Suite du document du CERN: 3. Bases théoriques
3.1 La mathématique du chaos
Il est normal de se demander ce que la mathématique a à voir en même temps avec le climat et avec le voyage dans le temps. C'est bien plus que ce qu'il semble à première vue. Il se fait qu'on a découvert que le temps, ou plutôt l'Histoire, es une fonction presque chaotique ou, comme disent les experts, une fonction "à la frontière du chaos". Elle tend toujours au désordre mais, quand elle est sur le point de tomber dans un désordre complet, comme pour le climat, il y a une sorte de saut et surgit un ordre nouveau. C'est ce qui explique depuis la montée et la chute des civilisations jusqu'aux grandes guerres et révolutions. La première hypothèse de ce phénomène, confirmée par le calcul il y a déjà une cinquantaine d'années, a été exposée par le sociologue Pitirim Sorokin au XX°Siècle [voir "Society, culture and personality", Ed.Harper & Brothers, Nueva York, 1962]: les cultures se succèdent et passent par trois phases: une première où se développe le sacré et le pouvoir de la religion, mais peu à peu la science gagne en importance et cette culture arrive à son sommet (deuxième étape), pour ensuite donner lieu au développement de la technologie et -avec elle- les facteurs économiques gagnent en importance, remplaçant les valeurs de la religion et réduisant peu à peu l'importance de la science, ce qui mène la culture à la déclinaison et, éventuellement, à sa disparition, remplacée par une autre, qui a commencé un cycle semblable et a acquis une force suffisante pour dominer l'antérieure. Ainsi se forment des vagues qui se succèdent les une aux autres.
Mais depuis lors, et grâce à la mathématique du chaos, nous avons appris que ce même phénomène arrive aussi à une échelle plus réduite: toute grande vague est le produit de successives vagues mineures qui se succèdent tant dans une même zone ou se forment en parallèle dans des zones voisines. Ce sont comme les bulles qui forment les bords du fameux Ensemble de Mandelbrot, la première démonstration graphique de la reproduction de l'ordre dans un ensemble qui parait chaotique.
3.2. Physique quantique
Seule la physique quantique permet d'expliquer comment il est possible de voyager vers le passé et l'avenir en même temps, bien que nous ne disposons pas encore d'une explication pour l'effet des muons -ou un autre élément que nous ne connaissons pas- scindent et déplacent ainsi les quantons qui se trouvent sur leur chemin. Les muons sont des particules cosmiques minuscules capables de traverser la matière sans y laisser de trace ni rien détruire, et si rares que -selon la théorie- il n'en passe qu'une par centimètre carré y par mille ans. En quoi et comment elles peuvent affecter les quantons de la matière commune à plus grande concentration, nous ne le savons pas.
Mais, comme nous avons découvert expérimentalement, lorsque nous envoyons un homme vers le passé avec le producteur de muons, il se créent deux versions en mirroir des quantons dont il est formé au niveau sous-atomique: alors que l'une va vers le passé, l'autre voyage la même quantité d'années vers l'avenir. L'expérience montre que la copie qui commende le retour est l'image future, car c'est là qu'on dispose du collisioneur avec inversion de flux ou un appareil amélioré qui accomplit la même fonction. L'homme du passé ne peut revenir de lui-même: il n'a pas de machine pour cela. Mais, en réalité, il n'en a pas besoin. Comme le flux de muons inverti va dans les deux directions, il est réintégré en totalité dans le présent, d'accord avec la théoie quantique.
Cependant, c'est la mission dans le passé qui importe. L'agent de l'avenir ne peut rien faire d'autre qu'attendre le moment du retour. Comme il participe pleinement de l'information que domine sa copie dans le passé, grâce à l'enlacement quantique, c'est celle-çi qui demande l'activation du retour. Tout ce que sait l'un, le sait l'autre, instantanément. Malgré cela, comme nous l'avons vérifié, il ne peut rien nous ramener de l'avenir car, sans doute, au retour, l'avenir n'existe pas encore. Il n'y a rien à raconter; les éventuels souvenirs s'évanouissent à l'instant, sauf l'effet de dédoublement. Et nous ne connaissons le procédé de retour que de façon théorique, parce que le voyageur revient effectivement. Le jour où l'agent ne reviendra pas, cela signifiera qu'il n'y a plus de machine ou qu'on l'a tué dans l'avenir, chose qu'avec beaucoup de chance on pourrait peut-être vérifier en étudiant le passé, si son existence -et sa disparition- a été enregistrée en ce temps. Nous n'attendons aucune mort dans le passé car, sauf accident imprévisible, il pourrait toujours ordonner son retour.
