26/05/2009

Les yeux d'Horus 5.4.

Il y avait six personnes que le nouvel initié ne connaissait pas ou avait vu seulement sur des photos de presse, et qui cachaient sans doute leur passion pour l'Egypte. Il salua tout le monde et les inconnus se présentèrent. Il y avait là Jack Doorman, le millardaire propriétaire d'une importante multinationale d'informatique, Kurt Kaufman, un entrepreneur allemand et collectionneur d'art, Ali Al Kabir, un cheik arabe propriétaire de nombreux puits de pétrole, Piet Vermeer, un diamantaire de la ville du Cap, Oscar Véliz, un commerçant mexicain expert en Mayas, et Jane Wilson, une avocate d'un fameux buffet newyorkais, la seule femme du groupe. Un dernier invité ne donna que son nom, sans parler de sa fonction: Vladimir Yerkov. Sans doute un russe nouveau riche qui désirait garder à tout prix son anonymat et sa spécialité.

Quand il commencèrent à manger, le duc se dirigea à Kaminsky:
- Pourquoi avez-vous posé des questions sur Robertson et Armentini hier soir, docteur?
- En partant de Bruxelles, j'ai appris par la presse la mort de Robertson, noyé dans un étang à l'est de cette ville. La police doutait d'un suicide vu le manque de profondeur de l'eau. Et quelques jours après, j'ai appris l'assassinat d'Armentini, le conservateur du musée égyptien de Turin. Robertson avait assisté à notre congrès; Armentini n'y était pas allé, mais on a volé de son bureau un papyrus avec le Livre des Morts. Dans les deux cas il y avait donc un lien avec ce qui nous intéresse. Et je savais aussi que les Yeux d'Horus avaient été retirés de plusieurs musées. Tout semblait donc indiquer qu'il se préparait un événement spécial et assez réservé et aussi que des tueurs étaient en route et pouvaient y être liés.
- Et vous pensiez donc à une conspiration de notre part?
- C'était une possibilité. Evidemment celle qui me plaisait le moins. Mais je ne pouvais l'écarter a priori.
- Avec le peu que vous saviez, vous pouviez avoir raison. Mais je dois vous dire, tout comme hier, que nous n'avons rien à voir avec ces crimes. Il en est plus: Robertson était l'un des nôtres. Si vous êtes ici, c'est justement parce que notre groupe vous a choisi pour le remplacer. Quant aux Yeux d'Horus, c'est vrai que nous les avons obtenus, en prêt, de plusieurs musées. Parce que nous formons la Société de l'Oeil d'Horus et ce symbole est important dans nos cérémonies lesquelles, d'autre part, ne sont pas fréquentes. Comme vous pouvez voir, ceux qui sont chargés par leur fonction de garder ces reliques sont présents ici et assureront leur restitution. Nous ne prétendons réaliser aucun acte illégal. Nous sommes de fidèles serviteurs de Maât.
- Alors, vous n'êtes pas non plus responsables de la disparition de l'Oeil d'Horus du Musée d'Histoire de Bruxelles?
- On a retiré un Oeil de ce musée?
- A ce qu'il semble, le même jour où Robertson a été tué.
- Quelqu'un a dû tenter d'obtenir l'amulette de Robertson. En ne le trouvant pas, il doit avoir eu recours au musée. Vous pouvez avoir raison en ce qui concerne l'existence d'une conspiration. Mais pas de notre part, sinon contre nous. Vous devez savoir que ne manquent pas d'ennemi les sociétés comme la nôtre, en particulier lorsqu'elles pratiquent d'anciennes religions. Beaucoup croient que nous sommes polythéistes quand, en réalité, la religion égyptienne est profondément monothéiste mais, comme vous le savez, elle utilise les mythes et le polymorphisme comme moyen pour enseigner tous les aspects de Dieu et les valeurs qu'Il représente.

