12/05/2010

La conspiration 4.3.

Une heure après, Trompel racontait tout à Servais.

- Que penses-tu que faisait là Durand? Les deux autres sont des politiciens. Mais un banquier?
- Je pense que c'est celui qui finance le parti. Et qu'il a une double intention. Il est devenu blanc quand j'ai parlé de la fonction populaire de la banque. Je pensais qu'il allait suffoquer. Daems abandonna rapidement le thème quand j'ai parlé de changement d'organisation, d'être plus ouverts et de faciliter le surgissement de leaders. Je crois que cela ne lui a pas plu. Et qu'ils ne m'inviterons plus de si tôt. Ce que j'ai proposé est parfaitement cohérent avec l'idéologie déclarée du parti mais ne semble vraiment pas fonctionnel pour eux. Ils cachent quelque chose. Et je crois que cela confirme nos soupçons. Le parti est un instrument pour d'autres fins. Probablement accéder au pouvoir, mais j'ai bien peur que ce ne soit ni démocratique ni populaire.
- C'est exactement ce que m'a donné à entendre le cardinal de Villers.

Et Servais raconta alors son entrevue avec le cardinal et les soupçons que celui-çi lui avait communiqués.
- Alors nous ne faisons pas mauvaise route -conclut Trompel-. Le PNI doit être une façade de conspirateurs.
- Qui doivent être, probablement, ceux que la DST à détecté à la maison de Durand.
- Mais la députée Darbée n'a pas assisté à cette réunion. Serait-elle en marge?
- Je crois qu'il serait bon que tu essayes de te rapprocher d'elle. Pourvu que tu puisses gagner sa confiance et en savoir plus sur sa relation avec Daems et les autres.
- Je ferai mon possible.
- Pour ma part, j'essayerai d'obtenir l'autorisation pour analyser les mouvements de fonds des gens qui se réunissent chez Durand. Mais nous devons prendre des précautions pour qu'ils ne se rendent pas compte que nous enquêtons sur cela.
- Nous pourrions peut-être demander l'aide du Service des Taxes et de la Super des Banques? Nous couvrant ici comme un audit de routine ou quelque chose de semblable.
- Une autre possibilité est de parler d'une enquête sur les transferts de fonds du trafic de drogue. Nous pourrions arranger cela avec la brigade anti-narcotiques, ainsi tout resterait "dans la maison", ce qui est plus facile de coordonner. Et aussi d'expliquer à la banque pourquoi nos intéressent les mouvements de fonds. Par "pur hazard" nous verrions les comptes de Durand, Verstappen et les autres qui nous intéressent.
- Formidable!

Deux jours après sa demande d'adnmission, Trompel recevait la confirmation de son acceptation dans le groupe "République belge" de Facebook. Il avait eu la précaution de mettre dans son profil personnel qu'il était membre du PNI, mais n'avait pas mis sa profession de journaliste sinon son grade de licencié en sciences sociales, et cela avait peut-être été un facteur crucial.

Il entra donc à la page du groupe et se mit à lire les messages. Ils étaient, en majorité, congruents avec la politique du PNI, sauf pour une chose: on répétait sans cesse que l'objectif -une république égalitaire- devait s'obtenir "par tous les moyens". Et cela n'excluait pas les attentats, qui avaient été applaudis par les membres du groupe chaque fois qu'ils avaient eu lieu. Il trouva quelque chose de plus: des références à des posts d'un blog appelé "Le républicain", qu'il n'avait pas trouvées auparavent. Il en trouva l'adresse dans l'un des messages et suivit l'hyperlien.

Là, il rencontra un hebdomadaire de nouvelles et comentaires centrés sur tous les thèmes de la politique locale, abordés d'un point de vue semblable à celui du groupe de Facebook: afin au PNI mais beaucoup plus radical et violent en termes de stratégie. En révisant les posts passés, il découvrit que les manifestations du 1er juillet contre le roi Albert II étaient considérées comme un échec, non seulement parce que les balles avaient été expulsées dans une autre rue -ce qui confirmait ce qu'il savait et avait compris au sujet de l'intention originelle- mais aussi que quelque chose de beaucoup plus grave avait été préparé mais n'avait pu se produire à cause des changements de dernière minute qui avaient rendu impossible de voir le roi depuis l'avenue. C'était une information que la police venait seulement de savoir par le cardinal et un indice de ce que le groupe "République belge" était étroitement lié au groupe terroriste derrière les attentats. Mais était-ce ou non une fraction du PNI? Comment le savoir?

Il ouvrit alors le profil du responsable du blog. Il disait s'appeler "Jean LeCasseur", ce qui était évidemment un pseudonyme. Comme pour publier il fallait une adresse de courriel, il vérifica celle-çi: lecasseur@gmail.com. Etant sur Gmail, son propriétaire pouvait être n'importe où dans le monde et n'avait aucune obligation de mieux s'identifier. Pour connaître l'origine des envois au blog, il faudrait envoyer une demande au propriétaire du site de blogs au travers d'Interpol. Mais cela serait de peu d'utilité: les contenus pouvaient être envoyés d'un cybercafé ou bien utiliser une connexion avec adresse IP variable ou un réseau wi-fi de libre accès, comme il y en avait dans les hôtels, les gares et les aéroports d'un peu partout. Un cybercafé pouvait être trouvé; un réseau wi-fi aussi mais ceci -tout comme une IP variable- rendrait très difficile l'accès à l'usager, à moins qu'on ne surveille tous les points de référence pour voir s'ils se répétaient et, ainsi, à un certain moment, pouvoir attraper l'auteur in fraganti. Quelque chose de très difficile et peu probable, surtout tenant compte qu'il pouvait passer la frontière belge et faire l'envoi d'un pays voisin, où il serait impossible d'obtenir la surveillance. Et ce type d'enquête ne lui revenait pas: c'était le travail de la brigade de cyberdélits, et eux savaient comment procéder, si c'était factible.

Avec ces données et ces considérations, Trompel élabora un nouveau rapport qu'il fit parvenir à son chef. Il continuerait à surveiller les groupes de Facebook et le blog subversif, ajoutant les nouvelles et commentaires qu'il y trouverait à son système d'analyse.

En lisant de nouveau le "mur" du groupe de Darbée sur Facebook, il trouva reproduite et fortement applaudie une nouvelle du journal Le Soir: "Le prince Philippe déclara que la codice a été trop de fois le moteur de certains secteurs. La crise actuelle n'est pas seulement économique, estime-t'il, mais c'est une crise de valeurs." Il était à attendre que cela soit repris ici! Que dirait le groupe "République belge"? Il y trouva le même texte. Il passa alors au blog "Le républicain". Ici, la nouvelle avait aussi été copiée. Le commentaire était applaudi et suivi d'une question: "Le prince se sauve-t'il ainsi de notre colère?" et la réponse: "Pas du tout! La famille royale n'a rien à faire dans la société égalitaire que nous cherchons. Elle doit disparaître. Si elle n'abandonne pas volontairement le pays, nous l'expulserons ou la ferons disparaître de n'importe quelle façon...".