01/05/2012

Agence du Temps 1.2


Mai 1944 (Un mois avant l'épisode antérieur)

L'agent de la Résistence était allé à Louvain pour rencontrer "Max", le chef de la faction réaliste de la résistence belge face à l'occupation allemande. Max était en réalité un historien éminent, professeur à l'université, qui vivait près de l'Institut Supérieur de Philosophie, à la Tiensestraat.

- Vous savez que le gouvernement belge en exil, depuis qu'il s'est regroupé à Londres, est très ennuyé avec le roi Léopold parce qu'il a déclaré la reddition et continue à insister sur la neutralité de la Belgique.
- Le roi a toujours voulu rester en marge, dans l'espoir de gagner la bonne volonté d'Hitler et d'obtenir ainsi, plus tard, l'indépendance du pays -répondit Max-.
- C'est ainsi. Mais en ne se prononçant pas sur les arrestations de juifs et l'envoi forcé des jeunes pour travailler dans des fabriques allemandes, il a rendu le gouvernement furieux. Ils considèrent qu'il est devenu un collaborateur. Et maintenant que les alliés préparent un grand débarquement pour reconquérir l'Europe, ils croient qu'il sera un obstacle pour l'action libératrice, et cet obstacle doit être éliminé.
- Ils en arriveraient à promouvoir un attentat contre lui?
- C'est plus que possible. Nous venons de savoir qu'ils l'ont ordonné et le message a été envoyé au Front de l'Indépendance.
- Les communistes! Qui de plus accomplirait un ordre de ce type? Je dois avertir au plus tôt Clase, pour qu'il mobilise l'Armée Secrète!
- Rien de cela! Vous pouvez avertir Clase, mais seulement pour qu'il soit au courant. Il ne faut pas que se produise une escarmouche entre différents groupes de la Résistence. Seuls y gagneraient les boches.
- Vous avez raison! Alors, nous pouvons alerter le roi et lui peut demander aux allemands qu'ils augmentent sa protection.
- Il serait bon qu'il le sache, pour qu'il fasse attention à l'intérieur du palais, mais ne peut pas demander plus de protection. Les allemands en demanderaient la raison et, dans ce cas, il révélerait qu'il a des contacts avec la Résistence. C'est impossible.
- Mais alors, comment empêcher cet attentat contre le roi?
- Il me semble qu'il faut chercher un moyen d'avertir les allemands. Leur révéler les plans de Pierlot [le chef du gouvernement en exil].
- Et comment faire cela?
- Leur faire arriver une copie de l'ordre envoyé au Front de l'Indépendance. Leur faire croire qu'ils l'interceptent par hasard. Ainsi il prendraient des mesures pour protéger le roi.
- Bonne idée! C'est faisable. Si nous avions l'ordre et pouvions être sûr qu'ils le comprendraient sans révéler nos codes.
- Je peux vous obtenir l'ordre dans un code qu'ils seront capables de traduire sans risques pour vous. Je vous suggère d'utiliser le fantasme pour le planter.
- Vous connaissez le fantasme?
- Vous devez savoir que mon équipe est la meilleure en matière d'intelligence et de communications. Nous avons des ressources supérieures même à celles des alliés. Mais nous n'intervenons pas dans l'action directe, justement pour protéger notre réseau et nos sources. Vous trouverez demain le message là où vous savez. Le reste est votre affaire. Mais je vous suggère de faire vite. Nous calculons que le message authentique arrivera ici dans une dizaine de jours. Et le Front sera prêt pour agir une semaine après au plus. C'est tout le temps que nous avons.
- Nous ferons le nécessaire. J'avertirai Clase cette nuit même. Il fera prendre le message et planifiera l'opération avec le fantasme. Merci pour nous avertir. Nous vous le devons.
- Vous savez déjà que vous pouvez compter sur nous.