Kaminsky pensa alors à Trompel. Le détective devrait réorienter son enquête ou bien, mieux encore, la laisser à la police. Pourvu qu'il ne trouve pas le moyen de s'infilter ce jour, ou cette nuit, dans la forteresse! Il n'y avait aucune raison pour cela, mais il n'y avait pas moyen de l'avertir.

- Vous avez des soupçons plus concrets au sujet de cette conspiration? -demanda-t'il.
- Nous savons qu'une branche de la maffia napolitaine, appelée Il Secolo Nosso, pourrait s'intéreser à la religion égyptienne -répondit le conservateur de Milan-. Il y a déjà quelque temps qu'ils achètent ou volent des objets sacrés de tous les peuples qui ont calculé ou prophétisé un changement d'ère zodiacale pour cette année, comme les mayas, les hopis et les égyptiens. Ils croient probablement que ce changement sera marqué par de grandes catastrophes, en particulier par le feu, en contreposition avec le changement antérieur, qui fut marqué par le déluge universel. Et ils doivent croire qu'en célébrant les rites de ces peuples ils pourront se protéger de la destruction et arriver à être les maîtres d'une nouvelle civilisation. Mais personne ne sait qui en sont les chefs et nous n'avons su cela que par des pistes indirectes et par des faits relatés dans la presse. Sans doute ces délinquants sont-ils responsables des vols et des crimes que vous nous signalez.

Le repas se poursuivit, accompagné de conversations légères entre les assistants. Quand ils terminèrent, le duc s'approcha de nouveau du nouvel arrivé et l'invita à faire le tour du propriétaire. Il lui indiqua qu'il pouvait désormais circuler librement par les zones communes mais qu'il ne pouvait pas sortir sans être accompagné. Il lui explica aussi qu'il trouverait dans le livre qui était dans sa chambre quelques explications au sujet de la Société de l'Oeil d'Horus, son origine et sa finalité. La visite terminée, il lui recommenda de lire ce texte avant le déjeuner, lequel aurait lieu à douze heures trente.

L'égyptologue rentra alors à sa chambre et, comme le lui avait recommendé le duc, chercha les pages consacrées à la Société, qu'il n'avait pas lues la veille. Il sut alors que cette société avait été fondée avant le déluge universel, vers 10.940AC, en ce qui fut l'Atlantide. Ce nom unissait deux racines égyptiennes: l'une signifiait eau et l'autre division ou séparation. Ensemble: "séparée par les eaux". Comme l'avait écrit Platon longtemps après, à partir du récit d'un prêtre égyptien qui appartenait à cette Société, la capitale de l'Atlantide était une ville formée par plusieurs aires concentriques séparées par d'amples canaux. Les prêtres qui formèrent la Société de l'Oeil furent les survivants de la catastrophe qui détruisit Atlantis et qui transmirent leur savoir aux habitants d'Egypte, ce qui fut la base du rapide développement de la civilisation dans cette région. De fait, l'hypothèse de l'existence d'une haute civilisation antérieure au déluge est la seule qui puisse expliquer comment a pu surgir de façon aussi abrupte l'architecture égyptienne, si parfaite, sans qu'il y ait la moindre trace d'une évolution à partir de constructions plus primitives. La Société de l'Oeil se transforma alors en élite, non seulement religieuse, mais aussi sicentifique. C'est elle qui forma les premiers artisans et qui révéla la situation des mines, celle qui avait enseigné le secret de la construction, comme l'espèce de béton utilisé pour mouler les énormes pierres qui formaient les pyramides, les fondations de quelques temples et quelques grandes statues comme les colosses de Mnemnon [démontré récemment par des études chimiques]. C'était aussi celle qui éduquait le pharaon et, après son ascension au trône, conservait le vrai pouvoir, "ombre derrière le trône", sauf dans les périodes obscures où des usurpateurs avaient assumé la dignité suprême.

