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Le majordome se retira. Le professeur entendit un petit 'clic' quand ce dernier ferma la porte de la chambre. Il s'approcha d'elle et tenta de l'ouvrir en douceur. Impossible. Il était enfermé. Jusqu'à l'heure de la première épreuve, sans doute. Il alla donc dans la salle de bain pour se rafraîchir. Puis il revint observer la peinture. Il ne se souvenait pas de l'avoir jamais vue, mais le thème et la posture lui étaient bien connus. Il y avait de nombreuses statues d'Isis avec Horus-enfant sur les genoux. Et aussi des bas-reliefs équivalents dans de nombreux temples. Mais il ne conaissait pas la figure polychromée plane qu'il voyait là. Peut-être provenait-elle d'une tombe fermée au public que les membres de la Société de l'Oeil d'Horus connaissaient. Il se rappela la description de ce genre d'effigie qu'avait fait un couple d'historiens catalans:
- "Jesus de Nazareth n'était ni le premier ni le seul enfant de l'histoire à être né d'une mère vierge ou à avoir été vénéré dans son berceau par de vénérables sages. Avant lui, auprès du Nil, le dieu égyptien Osiris avait joui des même privilèges. Aprés avoir y a avoir plongé et avoir comparé les sources originales dans lesquelles confluent la tradition égyptienne et la chrétienne, nous arrivos à une conclusion impactante: que les chrétiens modernes, sans le savoir, continuent à professer une relgion que l'on croyait éteinte il y a deux mille ans". [Claude et Brigitte Carcenac Pujol: "Jesús, 3000 años antes de Cristo", ed. Grijalbo]
Ce texte, il est clair, parlait d'Osiris, fils de Nut, la déesse des espaces célestes et fille du soleil, qui l'engendra étant vierge grâce à un piège de Thot. Mais l'iconographie égyptienne commune, si semblable à la chrétienne, se référait à Isis avec Horus. Et Isis avait conçu son fils par miracle, après la mort de son mari Osiris, comme si c'était une répétition de la naissance de ce dernier.
Kaminsky s'approcha alors du lutrin et ouvrit le grand livre. Il s'était rendu compte tout de suite qu'il s'agissait d'un produit moderne. Les égyptiens ne connaissaient pas les livres. Mais celui-çi ne contenait pas non plus de reproductions de papyrus: il reconnut des photos des fameux "Textes des Pyramides". Ces textes sont un répertoire des croyances religieuses et cosmologiques les plus anciennes, de conjurations, d'enchantements et de prières qui devaient se réciter lors de cérémonies funéraires. Il y avait aussi des extraits des théories sur la création et fragments de récits des luttes entre Horus et Seth, entre autres mythes. Il y avait de plus des reproductions de bas-reliefs de couloirs, antichambres et chambres de tombes de l'Ancien Empire, relatives aux rites de résurrection destinés à assurer la vie éternelle au pharaon.
L'égyptologue eut beaucoup de plaisir à lire les prières destinées à permettre au pharaon d'atteindre l'"Au-Delà", comme une étoile, et de se transfigurer en être divin. Le temps passa et, alors qu'il lisait, il sentit qu'on ouvrait la porte et se retourna. C'était le majordome qui apportait un plateau.
- Je vous apporte un petit repas -lui dit-il-. La nuit va être longue et j'ai bien peur que vous ne pourrez pas dîner avec les autres invités. Vous n'avez pas encore été accepté dans la société. Après votre repas, je reviendrai vous chercher et je vous conduirai à votre première rencontre. Bon appétit!
Et l'homme se retira, fermant de nouveau la porte à clé. Kaminsky s'assit pour manger. Le repas était assez abondant. Tout au moins on ne pensait pas le laisser mourir de faim, pensa-t'il. Après s'être restauré, il décida d'améliorer son aspect. Il sortit de sa valise son meilleur costume et sa toge de docteur, qu'il avait emportés pour l'occasion, et les revêtit. Quelques minutes plus tard, le majordome revint et le pria de le suivre. Ils descendirent le grand escalier et en firent le tour, pour pénétrer dans une petite pièce cachée derrière. L'empoyé le fit entrer et se retira.
Trois personnes l'attendaient, les trois vêtus d'une tunique blanche attachée avec un Oeil d'Horus. Et la face cachée par un masque d'or. Celui qui était au centre était de petite stature et enveloppé dans un suaire duquel sortaient ses mains. Dans celles-çi, il portait un sceptre composé d'un pilier traversé de barres et couronné d'une ankh ou croix hansée. Ce sceptre était le symbole de la végétation et de la fertilité, de la stabilité et de la vie. Et l'homme qui le portait représentait le dieu égyptien Ptah, le créateur.
Celui qui était à sa droite avait aspect de femme, avec un masque surmonté d'un petit trône et les bras ornés de plumes, formant des ailes. C'était la figure de la déesse Isis, l'épouse d'Osiris qui, en récupérant les morceaux du corps de son époux, avait permis sa résurrection. Elle représentait aussi la maternité vu qu'elle engendra Horus, fils posthume d'Osiris.
A la gauche de Ptah il y avait un homme avec tête d'ibis. C'était Thot, le seigneur de l'écriture sacrée, de la langue et des textes conservés dans les temples. Ptah se dirigea à Kaminsky:
- Pour être admis entre nous et participer aux festivités, vous devez démontrer votre connaissance du culte ancestral. Vous pouvez renoncer à n'importe quel moment avant le serment final et retourner à Prague. Si vous ne connaissez pas la réponse à l'une des questions, vous devrez aussi vous en retourner et vous ne serez plus jamais reçu dans la forteresse. Est-ce compris?
- C'est compris.
- Que faut-il connaître?.
- L'irradiation de la lumière divine.
- Qu'est-ce qu'elle vous enseigne?
- Les formules de la transformation.
- Où vous conduisent-elles?
- Vers les portes de l'au-delà et les chemins qu'utilise le grand dieu.
- Quelle langue parle t'il?
- Celle des âmes-oiseau.
- Qui écoute ces mots?
- L'équipe de la barque divine.
- Êtes-vous préparé?
- Je manie la palette du scribe.
- Personne n'entre dans la Maison Sacrée s'il ne ressemble au soleil d'orient comme Osiris. Désirez-vous connaître son feu et risquer d'être brûlé?
- Je le désire.
- Comment s'appelle Osiris?
- Le lieu de la création, l'accomplissement du rituel et le siège de l'oeil.
[Dialogue extrait en partie de "Les mystères d'Osiris, IV" de Ch.Jacq. Quelques unes des formules qui suivent ont aussi été reprises de son roman "La pierre de lumière".]
Isis et Thot lui mirent alors au front une fine bande, lui enlevèrent ses vêtements et le revêtirent d'une tunique blanche comme la leur. Puis ils proclmèrent ensemble:
- Tu es maintenant un successeur des maîtres. Tu dois les vénérer et poursuivre leur oeuvre. Suis-nous.
Les trois se retournèrent alors, prirent une torche et sortirent par une petite porte qui était derrière eux. Kaminsky les suivit. Ils sortirent ainsi du palais et avancèrent dans l'obscurité, le chemin à peine illuminé par les torches, vers un édifice qui devait être le temple égyptien.