18/05/2010

La conspiration 4.4.

Quelques jours plus tard, un de journaux de la capitale rendait compte de quelque chose qui pouvait être la conséquence directe de la menace publiée dans "Le Républicain":

  • "La Dernière Heure – Menaces contre la reine Fabiola
    Ce journal a reçu ce mardi une lettre dirigée à la Rédaction que menace la reine Fabiola d'un attentat qui aurait lieu durant la visite qu'elle fera pour ouvrir un nouveau cycle de l'opéra au Théâtre Royal de la Monnaie. La raison exprimée est la "nécessité de débarrasser le pays de figures décoratives coûteuses et inutiles". Le message termine avec l'exclamation "Vive la république!". La lettre a été écrite sur ordinateur et imprimée par laser. L'enveloppe portait un timbre qui date des années 40, sous l'occupationa allemande, durant la Seconde Guerre Mondiale. Ce matériel a été remis à la Police Judiciaire, qui a ouvert une enquête."

Trompel ne doutait pas de la relation de cette lettre avec les républicains. Il constata rapidement que la même nouvelle apparaissait, applaudie, dans le blog et le groupe de Facebook, alors que Darbée tentait de freiner ce genre de réaction en signalant son accord avec l'idée de supprimer la monarchie mais soulignant que le recours à la violence n'était pas du tout nécessaire. Le détective se souvenut alors que Servais lui avait conseillé de s'approcher de Paula Darbée pour mieux sonder sa pensée. Il décida ainsi de l'interviewer, donnant le prétexte de publier son "profil humain" dans son journal. Il téléphona au bureau de la députée et accorda un rendez-vous.

Ils se rencontrèrent le jour suivant. La députée avait cité Trompel à la sortie du Parlement, à cinq heures de l'après-midi. Elle sortit à cinq heures dix, s'excusant de ce retard dû aux discussions de la commission à laquelle elle participait. Elle invita le journaliste-détective à prendre un café à la terrasse de l'hôtel Métropole. Ils traversèrent donc la rue de la Loi et descendirent dans la station de métro du Parc Royal, prenant la ligne 1 en direction du centre. Cinq minutes plus tard ils sortaient à la Place de Brouckhère, où est l'hôtel, et s'assirent à la terrasse, comme toujours occupée par de nombreux touristes. Trompel la questionna alors sur ses études et comment elle était arrivée au PNI.

- J'ai étudié le service social à l'Ecole Centrale des Arts et Métiers -lui dit-elle- et là j'ai connu Daems, qui étudiait la comptabilité. Nous sommes devenus amis et, peu à peu, avec d'autres étudiants, nous avons développé les idées de base qui sont à l'origine du parti. Au début, nous empruntions des idées aux Verts et aux Humanistes de gauche, mais il nous a semblé qu'elles ne mèneraient à aucun changement substantiel. Ce qu'il faut, c'est une vraie révolution: transformer les bases de l'état, pour qu'il y ait une vraie égalité. "De chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses nécessités", comme dit une fois Karl Marx. Mais nous ne sommes pas communistes: ce parti souffre de sclérose multiple et a introduit une nouvelle classe d'oppresseurs. L'autorité ne peut résider dans les personnes, seulement dans des structures participatives. Cela implique qu'il nous faut nous défaire des structures politiques actuelles de ce pays, rejetter la monarchie et les titres de noblesse, rédiger une nouvelle constitution. Mais vous êtes membre du parti et vous savez tout cela.
- En effet. Mais j'aime vous l'entendre dire dans vos propres mots. Et, plus que répéter la doctrine du parti, ce qui m'intéresse -pour un nouvel article dans le journal- c'est savoir plus sur vous même comme personne, sur votre famille, vos amis. D'où vient votre famille? Vous avez des frères?
- Mes parents -et mes grand-parents avant eux- ont toujours vécu près de Bruxelles, à Waterloo. Comme qui dirait "à l'ombre de la capitale". Mes grand-parents étaient paysans mais ont obtenu que mon père termine ses humanités au lycée de la commune, où moi aussi j'ai étudié plus tard. Ensuite, mon père est entré à l'Ecole d'Aviation, dans la section d'entretien, mais il n'a pas réussi à continuer et passer à l'école d'officiers. Il a fait carrière comme sous-officier mécanicien et, il y a quelques années, a pris sa pension et a ouvert un atelier de mécanique à Waterloo. Ma mère était secrétaire civile à la base de Melsbroeck et c'est là qu'ils se connurent. Elle est de Bruxelles et son père était employé de la commune d'Etterbeek. J'ai un frère ingénieur qui est parti au Brésil dans le cadre d'un programme d'aide au développement. C'est lui qui m'a permis de connaître l'oeuvre de Paulo Freire, d'où nous avons tiré pas mal d'idées pour le parti et la méthode de discussion pour nos réunions de base. Que puis-je vous dire de plus?
- C'est très intéressant. Je sais que vous êtes célibataire. Alors, qu'y a-t'il d'amis? Vous avez encore des relations avec des amies du lycée ou de l'ECAM?

La conversation s'étendit encore, passant aux relations sociales de la députée, puis à ses goûts et ses hobbies. Le temps passa et ils décidèrent d'aller souper ensemble au restaurant du City2, le centre commercial qui était près de là, à l'autre bout de la rue Neuve. Trompel se rendit compte qu'il partageait plusieurs de ses opinions, mais pas ses objectifs ni sa conviction de la nécessité d'une révolution. Il posa plusieurs questions sur celle-çi et se rendit compte que la députée était beaucoup moins révolutionnaire qu'elle ne l'avait paru au premier abord. Comme il l'avait noté en lisant ses réactions sur sa page de Facebook, elle ne partageait pas du tout l'idée d'un changement radical et abrupt, et moins encore de la voie violente. Elle croyait à une démocratie réellement participative, sans dictat de la par de la direction des partis. Et il reconnut que, en cela, elle avait quelques divergences avec Daems: lui avait trop tendance à imposer ses propres points de vue.

Le dialogue revint sur le thème des amis, surtout -maintenant- ceux du parti. Ce qui la conduisit à elle à demander à Trompel s'il s'était fait des amis aux réunions du parti. Il répondit que non, qu'il était encore trop tôt pour cela et que sa propre profession ne lui laissait pas beaucoup de temps pour cela. Seules des occasions comme cette entrevue lui donnaient la possibilité de mieux connaître une personne. Il se félicitait d'avoir pu parler aussi librement avec elle. Comme il avait aussi un peu parlé de ses années d'écolier dans les Marolles, ils se sentaient tous les deux à l'aise et furent d'accord pour conclure que la réunion avait été très agréable et qu'ils seraient heureux de se rencontrer de nouveau, même sans raison de travail. Ils échangèrent leurs cartes avec leurs numéros de téléphone personnels et sortirent ensemble, descendant à la station de métro Rogier, qui était connectée au City2. Là, ils se dirent au revoir avec un baiser, chose peu fréquente entre ceux qui venaient à peine de se connaître.