20 décembre
Ramené sans le savoir à sa chambre, Kaminsky rêvait qu'il navigait sur le Nil dans un bâteau égyptien. Les égyptiens avaient été de grands constructeurs de navires, non seulement pour se déplacer sur le Nil, mais aussi à la Méditerranée et la Mer Rouge. Le bateau de Kaminsky était grand et luxueux. Il avait de nombreux rameurs pour propulser l'embarcation en cas de manque de vent, lequel, en ce moment, gonflait la grande voile. A la proue, il y avait une grande tête d'Osiris tallée et recouverte de feuilles d'or. Au centre du pont, il y avait une chambre faite de cèdre, richement décorée avec des figures des principaux dieux, le cartouche avec le nom du pharaon et des guirlandes de fleurs de nénuphars. Des deux côtés du fleuve, on voyait la riche terre cultivée, au delà de laquelle s'étendait le désert.
Les marins amenèrent la voile et le bâteau s'approcha lentement de la côte où il aborda un môle de pierre duquel partait un chemin empierré qui traversait un bosquet d'eucalyptus. Plus loin, on arrivait à voir les murs d'un temple. Sur la rive, il y avait un détachement de soldats armés d'épées, de boucliers et de lances ou d'arcs et flèches. Et derrière eux, il y avait un groupe de prêtres, avec le crâne rasé et des tuniques blanches. Quand le navire fut arrêté, le pharaon en personne sortit de la chambre. Il portait la couronne blanche de la Haute Egypte et le sceptre d'or avec la tête de Seth. Les prêtres de la rive entonèrent un hymne: "Quand apparaît le pharaon, apparaît Amon-Râ, qui illumine le ciel. Son bras est puissant pour gouverner, ses pas sont heureux et sa sagesse guide son peuple." Le grand prêtre du temple local s'approcha entre les soldats et se prosterna devant le roi, qui descendait la passerelle.
- Bienvenu à Abydos, majesté. Le temple vous attend pour célébrer les rites sacrés de la renaissance d'Osiris.
Abydos: là, derrière le grand temple de Séti Iº que l'on voyait à la distance, était le temple sacré avec la tombe d'Osiris! Et on allait célébrer les fêtes du solstice, auxquelles il désirait tant assister. Le coeur de Kaminsky s'enfla d'allégresse mais fut aussi envahi d'angoisse: serait-il considéré digne d'assister à ces cérémonies?
Il y pensait encore quand il se réveilla et se rendit compte qu'il avait rêvé. Et qu'on l'avait ramené à sa cellule. La lumière du jour entrait déjà par la fenêtre, mais le ciel était couvert et il commençait à neiger légèrement. Il se leva et passa à la salle de bain. Il terminait ses ablutions matinales quand il entendit que l'on frappait à la porte et qu'ensuite l'ouvrait le majordome.
- Je suis heureux de voir que vous êtes déjà levé, professeur. J'espère que vous avec bien dormi. Je viens vous avertir que le petit-déjeûné sera servi dans une demi-heure. Je viendrai vous chercher pour vous conduire à la salle-à-manger. Après, monsieur le duc vous montrera le palais et vous pourrez vous y déplacer librement. A bientôt!
Kaminsky se souvint alors des événements de la nuit passée. Avait-il approuvé l'examen? Il semblait bien en être ainsi. Mais son évanouissement lui laissait un doute. S'était-il passé tout ce qui devait se passer? Ou restait-il encore une autre étape du rite d'initiation? Il connaissait des rituels qui pouvaient durer vingt-quatre heures ou même plusieurs jours. Le sien, évidemment, ne pouvait pas durer si longtemps s'il devait participer au rite de la nuit du solstice, ce même soir. Bien: il le saurait au petit-déjeûner.