Le jour suivant, à six heures du soir, lorsque le soir tombait, Max sortit de sa maison comme chaque jour pour faire une promenade au parc Sint Donatus, qui unissait la Tiensestraat con la Naamsestraat. Au parc, dissimulée où il y avait un bac à ordures, était la "boîte aux lettres" de la Résistence. Il avait l'habitude de s'en approcher et d'y jetter le papier d'un caramel ou autre douceur masticable. Et il avait pris l'habitude de tarder toujours un peu, simulant qu'il regardait ce qu'il y avait dans le bac ainsi que de ramasser et lancer dedans l'un ou l'autre déchet tombé à côté. Ainsi, il collaborait à la propreté... et envoyait ou recevait ses messages. Ce jour là, il ramassa le messaje que lui envoyait l'agent du Temps. De retour chez lui, il le lut, s'étonna de la précision des données sur les mouvements des troupes allemandes qui apparaissait avant le message en code relatif au roi Léopold. Cet agent avait réellement un système d'espionage extraordinaire.

Avant de sortir du parc, il avait changé de position quelques pierres près du dernier banc. C'était le signal qui avertirait l'Armée Secrète qu'il désirait une rencontre directe.

L'après-midi suivante, après être passé par le parc, Max entra à l'église Saint Michel, à la sortie du côté de la Naamsestraat. Il se dirigea vers l'un des confessionnaires. Après voir prié quelques minutes, il y entra, restant caché par le rideau.
- Mon père, je vous apporte la liste de mes péchés -dit-il-.
- Que la paix soit ta récompense -entendit-il, en réponse, pour compléter le mot de passe-.

Il résuma brièvement ce que lui avait dit l'agent et passa par le grillage le document qu'il avait reçu. Ensuite, il se retira et rentra chez lui.

L'oberst Scheibert (colonel) de la Belgische-Heeres-Küstenartillerie, la division chargée du contrôle de la côte belge, rencontra son officer d'intelligence.

- Hauptmann, vous avez vu ce que cette centinelle a ramassé hier soir? L'uniforme et les documents?
- Oui, et c'est assez bizarre. L'identification me semble une falsification habile. Il n'existe aucun adjudent Von Richter dans les divisions assignées à la Belgique. Je l'ai déjà vérifié. L'uniforme doit avoir été destiné à un contact de la Résistence. Celui qui le portait s'est échappé. Mais il a perdu aussi autre chose: une information destinée à appuyer les plans de la Résistence.
- Vous avez trouvé de l'information sur les terroristes?
- Le cinturon avait une feuille avec une information qu'aucun officier allemend n'aurait porté là: sur le déplacement de plusieurs de nos unités belges dans les prochains mois et un message chiffré qui, sans doute, doit être un ordre d'action.
- Comment peuvent-ils avoir eu cette information? Et vous avez pu déchiffrer cet ordre?
- La liste des mouvements de troupe démontre qu'ils ont une très bonne source. Il nous faudra enquêter sur cela. Et, oui, j'ai pu traduire l'ordre. Ils ont utilisé une clé que nous connaissons depuis quelque temps mais qui s'emploie peu. Il est étrange que cela ait été écrit, mais cela se doit peut-être à son importance. Le texte est "Le cirque veut se défaire du lion" et nous pensons que cela signifie que le gouvernement en exil veut éliminer le roi.
- Le gouvernement belge veut que la Résistence tue le roi Léopold? C'est de la folie!
- Pas du tout. Ils sont ennemis du roi depuis qu'il a capitulé. Et le qualifient de traître. A un moment ou l'autre, les Alliés tenteront de reconquérir l'Europe et les gouvernants belges veulent se délivrer du roi avant.
- Et que ferons-nous?
- Ce n'est pas notre affaire. Je vais transmettre cela à Berlin. Ils l'évalueront et décideront quoi faire.

Le 7 juin 1944, par ordre du Führer, le roi Léopold et sa famille furent transférés en Allemagne, dans un endroit sur les bords de l'Elbe. Il n'y eut aucun attentat sur la route. Ils avaient réussi à échapper au Front de l'Indépendance.