Ainsi, le lundi, Urim passa chercher Trompel et De La Rue à la première heure. Cette fois, au lieu de se diriger à nouveau vers le garage du palais, il les conduisit vers ce qui ressemblait à une gare. Pour entrer sur le quai qui les correspondait, ils durent passer par un tourniquet qui ne s'ouvrait qu'en introduisant dans une rainure une carte spéciale. Urim leur en donna une à chacun. Comme put vérifier Trompel, qui savait un peu d'histoire de l'informatique, la carte ressemblait étrangement aux anciennes cartes perforées d'IBM avec lesquelle on programmait les premiers ordinateurs commerciaux.
Sur le quai, ils abordèrent un véhicule qui semblait moitié locomotive et moitié diligence allongée et courait sur les rails: les primusiens avaient donc le chemin de fer! La machine se dirigea vers le sud mais, cette fois, le trajet fut beaucoup plus long. Ils durent passer la nuit à Lugdunum (Lyon), qui était à mi-chemin du port de Massalium (Marseille), le plus important de la Mer Interne, selon l'explication d'Urim. Ce dernier leur raconta aussi que Lugdunum était la principale ville industrielle et le centre stratégique du grand "Saut Modernisateur". C'était là qu'on fabriquait les diligences et les trains, et qu'on avait installé pour la première fois l'illumination et le chauffage au gas qui étaient maintenant disponible au centre des principales villes. Comme ils purent observer en traversant la ville le lendemain matin, les fabriques étaient nombreuses et l'activité intense.
Après huit heures de plus de trajet, agrémentées d'un déjeûner fait de sandwiches servis à bord, ils arrivèrent à Massalium. Urim les conduisit immédiatement à la maison de l'ancien ingénieur, à qui il présenta les visiteurs et explica brièvement le motif de la visite.
- Quand nous avons remodelé les cellules, nous avons maintenu le gros oeuvre existant. Nous n'avons changé que les parois avant, avec les grilles et les portes, pour installer les nouveaux systèmes.
- Vous n'avez pas trouvé des différences dans l'une ou l'autre cellule? Une dalle ou une section de mur différent, avec un signe spécial en relief?
- Maintenant que vous le dites, je me souviens que l'un des travailleurs signala une dalle dans une des cellules, parce qu'un petit relief avait appelé son attention.
- De quoi s'agissait-il?
- C'étaient deux cercles collés l'un à l'autre, formant un huit. Il dit que cela ressemblait à la forme d'un sablier, mais nous ne lui prètâme pas plus d'attention, car la taille n'avait rien de professionnel. Nous pensâmes qu'un prisonnier pouvait avoir fait cette marque il y a longtemps.
- Cela pourrait être la marque que nous cherchons. Les sabliers de verre ressemblent à deux bulles collées, avant d'être montées dans leur support. Cela vaudrait la peine d'étudier cette dalle. Vous vous rappelez dans quelle cellule elle est?
- Je ne pourrais vous le dire avec précision. Mais je crois que c'était à droite en descendant l'escalier.
- Avez-vous trouvé autre chose de bizarre ou du même type dans les autres travaux du Palais? Il y a eu beaucoup de réformes, à différents endroits.
- Nous n'avons rien trouvé d'inattendu ni des marques inconnues. Sans aucun doute, ce relief est le seul qui attira l'attention de quelqu'un, à ce que je sache. Tout était d'accord avec les plans et desseins que nous avions et rien n'altéra notre programme de travail.
Urim remerçia le vieillard et ils s'en furent à une auberge pour passer la nuit. Le lendemain, ils prirent le chemin du retour, le voyage étant nettement plus ennuyeux qu'à l'aller car il n'y avait plus rien de neuf dans le paysage et ils ne trouvèrent pas beaucoup de nouveaux thèmes de conversation. L'historien français voulait savoir plus de l'histoire locale, mais Urim n'était pas historien et laissa beaucoup de questions sans réponse. Trompel, au travers de son compagnon, fit quelques questions sur les progrès techniques et ce fut ce qui permit de mieux passer le temps. Mais il était impossible de raconter les progrès du monde des visiteurs, par manque d'un vocabulaire adéquat.
Arrivés à Lutetia (Paris), ils convinrent de se rencontrer de nouveau le jour suivant pour aller étudier le souterrain du palais.
En visitant une par une les cellules, ils trouvèrent effectivement la dalle signalée par un 8. Urim appela deux gardes et, avec grand effort, ils la levèrent. Au-dessous, il y avait un autre escalier de pierre, par où ils descendirent. Ils arrivèrent à un nouveau tunnel qui, au bout d'une dizaine de mètres, s'ouvrait sur une petite crypte. Au milieu, il y avait un petit monument, qui pouvait bien être un petit sarcophage. Sur l'un de ses côtés était taillée en ronde-bosse l'image d'un squelette avec un bâton de berger dans une main et, dans l'autre -qui pendait vers le sol- un petit sablier.
- La tombe du premier Maître! -s'exclama Urim, qui avait regardé la petite inscription: "Ista maximus Propheta" (Ici repose le plus grand prophète).
- Nous devons l'ouvrir pour y mettre le sablier? -demanda De La Rue-. Ou nous devons le mettre à la place de celui-là? -ajouta-t'il en montrant celui de la statue.
- Je ne sais pas. Voyons ce qui se passe en lui approchant le vôtre.
Trompel sortit le sien de sa poche et l'approcha lentement. Il ne se passa rien. Alors, il le retourna, pour que le sable coule.
Il se retrouva dans son bureau de Bruxelles et entendit la sonnette de la porte. Une femme entra.
- Monsieur Trompel, on m'a dit que vous avez déjà aidé plusieurs archéologues en difficulté et c'est pour cette raison que vous m'avez été recommendé comme détective privé. Je suis venue vous voir parce que mon mari, qui est archéologue à la Sorbonne, à Paris, a disparu il y a une semaine et la police locale n'a trouvé aucune piste. L'université ne m'a prêté aucune aide. J'espère que vous, vous pourrez m'aider.
Il s'était endormi et avait eu un rêve de prémonition ou il était revenu en arrière dans le temps? Il devrait retourner aux catacombes de Paris?
FIN
Prochainement: "L'Agence du temps"