De tout cela, Kaminsky déduisit que la Société à laquelle il appartenait maintenant ne pouvait être uniquement religieuse et dédiée à un culte antédiluvien. Elle était la gardienne de divers secrets scientifiques et technologiques révélés dans la plus grande antiquité, mais qui n'apparaissaient pas dans le livre. Et elle devrait aussi être une promotrice de la science. Dès lors, il ne s'expliquait pas pourquoi le duc s'opposait à la téléphonie mobile et à l'installation de connexions à Internet. Et semblait difficulter l'installation de professionnels universitaires dans la ville. Il se promit de tenter d'aborder ce sujet avec lui. S'il lui avait conseillé de lire le livre, ce devait être, sans doute, pour s'éviter en partie de devoir lui conter les éléments de base et l'inviter à préparer des questions pour une conversation plus transcendente. Il lui en donnerait peut-être l'occasion plus tard, avant la grande célébration ou après elle, le jour suivant.

19/05/2009

Les yeux d'Horus 5.3.


20 décembre  

Ramené sans le savoir à sa chambre, Kaminsky rêvait qu'il navigait sur le Nil dans un bâteau égyptien. Les égyptiens avaient été de grands constructeurs de navires, non seulement pour se déplacer sur le Nil, mais aussi à la Méditerranée et la Mer Rouge. Le bateau de Kaminsky était grand et luxueux. Il avait de nombreux rameurs pour propulser l'embarcation en cas de manque de vent, lequel, en ce moment, gonflait la grande voile. A la proue, il y avait une grande tête d'Osiris tallée et recouverte de feuilles d'or. Au centre du pont, il y avait une chambre faite de cèdre, richement décorée avec des figures des principaux dieux, le cartouche avec le nom du pharaon et des guirlandes de fleurs de nénuphars. Des deux côtés du fleuve, on voyait la riche terre cultivée, au delà de laquelle s'étendait le désert.

Les marins amenèrent la voile et le bâteau s'approcha lentement de la côte où il aborda un môle de pierre duquel partait un chemin empierré qui traversait un bosquet d'eucalyptus. Plus loin, on arrivait à voir les murs d'un temple. Sur la rive, il y avait un détachement de soldats armés d'épées, de boucliers et de lances ou d'arcs et flèches. Et derrière eux, il y avait un groupe de prêtres, avec le crâne rasé et des tuniques blanches. Quand le navire fut arrêté, le pharaon en personne sortit de la chambre. Il portait la couronne blanche de la Haute Egypte et le sceptre d'or avec la tête de Seth. Les prêtres de la rive entonèrent un hymne: "Quand apparaît le pharaon, apparaît Amon-Râ, qui illumine le ciel. Son bras est puissant pour gouverner, ses pas sont heureux et sa sagesse guide son peuple." Le grand prêtre du temple local s'approcha entre les soldats et se prosterna devant le roi, qui descendait la passerelle.
- Bienvenu à Abydos, majesté. Le temple vous attend pour célébrer les rites sacrés de la renaissance d'Osiris.

Abydos: là, derrière le grand temple de Séti Iº que l'on voyait à la distance, était le temple sacré avec la tombe d'Osiris! Et on allait célébrer les fêtes du solstice, auxquelles il désirait tant assister. Le coeur de Kaminsky s'enfla d'allégresse mais fut aussi envahi d'angoisse: serait-il considéré digne d'assister à ces cérémonies?

Il y pensait encore quand il se réveilla et se rendit compte qu'il avait rêvé. Et qu'on l'avait ramené à sa cellule. La lumière du jour entrait déjà par la fenêtre, mais le ciel était couvert et il commençait à neiger légèrement. Il se leva et passa à la salle de bain. Il terminait ses ablutions matinales quand il entendit que l'on frappait à la porte et qu'ensuite l'ouvrait le majordome.

- Je suis heureux de voir que vous êtes déjà levé, professeur. J'espère que vous avec bien dormi. Je viens vous avertir que le petit-déjeûné sera servi dans une demi-heure. Je viendrai vous chercher pour vous conduire à la salle-à-manger. Après, monsieur le duc vous montrera le palais et vous pourrez vous y déplacer librement. A bientôt!