Le majordome revint comme annoncé et le guida ensuite en-bas et vers l'aile droite du palais, où il l'introduisit dans la grande salle-à-manger. Son plafond était couvert de moulures qui le divisaient en nombreux carrés alors que les murs étaient couverts d'anciennes tapisseries représentant des scènes médiévales. Rien ne rappelait là l'iconographie égyptienne. Au moins pour les non-initiés. Parce que, sur le mur du fond, derrière la tête de table, il y avait un énorme cadre représentant une madonne avec un enfant. Une figure typique de Marie avec Jésus pour les chrétiens. Mais aussi d'Isis avec le petit Horus, pour ceux qui connaissaient la symbolique égyptienne. Même l'auréole de Marie, utilisée aussi pour les saints, était une adaptation du disque solaire, le dieu Râ, qu'Isis portait aussi sur la tête dans de multiples peintures murales des tombes et des palais.
Au centre de la salle, il y avait une table où étaient déjà assises les treize personnes qui, sans aucun doute, avaient été ses compagnons la nuit antérieure. A la tête de la table était assis un homme maigre et de petite taille: le duc d'Osernj. Quand Kaminsky entra, il se leva, s'approcha et lui donna une forte poignée de main.
- Bienvenu, docteur! Vous avez parfaitement rempli votre rôle hier soir. Maintenant, vous êtes l'un des nôtres. Mais je dois vous avertir que vous ne recevez que la condition de néophyte. Vous serez à l'épreuve pour trois ans. Si vous assumez correctement vos nouvelles obligations pendant cette période, vous deviendrez membre à part entière de notre société. Vous connaissez sûrement la plupart des compagnons présents. Approchez-vous et prenez place.
Par sa voix et sa taille, Kaminsky reconnut que le duc était le dieu Ptah de la nuit passée. Il vit que les autres étaient en majorité des collègues égyptologues ou conservateurs de musées fameux. Il demanda:
- Alors mon évanouissement ne fut pas un contre-temps? Je suis réellement arrivé au bout de l'épreuve?
- Tout s'est passé comme il était prévu, professeur. Vous ne pouviez pas savoir plus de ce qui allait se passer ce soir. Le liquide que vous avez bu vous a narcotisé et nous vous avons reconduit à votre chambre.
Ramené sans le savoir à sa chambre, Kaminsky rêvait qu'il navigait sur le Nil dans un bâteau égyptien. Les égyptiens avaient été de grands constructeurs de navires, non seulement pour se déplacer sur le Nil, mais aussi à la Méditerranée et la Mer Rouge. Le bateau de Kaminsky était grand et luxueux. Il avait de nombreux rameurs pour propulser l'embarcation en cas de manque de vent, lequel, en ce moment, gonflait la grande voile. A la proue, il y avait une grande tête d'Osiris tallée et recouverte de feuilles d'or. Au centre du pont, il y avait une chambre faite de cèdre, richement décorée avec des figures des principaux dieux, le cartouche avec le nom du pharaon et des guirlandes de fleurs de nénuphars. Des deux côtés du fleuve, on voyait la riche terre cultivée, au delà de laquelle s'étendait le désert.
Les marins amenèrent la voile et le bâteau s'approcha lentement de la côte où il aborda un môle de pierre duquel partait un chemin empierré qui traversait un bosquet d'eucalyptus. Plus loin, on arrivait à voir les murs d'un temple. Sur la rive, il y avait un détachement de soldats armés d'épées, de boucliers et de lances ou d'arcs et flèches. Et derrière eux, il y avait un groupe de prêtres, avec le crâne rasé et des tuniques blanches. Quand le navire fut arrêté, le pharaon en personne sortit de la chambre. Il portait la couronne blanche de la Haute Egypte et le sceptre d'or avec la tête de Seth. Les prêtres de la rive entonèrent un hymne: "Quand apparaît le pharaon, apparaît Amon-Râ, qui illumine le ciel. Son bras est puissant pour gouverner, ses pas sont heureux et sa sagesse guide son peuple." Le grand prêtre du temple local s'approcha entre les soldats et se prosterna devant le roi, qui descendait la passerelle.
- Bienvenu à Abydos, majesté. Le temple vous attend pour célébrer les rites sacrés de la renaissance d'Osiris.