*
Arrivé ici, Trompel arrêta sa lecture. Comme journaliste qu'il avait été avant d'entrer à la police, il avait couvert quelques nouvelles scientifiques, mais il se déclarait totalement ignorant en matière de physique quantique. Il savait seulement que celle-çi s'éloignait considérablement de la physique classique et qu'il n'était pas facile de la comprendre. Ce qu'il lisait pouvait être réel ou bien il s'agissait d'une invention imaginaire? Il aurait aimé de le savoir et, pour cette raison, il décida de faire une petite promenade à la plus grande librairie de Bruxelles, la FNAC, au centre commercial City2. Il pensait qu'il y trouverait peut-être un livre de vulgarisation. Sinon, il devrait aller à la Bibliothèque Nationale, où il craignait ne trouver que des oeuvres pour experts.
A la FNAC, au dernier étage du City2, il se rendit au rayon des sciences, cherchant les livres de physique. Il trouva plusieurs titres qui traitaient de quantique et se demanda lequel serait suffisemment simple pour qu'un policier-journaliste comme lui puisse le comprendre. Il commençait à regarder le contenu des livres, l'un après l'autre, quand une femme s'approcha de lui et le questionna:
- Interessé par la physique quantique?
- Seulement désireux d'éclairer quelques concepts!
- Si vous n'êtes pas physicien ou expert en mathématiques, vous n'avez pas beaucoup de choix.
- Je ne suis ni l'un ni l'autre. Je suis journaliste et plutôt consacré à la chronique rouge actuellement. (Il préférait éviter de se présenter comme policier quand cela n'était pas nécessaire, pour établir de meilleures relations).
- Alors votre intérêt pour la physique quantique me semble un peu bizarre. Vous avez vu un mort qui pourrait avoir été assassiné par un quanton perdu?
- Dit comme cela, cela parait une blague. Mais, effectivement, j'étudie un cas où la victime semble avoir une relation avec des recherches en physique quantique, une discipline de laquelle je ne sais rien mais qui pourrait jouer un rôle important dans cette affaire. Vous vous y entendez, vous?
- Je suis des cours de licence en physique et, bien que les postulats de la quantique semblent incroyables, oui, je crois y comprendre quelque chose.
- Et vous pouvez me recommender un livre?
- Je n'en vois qu'un. L'ABC pour tous les amateurs: "Le cantique des quantiques". Il est dans ce rayon. Je crois que vous le comprendrez ou, au moins, vous saurez ce que nous croyons comprendre. Est-ce que vous êtes intéressé par la disparition du scénariste des "Courbes du Temps", par hasard?
- Qu'est-ce qui vous fait croire cela?
- A ce que je sais, c'est le seul cas actuel de connotation publique qui pourrait intéresser un journaliste et qui a quelque chose à voir avec la quantique. Tout ne se base pas sur le voyage dans le temps et une explication quantique assez douteuse de ce dernier?
- Vous donnez dans le mille. Mais je ne sais pas si la quantique n'est qu'un argument fictif de la série ou s'il y a d'autres implications. J'espère que le livre m'apporte quelques lumières.
- S'il ne le fait pas, je pourrais peut-être vous aider. Il pourrait vous être plus utile de poser des questions et qu'un expert vous réponde. Mon nom est Irène Moulins.
- Merci, mademoiselle. Mais je crois que je dois d'abord lire ce livre, pour savoir quelles questions poser.
- Alors, annotez mon téléphone. Vous pouvez m'appeler quand vous voudrez, de préférence après 7 heures du soir, en tous cas, sans quoi je pourrais être en classe... ou visitant une librairie.
Elle lui dicta son numéro, puis ils se séparèrent. Trompel porta le livre à la caisse et le paya. Ensuite, il s'en fut à son bureau. Bien qu'il comprit un peu plus de quoi il s'agissait et, surtout, ce que la quantique avait d'étrange, il ne comprit pas du tout pourquoi cette physique pouvait être la base de la "réversibilité du temps" qui, comme il put lire, avait été proposée déjà en 1947 par Oliver Costa de Beauregard, bien que Luis de Broglie la qualifia inmédiatement d'"insensée".