Kaminsky se souvint alors des événements de la nuit passée. Avait-il approuvé l'examen? Il semblait bien en être ainsi. Mais son évanouissement lui laissait un doute. S'était-il passé tout ce qui devait se passer? Ou restait-il encore une autre étape du rite d'initiation? Il connaissait des rituels qui pouvaient durer vingt-quatre heures ou même plusieurs jours. Le sien, évidemment, ne pouvait pas durer si longtemps s'il devait participer au rite de la nuit du solstice, ce même soir. Bien: il le saurait au petit-déjeûner.

Le majordome revint comme annoncé et le guida ensuite en-bas et vers l'aile droite du palais, où il l'introduisit dans la grande salle-à-manger. Son plafond était couvert de moulures qui le divisaient en nombreux carrés alors que les murs étaient couverts d'anciennes tapisseries représentant des scènes médiévales. Rien ne rappelait là l'iconographie égyptienne. Au moins pour les non-initiés. Parce que, sur le mur du fond, derrière la tête de table, il y avait un énorme cadre représentant une madonne avec un enfant. Une figure typique de Marie avec Jésus pour les chrétiens. Mais aussi d'Isis avec le petit Horus, pour ceux qui connaissaient la symbolique égyptienne. Même l'auréole de Marie, utilisée aussi pour les saints, était une adaptation du disque solaire, le dieu Râ, qu'Isis portait aussi sur la tête dans de multiples peintures murales des tombes et des palais.

Au centre de la salle, il y avait une table où étaient déjà assises les treize personnes qui, sans aucun doute, avaient été ses compagnons la nuit antérieure. A la tête de la table était assis un homme maigre et de petite taille: le duc d'Osernj. Quand Kaminsky entra, il se leva, s'approcha et lui donna une forte poignée de main. 

- Bienvenu, docteur! Vous avez parfaitement rempli votre rôle hier soir. Maintenant, vous êtes l'un des nôtres. Mais je dois vous avertir que vous ne recevez que la condition de néophyte. Vous serez à l'épreuve pour trois ans. Si vous assumez correctement vos nouvelles obligations pendant cette période, vous deviendrez membre à part entière de notre société. Vous connaissez sûrement la plupart des compagnons présents. Approchez-vous et prenez place.

Par sa voix et sa taille, Kaminsky reconnut que le duc était le dieu Ptah de la nuit passée. Il vit que les autres étaient en majorité des collègues égyptologues ou conservateurs de musées fameux. Il demanda:
- Alors mon évanouissement ne fut pas un contre-temps? Je suis réellement arrivé au bout de l'épreuve?
- Tout s'est passé comme il était prévu, professeur. Vous ne pouviez pas savoir plus de ce qui allait se passer ce soir. Le liquide que vous avez bu vous a narcotisé et nous vous avons reconduit à votre chambre.

12/05/2009

Les yeux d'Horus 5.2.

Ils entrèrent dans la construction et se trouvèrent dans une cour au centre de laquelle il y avait un grand bassin. De chaque côté de celui-çi, il y avait cinq autres personnes, toutes avec des masques dorés qui, dans certains cas, représentaient des dieux égyptiens.

- Laisse ta tunique et baigne-toi dans le bassin -exigea Ptah.

Kaminsky vit qu'il y avait un escalier pour y descendre et un autre pour en sortir. Tous lui firent signe d'avancer et de traverser le bassin. L'eau lui arrivait au cou. Il comprit qu'il devait se submerger complètement un instant, étant ainsi "baptisé" dans l'antique religion. Il continua ensuite à avancer et sortit de l'eau. On lui rendit sa tunique.

- Tu viens de sortir des eaux primordiales. Tu es un homme neuf, pour une ère nouvelle -récitèrent tous les assistants dans l'ancienne langue.

Tous avancèrent alors derrière les trois premiers "dieux" et autour de lui, jusqu'à une grande porte qui fermait le passage vers la première salle. Là, tous s'arrêtèrent et lui laissèrent le passage.