Abydos: là, derrière le grand temple de Séti Iº que l'on voyait à la distance, était le temple sacré avec la tombe d'Osiris! Et on allait célébrer les fêtes du solstice, auxquelles il désirait tant assister. Le coeur de Kaminsky s'enfla d'allégresse mais fut aussi envahi d'angoisse: serait-il considéré digne d'assister à ces cérémonies?
Il y pensait encore quand il se réveilla et se rendit compte qu'il avait rêvé. Et qu'on l'avait ramené à sa cellule. La lumière du jour entrait déjà par la fenêtre, mais le ciel était couvert et il commençait à neiger légèrement. Il se leva et passa à la salle de bain. Il terminait ses ablutions matinales quand il entendit que l'on frappait à la porte et qu'ensuite l'ouvrait le majordome.
- Je suis heureux de voir que vous êtes déjà levé, professeur. J'espère que vous avec bien dormi. Je viens vous avertir que le petit-déjeûné sera servi dans une demi-heure. Je viendrai vous chercher pour vous conduire à la salle-à-manger. Après, monsieur le duc vous montrera le palais et vous pourrez vous y déplacer librement. A bientôt!
Kaminsky se souvint alors des événements de la nuit passée. Avait-il approuvé l'examen? Il semblait bien en être ainsi. Mais son évanouissement lui laissait un doute. S'était-il passé tout ce qui devait se passer? Ou restait-il encore une autre étape du rite d'initiation? Il connaissait des rituels qui pouvaient durer vingt-quatre heures ou même plusieurs jours. Le sien, évidemment, ne pouvait pas durer si longtemps s'il devait participer au rite de la nuit du solstice, ce même soir. Bien: il le saurait au petit-déjeûner.
Le majordome revint comme annoncé et le guida ensuite en-bas et vers l'aile droite du palais, où il l'introduisit dans la grande salle-à-manger. Son plafond était couvert de moulures qui le divisaient en nombreux carrés alors que les murs étaient couverts d'anciennes tapisseries représentant des scènes médiévales. Rien ne rappelait là l'iconographie égyptienne. Au moins pour les non-initiés. Parce que, sur le mur du fond, derrière la tête de table, il y avait un énorme cadre représentant une madonne avec un enfant. Une figure typique de Marie avec Jésus pour les chrétiens. Mais aussi d'Isis avec le petit Horus, pour ceux qui connaissaient la symbolique égyptienne. Même l'auréole de Marie, utilisée aussi pour les saints, était une adaptation du disque solaire, le dieu Râ, qu'Isis portait aussi sur la tête dans de multiples peintures murales des tombes et des palais.
Au centre de la salle, il y avait une table où étaient déjà assises les treize personnes qui, sans aucun doute, avaient été ses compagnons la nuit antérieure. A la tête de la table était assis un homme maigre et de petite taille: le duc d'Osernj. Quand Kaminsky entra, il se leva, s'approcha et lui donna une forte poignée de main.
- Bienvenu, docteur! Vous avez parfaitement rempli votre rôle hier soir. Maintenant, vous êtes l'un des nôtres. Mais je dois vous avertir que vous ne recevez que la condition de néophyte. Vous serez à l'épreuve pour trois ans. Si vous assumez correctement vos nouvelles obligations pendant cette période, vous deviendrez membre à part entière de notre société. Vous connaissez sûrement la plupart des compagnons présents. Approchez-vous et prenez place.
Par sa voix et sa taille, Kaminsky reconnut que le duc était le dieu Ptah de la nuit passée. Il vit que les autres étaient en majorité des collègues égyptologues ou conservateurs de musées fameux. Il demanda:
- Alors mon évanouissement ne fut pas un contre-temps? Je suis réellement arrivé au bout de l'épreuve?
- Tout s'est passé comme il était prévu, professeur. Vous ne pouviez pas savoir plus de ce qui allait se passer ce soir. Le liquide que vous avez bu vous a narcotisé et nous vous avons reconduit à votre chambre.