Trompel avait réservé son retour pour le jour après la messe de funérailles. L'avion partait à midi, ce qui lui donna le temps de lire les journaux locuax du matin. En descendant prendre son petit-déjeûner, il avait vu les titres des journaux offerts à l'entrée du restaurant: tous rapportaient l'arrestation de plusieurs membres de la police civile compromis dans le trafic de drogue. Se rappelant le journaliste ami de Guy Lefranc, il prit La Tercera et lut qu'avaient été arrêtés plusieurs détectives, entr'eux le sous-chef de la brigado anti-narcotique de Santiago. Tous avaient été inmédiatement explusés du corps de police, avant même d'être jugés, comme c'était la bizarre coutume locale. Un article adjoint, signé par Gaspar Bagá, rendait compte de la messe pour l'abbé Lefranc et signalait qu'un des policiers expulsés était celui qui avait arrêté le prêtre belge. De même agent, de plus, avait apartenu à la CNI, la police secrète de Pinochet, et y avait enregistré le prêtre comme "gauchiste". Il y avait donc un autre motif de persécution qui avait poussé à son arrestation et à la fausse accusation: il y avait encore des groupes d'extrême-droite ressentis du retour de la démocratie et désireux d'expulser tous les "rouges". Mais si Bagá expliquait que Lefranc avait été assassiné par des alliés du Sentier du Soleil et, de ce fait, en fonction de narcotrafiquants, il ne disait rien de ce qu'il avait confié à Trompel. Mais, en signalant aussi que les détectives soumois à procès étaient liés au trafiquants boliviens, il laissait aux lecteurs le soin de deviner la relation. Il semblait bien que La Tercera avait l'exclusivité de cette nouvelle, grâce à lui et à Bagá: aucun autre journal ne faisait le rapprochement. Et le journaliste avait conservé le secret sur les autres détails.