- Avance -lui dit-on. Et il s'approcha de la porte. Mais à ce moment elle semble s'enflammer et il fit un pas en arrière.
- Auras-tu le courage de traverser le feu? -demanda Ptah.

L'archéologue comprit que c'était une sorte de mirage, un vieux truc propre de la magie des prêtres égyptiens. Espérant découvrir s'il s'agissait d'un piège, il répondit alors:
- Seuls peuvent traverser les flammes sacrées ceux qui ont l'âme pure aux yeux de Maât. Me suivrez-vous tous?
- Tu oses en douter?
- Si l'un de vous à quelque chose à voir avec la mort de Robertson et d'Armentini, j'ose déclarer qu'il ne pourra pas me suivre et devrait se retirer.
- De quoi parles-tu? -demanda Ptah.
- Vous ne savez pas que Dick Robertson, archéologue de l'Université de Californie, et Giulio Armentini, conservateur du musée égyptien de Turin, ont été assassinés après le congrès de Bruxelles et qu'il y a des indices qui pointent vers des admirateurs de la culture égyptienne comme nous?
– Si l'un d'entre nous est lié à ces crimes, qu'il le dise maintenant. Nul de souillera la demeure des dieux -dit Ptah. Et, avec son sceptre, il pointa à tout de rôle vers tous ses compagnons. Un à un, ils niairent de la tête.
- Bien -poursuivit-il-, personne n'accepte de responsabilité. Traverseras-tu le feu ou insisteras-tu dans tes accusations et nous abandonneras-tu?
- Je n'ai accusé personne. J'ai demandé une confirmation.

Il avança alors et poussa la porte. Auncune flamme ne le brûla mais il vit que la porte brillait comme de l'or, fulgurant par un probable truc électronique. Et la porte s'ouvrit sous sa pression. Tous le suivirent. La salle était obscure, sauf pour deux lignes lumineuses qui serpentaient, séparées, depuis la porte jusqu'au fond. Une des lignes était bleue et l'autre était verde. Derrière Kamisnky, Ptah parla de nouveau:

- Il y a deux chemins qui s'ouvrent pour l'initié et qui mènent à la coupe d'Osiris. L'eau et la terre, séparés par le feu. Tu as passé par l'eau et par le feu. Avance maintenant par la terre.

Kaminsky avança dans la direction indiquée par la ligne verte, traversant en ligne droite ses méandres.
- Tu as démontré l'importance de la rectitude -déclara Ptah-. Maât est satisfaite. Quel est ton désir le plus profond?
- Le secret de la connaissance ultime.
- Alors, suis-moi.

Tous se rassemblèrent devant trois petites portes qui s'ouvraient au fond de la grande salle. Ptah s'arrêta devant la porte centrale.
- Ce que tu verras maintenant, tu ne pourras jamais l'oublier et tu en resteras lié pour toujours à notre fraternité. Tu as maintenant la dernière occasion pour te retirer. Si tu ne le fais pas, tu dois jurer que tu garderas le secret de ce que tu verras ici aujourd'hui et demain.
- Sur ma vie présente et future, en prenant Osiris comme témoin, je le jure.

Ptah manoeuvra alors le verrou et la porte s'ouvrit. A l'intérieur, au centre et sur un piédestal, il y avait un objet couvert par un voile qui laissait deviner une source lumineuse. Sur le piédestal était peint en couleur un oeil: l'Oeil d'Horus.

- Le feu protège la coupe de la connaissance au coeur de l'obscurité -continua le grand prêtre-. Là réside l'essence d'Osiris, inaccessible aux profanes. Qui boit de cette coupe ne connaîtra pas la seconde mort car il sera porteur des formules de connaissance qui conservent les dieux en vie. Boiras-tu de cette coupe au risque de perdre ta vie actuelle?
- J'en boirai.

Ptah ôta alors le voile, découvrant le vase d'or avec deux anses en forme d'ankh, la croix de la vie, qui reposait sur un cube lumineux. Il prit la coupe et la passa à Kaminsky. L'égyptologue la prit et but. C'était un liquide épais avec un étrange mélange de saveurs, à la fois doux et amer. Isis lui reprit la coupe et Thot lui présenta un papyrus enroulé.
- La connaissance t'appartient.

