de la Culture russe demanda à parler au chef de l'Agence du Temps après avoir visité les installations officielles de l'Agence. Cette entrevue n'était pas programmée, mais il insista parce que, à ses dires, on ne lui avait pas tout montré. Il assura avoir été chargé d'un message spécial par le président Volponov. On transcrit ici ce qu'il dit et la réponse qu'il reçut, selon l'enregistrement de la conversation:

- Monsieur Benoit, j'ai demandé à visiter l'Agence et on m'a montré une suite de bureaux, mais on me nie l'accès à la Section Historique. On prétende même qu'une telle section n'existe pas. Cependant, le président Volponov m'a expliqué que la dite section -qui n'est effectivement connue que par peu de gens- est en condition de vérifier des faits du passé en envoyant des agents pour en être témoins ou même y intervenir. En ma condition de président de la Fondation Romanoff,je veux vous demander de m'envoyer à la Russie de 1917 pour organiser avec nos partisans les actions nécessaires pour éviter l'assassinat du tsar Nicolaï.
- Monsieur le ministre, je regrette beaucoup d'entendre cela. Je me verrai forcé de présenter une réclamation formelle au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Votre président, en effet, a violé le Traité de l'Agence du Temps, connu seulement par les chefs d'états du G-20, qui les obligeait au secret absolu en relation à la Section Historique, justement pour éviter que se multiplient les demandes comme la vôtre.
- Mais si vous pouvez faire ce que m'a dit le président Volponov, il est de votre obligation d'empêcher les aberrations de l'Histoire, comme l'assassinat du tsar et de sa famille!
- Et qui va juger de ce qui est une aberration historique? Vous? Sans rien savoir des mathématiques historiques ni de physique quantique, vous croyez qu'il est possible d'intervenir et de changer le cours de l'Histoire?
- Allons! Si quelqu'un peut voyager dans le passé, il peut faire ce qui lui plait et aurait le devoir moral d'empêcher les crimes...
- Cela est effectivement ce que nous pensions lorsque nous avons créé l'Agence. Mais l'expérience et les calculs postérieurs ont démontré qu'il est impossible de changer le cours de l'Histoire. Seuls des faits sans importance peuvent être effacés ou provoqués, et des faits à peine un peu plus importants peuvent freiner ou accélérer un petit peu les choses. Quand nous le pouvons, nous tentons de réduire le nombre des victimes innocentes. Mais notre Protocole d'Intervention nous interdit de causer des dommages -pour des raisons éthiques- et les règles même du Temps rendent impossible la réalisation d'actions qui affectent le cours de l'Histoire. Pensez que, si cela était possible, il pourrait y avoir des effets tels que l'Agence pourrait ne pas arriver à exister, pas plus que vous, et donc, ces actions n'auraient pu se produire. L'Histoire se protège elle-même, monsieur Rostov. Vous ne pouvez éviter la mort du tsar!

  La dernière annotation du texte était de 2253:

Comme déjà signalé, Gilles de Rais ne revint pas à la date où nous l'attendions. Plusieurs mois ont passé depuis. Nous doutons qu'il revienne jamais. Il existe maintenant des indices de ce que l'Agence n'existera plus dans huit siècles. Ce fut peut-être réellement lui qui arriva trop tard lors de l'exécution de Jeanne d'Arc, comme l'histoire rend compte.

Depuis un an, en effet, tous les agents que nous avons envoyé à une distance de 400 ou 500 ans sont revenus après quelques minutes, quelle que soit la date projetée. Nous n'en comprenons pas la raison et ils ne peuvent pas l'expliquer: il perçoivent à peine le changement de lieu et reparaissent ici. Le dernier agent qui revint avec de l'information est celui qui a assisté à la bataille de Yorktown, en 1781.

Les ingénieurs ont tout vérifié à plusieurs reprise. Tout fonctionne normalement ici. L'explication pourrait être dans le futur. Comme le retour dépend de l'Agence future, peut-être ont-ils décidé de suspendre le projet. C'est la seule façon possible pour eux de nous en avertir, puisqu'ils ne peuvent pas donner d'informations à nos agents. Ainsi, nous ne pouvons explorer le Temps que jusqu'à la fin du XVIII° Siècle.