Le document poursuivait:
5. Mise en route
Considérant que, comme déjà signalé, les objectifs historiques ne s'inscrivent pas dans les fonctions normales du CERN, l'UE suggéra la création d'une Sous-agence Historique qui pourrait s'installer dans l'Agence du Temps. Cette Agence, en effet, aussi née à partir des recherches du CERN et installée sur le même site de Meyrin, a les meilleurs experts en théorie du chaos et ses applications, et a une section historique qui offre leurs bases aux mathématiciens, avec des données accumulées depuis le XIX° Siècle sur les variations du climat, que les historiens relient à d'autres phénomènes. Comme on sait, depuis la fin du XIX° Siècle nous comptons avec d'excellents pronostics, grâce à l'application de la mathématique du chaos en météorologie. Et il y a presqu'un siècle que nous pouvons incluencer efficacement les phénomènes climatiques en contrôlant quelques unes de ses variables. Créer, dans cette Agence, une nouvelle "section historique" chargée des projets de voyages dans le Temps permettrait d'utiliser non seulement une structure organisative et scientifique adéquate mais aussi de conserver adéquatement le secret pendant le temps nécessaire.
Nous adjoignons en annexe une description de la structure de cette nouvelle Section, proposition de personnel, budget d'installation et d'opération. Les détails techniques sont connus exclusivement des physiciens atomiques.
[Cette annexe ne fut pas trouvée dans l'appartement de Gossin.]
Une fois créée la Section, elle commença une série de consultations a des historiens, sous des règles strictes de confidentialité, pour spécifier les conditions du "voyage" et les faits ou périodes d'intérêt majeur. Les historiens signalèrent alors qu'il pourrait être extrèmement compliqué de voyager vers le siècle passé et même au XXI° Siècle à cause des importantes mesures de sécurité développées partout et qui se basaient sur des mesures biométriques et électroniques d'identification qui ne s'utilisent plus aujourd'hui. De multiples attentats, au début du XXI° Siècle, avaient mené la plupart des États à créer des registres et systèmes d'identification qui difficultaient énormément les voyages ainsi que l'entrée dans des installations industrielles et scientifiques, et pas seulement dans les sites militaires. Mais les systèmes d'identification plus anciens sont de fabrication facile aujourd'hui et nos agents n'auraient pas de difficultés pour les avoir et voyager vers ces époques antérieures. Nous leur avons donc demandé des propositions pour ces périodes d'avant le XXI° Siècle.
Considérant les hypothèses déjà formulées au sujet de l'intervention dans le passé, les historiens conseillèrent de sélectionner deux types de faits: ceux qui, pour des raisons de mauvaise information historique, seraient d'intérêt particulier pour une observation neutre destinée uniquement à améliorer la connaissance historique, et ceux qui pourraient servir d'expérience d'actions modificatrices à court terme ou qui, même, à la distance, pourraient sembler le fruit d'une intervention de ce type. Cette option surgit parce qu'on trouva deux cas où le nom d'une personne du passé était identique au nom de personnes connues du présent. L'une d'elles était Gilles de Rais, un historien français qui avait un ancêtre du même nom qui apparaissait à la fin de l'histoire de la vie de Jeanne d'Arc: ce de Rais avait préparé une attaque à Rouen avec un contingent de mercenaires pour sauver la Pucelle.
On pensa donc à offrir au Gilles de Rais actuel la possibilité de voyager au XV° Siècle pour vérifier cette histoire ou, même, d'essayer de sauver Jeanne ou retarder son exécution. Peut-être, même, que c'est lui-même le Gilles de Rais de Rouen et du XV° Siècle.
Un autre cas est celui de Gideon Sauvenier, un soldat français qui avait combattu avec Lafayette à la bataille de Yorktown, en 1781, qui décida l'indépendance des États-Unis. Sauvenier était un autre historien français connu. Et, comme de Rais, on pensa à lui proposer le voyage au XVIII° Si}ecle.
Ce furent les deux premier projets qui furent proposés pour la nouvelle "Section Historique". Ils permettraient de vérifier deux hypothèses: la possibilité d'effectuer des changements historiques "légers" (et jusqu'où) et celle de ce qu'un personnage du passé ait été en réalité quelqu'un venu du futur.
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Arrivé là, Trompel se rendit compte -en lisant ce rapport- que ces deux projets correspondaient aux deux premiers chapitres de la série "Les Courbes du Temps". Le document qu'il lisait avait, donc, été la base du scénario de Gossin. Mais l'avait-il inventé, lui? Était-ce de la pure fiction ou avait-elle une base scientifique?