Quand Trompel ouvrit le gros texte qu'ils avaient trouvé dans l'appartement de Gossin, il se demanda si ce qu'il lisait était une partie du scénario ou bien un roman de science fiction. Voici le texte.
2240 CERN - Projet de Section Historique - Confidentiel
1. Antécédents
Le 11 septembre 2239 fut mis en marche pour la première fois une nouvelle boucle, plus grande et plus puissante, du grand collisioneur d'hadrons. On avait travaillé plusieurs années pour l'ajouter, dans les immenses souterrains longs de kilomètres qui passaient sous la frontière entre la Suisse et la France. Les nouveaux aimants destinés à profiter de ce circuit étaient à point ainsi que les nouveaux générateurs d'énergie, ce qui permit d'allumer le système, et les particules sous-atomiques commencèrent à circuler. Quand elles furent déviées vers la nouvelle boucle, il y eut un accident. Un flux de muons s'échappa par une tangente et traversa un des petits bureaux de contrôle des aimants. L'ordinateur central détecta la fuite et éteignit le système. On découvrit alors que personne ne répondait dans le bureau proche de la fuite. Le supervisuer qui y fut envoyé ne trouva personne: l'ingénieur qui devait y être pour surveiller le sous-système de détection avait disparu. Il ne pouvait être sorti par ses propres moyens car tous les couloirs étaient surveillés par des caméras, tout comme les bureaux comme le sien. On repassa l'enregistrement correspondant et on le vit disparaître instantanément juste au moment où le flux de muons s'était échappé.
Mais le plus étrange fut qu'il reparut au même endroit deux heures plus tard. Il était complètement confondu. Il déclara qu'il s'était trouvé simultanément cent ans dans le passé et cent ans dans l'avenir. Dans l'un des deux endroits, qui ressemblait à son bureau, on lui dit qu'on l'attendait: ceux qui étaient là savaient qu'il allait apparaître et allaient le faire rentrer à son époque au moyen d'une inversion d'un flux de muons. Celui-çi, quand il s'était produit pour la première fois, l'avait fait voyager dans le temps dans deux directions opposées. Et, du futur, on l'avait renvoyé à son point de départ. Il demanda comment cela se faisait et on lui dit qu'on ne pouvait pas lui donner de détails car il était interdit d'intervenir dans le passé. Nous devrons nous-mêmes le découvrir et ils savaient que nous le fairions parce qu'ils savaient le faire grâce à notre invention. Il dut attendre un peu, pour l'activation, et on le laissa seul dans le bureau. Puis, après un moment, il reparut ici.
Il ajouta que tout, cependant, était un peu confus dans sa tête. Car, en même temps qu'il rencontrait ces personnes qui se disaient du futur, il s'était trouvé dans un tunnel vide, qui semblait récemment creusé. Comme il ne le reconnut pas et qu'il se sentait occupé avec ceux qui parlaient dans le futur, il n'avait pu explorer cela davantage.
Dans les mois suivants, le collisioneur ne s'employa que de la façon habituelle, sans utiliser la nouvelle boucle. Les ingénieurs se penchèrent sur l'étude de toutes les données enregistrées lors de l'expérience qui produisit la fuite. Les experts en physique quantique participèrent à cette analyse et considérèrent le récit du "voyageur", arrivant à la conclusion de ce que le bombardement de muons avait causé la partition des quanta qui formaient son corps, les envoyant dans deux directions opposées -comme on faisait déjà avec des photons- mais au travers du continuum temporel au lieu de l'espace. Ainsi, il eut l'expérience simultanée de deux moments différents, équidistants, dans le passé et l'avenir. Et son esprit, qui était toujours unique, enregistra les deux expériences. Quand les opérateurs du futur produisirent le courant inverse de muons, ils obtinrent la réintégration des quanta et, ainsi, le retour au moment du départ. Cette possibilité était une découverte encore plus grande que celle du voyage inicial et constituait la découverte -sensationelle- du voyage dans le temps et non seulement de sa possibilité.
2. Objectifs du projet
Dans le domaine propre de recherche du CERN, la découverte antérieure obligeait à considérer les objectifs suivants:
1. Développer les mécanismes et procédés qui permettraient d'invertir l'opération d'"envoi" dans la dimension temporelle, pour récupérer le sujet déplacé;
2. Étudier et développer une théorie qui permette d'expliquer de quelle façon le flux de muons affecte la matière ordinaire au niveau quantique et son état temporel.
Dans un autre domaine -qui échappe aux fonctions propres et aux objectifs assignés au CERN depuis sa fondation-, il faudrait considérer que l'équipement pourrait être utilisé pour remplir des fonctions innovatrices en matière de recherche historique. Un premier comité, réuni d'urgence, avec la présence d'historiens hautement qualifiés, a proposé les objectifs suivants dans ce domaine:
3. Sélectionner les dates qui, pour des raisons de manque actuel d'information, seraient d'intérêt spécial pour une observation sur place, dans l'unique d'objet d'améliorer les connaissances historiques, et
4. Étudier aussi les faits qui pourraient servir à une expérience d'action modificatrice à court terme ou qui, à la distance, pourrait paraître comme ayant été le fruit d'une intervention de ce type.
La réalisation d'actions conformes avec ces objectifs resta soumise à la confirmation des bases scientifiques et expérimentales qui confirmeraient la sécurité de telles actions, éléments qui se précisent à continuation.
(Suite du document la semaine prochaine)