Dix jours plus tard, Servais recevait un appel téléphonique du secrétaire du cardinal.
- Commissaire, on m'a dit que vous étiez chargé de l'enquête sur l'attentat qui a affecté le cardinal. Il m'a demandé de vous inviter à lui rendre visite. Il a été autorisé à quitter l'hôpital et il reprendra peu à peu ses activités mais, pour le moment, il se repose encore au grand séminaire de Malines. Pourriez-vous venir ici un de ces jours?
- Je suis heureux de savoir qu'il va mieux et je serai heureux de lui rendre visite s'il le désire. Demain, par exemple, si cela lui plaît.
- C'est au mieux. Il sera heureux de vous recevoir promptement. A onze heures du matin, c'est bien pour vous?
- D'accord: demain à onze heures, au grand séminaire. J'y serai.
- Merci commissaire et au revoir.
- Au revoir!
Ainsi, le lendemain Servais rencontrait le cardinal de Villers.
- Je suis heureux de vous connaître, commissaire. Je regrette de vous avoir fait venir ici, mais je ne suis pas encore en condition de reprendre toutes mes activités à mon siège de Bruxelles. J'ai plus d'aide et de tranquilité ici. Avant de vous expliquer la raison de mon invitation, dites-moi si vous avez fait du progrès dans votre enquête sur l'attentat que j'ai souffert. Avez-vous trouvé un suspect? Avez-vous une théorie?
- Vous n'avez pas à vous excuser, monseigneur. Je regrette beaucoup le fait tragique qui vous a affecté et la souffrance qu'il signifie. Et je regrette aussi que nous n'ayons encore pu indentifier aucun suspect. Comme vous aurez su par la presse, nous avons trouvé l'arme utilisée, mais aucune empreinte et aucune piste. Bien que nous suspectons que le fait est lié aux autres attentats contre nos ambassadeurs et quelques autorités politiques.
- Justement, c'est de cela que je voulais vous parler. Quelques proches amis m'ont fait noter cette similitude et je suis heureux de savoir que vous y pensez aussi. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que l'on prétendait attaquer le roi de la même façon le 1º juillet passé, lorsqu'il inaugurait l'exposition d'art étrusque. Les mesures de sécurité qui ont été prises ont empêché le franctireur de mener à bien sa mission.
- Nous savions qu'il y aurait une manifestation contraire au roi et l'on prit d'importantes précautions. Mais nous ne savions rien de cette menace d'assassinat. C'est une surprise pour moi! Quand l'avez-vous su?
- Il n'y a que quelques jours. D'une façon qui m'interdit de vous en dire plus.
- Je comprends.
- Mes amis m'ont aussi suggéré que cela pouvait faire partie d'une conspiration destinée à affecter toutes les autorités et de pousser le pays à un changement politique radical. D'une part, il y a déjà quelque temps que quelques fidèles m'avaient parlé de leurs doutes sur les intentions réelles d'un nouveau parti politique, qui se présente avec une face pacifique et démocratique alors que ses intentions réelles sont de prendre le pouvoir de n'importe quelle façon. Peut-être que les deux faits sont liés entr'eux.
- Ce parti dont vous parlez, c'est celui de la Nouvelle Indépendance?
- Je ne veux nommer ni un parti ni aucune personne en particulier. Vous comprendrez qu'il y a des choses que je ne puis révéler, par la façon dont m'arrivent certaines confidences. D'autre part, les activités et opinions politiques ne m'intéressent pas, mais je ne puis que protester contre la violence. C'est pourquoi j'ai estimé nécessaire cette conversation. Je crois que vous deviez connaître ces opinions. Je ne puis vous dire jusqu'à quel point elles sont fondées mais je crois que c'est justement à vous qu'il correspond de vérifier si elles le sont et, s'il en est ainsi, d'établir si la violence que nous observons a vraiment un fond politique et de le mettre en évidence, pour arrêter cette possible conspiration. Comme vous enquêtez sur les attentats, il me semblait que vous étiez la personne indiquée pour être mise au courant de ces informations.
- Je crois que vous avez bien jugé, éminence. Non seulement en m'appelant, mais aussi en me donnant toute cette information. Si l'on prétendait atteindre le roi, toutes les forces de police et de sécurité doivent agir avec la plus grande dilligence. Quant à l'hypothèse d'une relation entre les attentats et un projet politique, je puis vous dire que nous y avions pensé aussi mais que, jusqu'à présent, nous n'avions pu la confirmer. Si vous avez des sources qui pointent dans la même direction, vous pouvez être sûr que nous augmenterons nos efforts pour dévoiler ce qui ce passe. Je comprends que vous ne puissiez me révéler vos sources, mais il aurait été de grand intérêt de les connaître pour obtenir d'elles un supplément d'information. Mais je n'insisterai pas: je sais que vous ne pouvez en dire plus. En tous cas, je vous remercie de m'avoir averti. C'est effectivement de la plus grande importance. Y a-t'il autre chose qui vous préoccupe, monseigneur?
- Non, monsieur Servais. Je vous ai dit tout ce que j'estime nécessaire de faire connaître à la police. J'espère que vous découvrirez les responsables, pour le bien du pays!
- Nous ferons tout notre possible, éminence.
Il n'y avait rien d'autre à ajouter et les deux hommes se séparèrent. Servais rentra à Bruxelles, où il mit au courant la direction supérieure de la PJ. Il rédigea un rapport de son entrevue et une copie de celui-çi fut aussitôt envoyée à la Direction de Sécurité, la DST.