Et la petite salle s'illumina toute entière. Mais le nouvel initié n'arriva pas à toucher le papyrus ni à admirer la décoration des murs. La lumière l'éblouit et il sentit que le sommeil l'envahissait. Il s'évanouit. Le liquide qu'il avait bu contenait sans doute un puissant narcotique. Ou le tuait-on à ce moment? Mais ceci n'était pas le rituel de la fête d'Osiris ni la date correcte!

05/05/2009

Les yeux d'Horus 5.1.

5

Le majordome se retira. Le professeur entendit un petit 'clic' quand ce dernier ferma la porte de la chambre. Il s'approcha d'elle et tenta de l'ouvrir en douceur. Impossible. Il était enfermé. Jusqu'à l'heure de la première épreuve, sans doute. Il alla donc dans la salle de bain pour se rafraîchir. Puis il revint observer la peinture. Il ne se souvenait pas de l'avoir jamais vue, mais le thème et la posture lui étaient bien connus. Il y avait de nombreuses statues d'Isis avec Horus-enfant sur les genoux. Et aussi des bas-reliefs équivalents dans de nombreux temples. Mais il ne conaissait pas la figure polychromée plane qu'il voyait là. Peut-être provenait-elle d'une tombe fermée au public que les membres de la Société de l'Oeil d'Horus connaissaient. Il se rappela la description de ce genre d'effigie qu'avait fait un couple d'historiens catalans:

  • "Jesus de Nazareth n'était ni le premier ni le seul enfant de l'histoire à être né d'une mère vierge ou à avoir été vénéré dans son berceau par de vénérables sages. Avant lui, auprès du Nil, le dieu égyptien Osiris avait joui des même privilèges. Aprés avoir y a avoir plongé et avoir comparé les sources originales dans lesquelles confluent la tradition égyptienne et la chrétienne, nous arrivos à une conclusion impactante: que les chrétiens modernes, sans le savoir, continuent à professer une relgion que l'on croyait éteinte il y a deux mille ans". [Claude et Brigitte Carcenac Pujol: "Jesús, 3000 años antes de Cristo", ed. Grijalbo]

Ce texte, il est clair, parlait d'Osiris, fils de Nut, la déesse des espaces célestes et fille du soleil, qui l'engendra étant vierge grâce à un piège de Thot. Mais l'iconographie égyptienne commune, si semblable à la chrétienne, se référait à Isis avec Horus. Et Isis avait conçu son fils par miracle, après la mort de son mari Osiris, comme si c'était une répétition de la naissance de ce dernier.

Kaminsky s'approcha alors du lutrin et ouvrit le grand livre. Il s'était rendu compte tout de suite qu'il s'agissait d'un produit moderne. Les égyptiens ne connaissaient pas les livres. Mais celui-çi ne contenait pas non plus de reproductions de papyrus: il reconnut des photos des fameux "Textes des Pyramides". Ces textes sont un répertoire des croyances religieuses et cosmologiques les plus anciennes, de conjurations, d'enchantements et de prières qui devaient se réciter lors de cérémonies funéraires. Il y avait aussi des extraits des théories sur la création et fragments de récits des luttes entre Horus et Seth, entre autres mythes. Il y avait de plus des reproductions de bas-reliefs de couloirs, antichambres et chambres de tombes de l'Ancien Empire, relatives aux rites de résurrection destinés à assurer la vie éternelle au pharaon.

L'égyptologue eut beaucoup de plaisir à lire les prières destinées à permettre au pharaon d'atteindre l'"Au-Delà", comme une étoile, et de se transfigurer en être divin. Le temps passa et, alors qu'il lisait, il sentit qu'on ouvrait la porte et se retourna. C'était le majordome qui apportait un plateau.

