Trompel ne s'était pas trompé. L'explosion de la bombe allait être le point de départ d'une effervescence croissante autour du thème écologique. Le lendemain de sa rencontre avec l'éditeur en chef, le site web du "Service Publique Fédéral de la Santé, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement" apparaissait piraté.
Au lieu de ses nouvelles et des hyperliens à ses services y à d'autres organismes parents, la couverture présentait des résumés des critiques à la théorie du changement climatique, des dénonciations de négoces irréguliers et dangers des vaccinations massives, et des accusations en relation aux restrictions des aliments transgéniques, tout "ne servant qu'aux transnationales pour empêcher l'avancement des pays en voie de développement et les maintenir dans une extrême pauvreté" ou même "contrôler la croissance de sa population au moyen de la famine".
Le secrétaire du ministère avait contacté la PJ dès qu'il en fut averti par le responsable du site web, incapable de rétablir la page officielle.
Si la bombe du boulevard Lambermont avait provoqué la réaction concertée des divers mouvements écologistes belges et des messages de réclamation dans leurs propres pages web, l'altération illégale de la page du ministère menait la "guerre" au monde numérique. Des messages tant à l'appui des politiques officielles comme contre elles se multiplièrent dans les réseaux sociaux. Et, après le ministère, ces organisations furent aussi l'objet d'attaques contre leurs serveurs web. Dans certains cas, le contenu du site changeait abruptement, et dans d'autres le serveur tombait en panne fruit d'une attaque de dénégation de service, c'est-à-dire bombardé de tant de demandes de contact qu'il leur était impossible de répondre. Cela démontrait l'existence d'un groupe avec assez de puissance pour développer une attaque de grande envergure, et le département d'informatique de la PJ dut former une équipe spéciale pour se charger exclusivement de cette guerre numérique qui était peut-être liée aux faits de violence physique déjà observés.
L'auto de Remy avait été emmenée au parking de la centrale de la PJ. Deux jours plus tard, un autre policier qui passait à côté sentit une odeur de décomposition. Il fit ouvrir le coffre et on y découvrit un cadavre. Il devait y avoir été mis la nuit du jour où Remy avait disparu. De jour, il passait beaucoup de gens là où l'auto était restée, mais la nuit ne passait presque personne, et il n'y avait pas de caméra de surveillance. L'autopsie confirma le moment du décès. Le mort avait en poche une carte de l'hôtel "Auberge de la Grand-Place", mais pas de documents d'identité. On prit une photo de la victime, et Servais s'en fut avec elle à cet hôtel, à la rue des Pierres, pour obtenir toute l'information possible sur cette personne.
Plus que d'un hôtel, il s'agissait une auberge à prix réduit, avec des chambres très simples, sans salle de bain, et peu de services. Son seul avantage, à part le prix, était la proximité de la Grand-Place. Le comissaire apprit ainsi que la victime s'appelait De Groote et avait présenté une carte d'identité hollandaise. Il était arrivé une semaine auparavent et on ne l'avait pas vu depuis deux jours, ce qui était évident pour la police, puisqu'il était dans le coffre de l'automobile. Il trouva dans la chambre une petite valise avec des vêtements de rechange pour deux ou trois jours et des feuillets en néerlandais correspondant à des groupes écologistes, avec des textes soulignés et parfois la mention "leugen" (mensonge), ce qui pouvait être une piste. Serait-ce un activiste anti-écologiste qui s'était trouvé sur le chemin de l' "Ecologie Nouvelle"? Comme il était hollandais, Servais envoya une demande de renseignement aux Pays-Bas au travers d'Europol.
Le lendemain, la police hollandaise répondait que c'était un détective privé et que, dans son bureau de La Haye, ils avaient trouvé un dossier sur l'ONG "Ecologie Nouvelle" qui coïncidait avec une annotation dans son agenda correspondant à son voyage à Bruxelles pour visiter celle-çi.