- Je vous apporte un petit repas -lui dit-il-. La nuit va être longue et j'ai bien peur que vous ne pourrez pas dîner avec les autres invités. Vous n'avez pas encore été accepté dans la société. Après votre repas, je reviendrai vous chercher et je vous conduirai à votre première rencontre. Bon appétit!

Et l'homme se retira, fermant de nouveau la porte à clé. Kaminsky s'assit pour manger. Le repas était assez abondant. Tout au moins on ne pensait pas le laisser mourir de faim, pensa-t'il. Après s'être restauré, il décida d'améliorer son aspect. Il sortit de sa valise son meilleur costume et sa toge de docteur, qu'il avait emportés pour l'occasion, et les revêtit. Quelques minutes plus tard, le majordome revint et le pria de le suivre. Ils descendirent le grand escalier et en firent le tour, pour pénétrer dans une petite pièce cachée derrière. L'empoyé le fit entrer et se retira.

Trois personnes l'attendaient, les trois vêtus d'une tunique blanche attachée avec un Oeil d'Horus. Et la face cachée par un masque d'or. Celui qui était au centre était de petite stature et enveloppé dans un suaire duquel sortaient ses mains. Dans celles-çi, il portait un sceptre composé d'un pilier traversé de barres et couronné d'une ankh ou croix hansée. Ce sceptre était le symbole de la végétation et de la fertilité, de la stabilité et de la vie. Et l'homme qui le portait représentait le dieu égyptien Ptah, le créateur.

Celui qui était à sa droite avait aspect de femme, avec un masque surmonté d'un petit trône et les bras ornés de plumes, formant des ailes. C'était la figure de la déesse Isis, l'épouse d'Osiris qui, en récupérant les morceaux du corps de son époux, avait permis sa résurrection. Elle représentait aussi la maternité vu qu'elle engendra Horus, fils posthume d'Osiris.

A la gauche de Ptah il y avait un homme avec tête d'ibis. C'était Thot, le seigneur de l'écriture sacrée, de la langue et des textes conservés dans les temples. Ptah se dirigea à Kaminsky:

- Pour être admis entre nous et participer aux festivités, vous devez démontrer votre connaissance du culte ancestral. Vous pouvez renoncer à n'importe quel moment avant le serment final et retourner à Prague. Si vous ne connaissez pas la réponse à l'une des questions, vous devrez aussi vous en retourner et vous ne serez plus jamais reçu dans la forteresse. Est-ce compris?
- C'est compris.
- Que faut-il connaître?.
- L'irradiation de la lumière divine.
- Qu'est-ce qu'elle vous enseigne?
- Les formules de la transformation.
- Où vous conduisent-elles?
- Vers les portes de l'au-delà et les chemins qu'utilise le grand dieu.
- Quelle langue parle t'il?
- Celle des âmes-oiseau.
- Qui écoute ces mots?
- L'équipe de la barque divine.
- Êtes-vous préparé?
- Je manie la palette du scribe.
- Personne n'entre dans la Maison Sacrée s'il ne ressemble au soleil d'orient comme Osiris. Désirez-vous connaître son feu et risquer d'être brûlé?
- Je le désire.
- Comment s'appelle Osiris? 
- Le lieu de la création, l'accomplissement du rituel et le siège de l'oeil.

 [Dialogue extrait en partie de "Les mystères d'Osiris, IV" de Ch.Jacq. Quelques unes des formules qui suivent ont aussi été reprises de son roman "La pierre de lumière".]

Isis et Thot lui mirent alors au front une fine bande, lui enlevèrent ses vêtements et le revêtirent d'une tunique blanche comme la leur. Puis ils proclmèrent ensemble: 
- Tu es maintenant un successeur des maîtres. Tu dois les vénérer et poursuivre leur oeuvre. Suis-nous.

Les trois se retournèrent alors, prirent une torche et sortirent par une petite porte qui était derrière eux. Kaminsky les suivit. Ils sortirent ainsi du palais et avancèrent dans l'obscurité, le chemin à peine illuminé par les torches, vers un édifice qui devait être le temple égyptien.