Chapitre 3.
Entre temps, Trompel s'était aussi mis à enquêter sur madame Lemie. Il eut d'abord une entrevue avec son mari, qui lui raconta comment ils s'étaient connus, quand ils s'étaient mariés et ses activités habituelles. Martine Lemie, de nom de jeune fille Vandeput, était comptable et prêtait ses services dans l'entreprise qui appartenait au père d'André Lemie. Ils s'y firent amis puis courtisèrent et finalement se marièrent. Elle avait toujours été très religieuse, assistant à la messe tous les dimanches et participant aux activités sociales de la paroisse. Elle avait abandonné son travail loresqu'elle avait eu son premier enfant.
Trompel demanda s'ils avaient commenté les accusations d'abus sexuels et de pédophilie contre les prêtres, ce qui avait éclaté comme scandale et occupé les média prendant plusieurs semaines.
- Bien sûr. Nous étions très surpris et scandalisés. Elle m'a commenté plus d'une fois que cela la rebiffait beaucoup et se demandait si elle devait continuer à collaborer avec l'Eglise. Comme je suis très ami de l'évêque de Liège et qu'elle supervisait aussi ses comptes, je lui ai suggéré d'en parler avec lui, pour qu'elle sache comment l'Eglise faisait face à la situation et pour qu'il lui conseille son comportement.
- Et que vous a-t'elle dit après cette conversation?
- Elle n'est pas entrée dans les détails, mais m'a dit qu'ils prendraient des mesures correctives.
- Son comportement changea?
- Pas dans ses habitudes ou visites à la paroisse, mais je l'ai trouvée plus tendue. Généralement elle revenait heureuse de ses visites, mais après les deux dernières -qui eurent lieu après ce voyage à Liège- elle était revenue avec la mine sombre et peu d'envie de parler. Cela m'a surpris et elle n'a pas voulu me donner d'explication quand je lui ai demandé ce qui ce passait.
- Vous savez si elle a rencontré quelqu'un d'autre, en dehors de la paroisse?
- Pas que je sache. Evidemment, je ne suis pas à la maison toute la journée. Elle a pu recevoir quelqu'un ou être sortie, avoir vu des amies ou visité ses parents. Elle ne doit pas me rendre compte de cela.
- Mais si elle avait visité ses aprents, je suppose qu'elle vous l'aurait dit.
- Je le crois bien. Cela serait normal.
- Où vivent-ils?
- A Woluwé, avenue Vander Meersche, près de l'église Sainte-Alix.
- Merci. J'irai les visiter. Je voudrais en savoir plus d'elle. Et ils doivent sûrement aussi être très préoccupés par sa disparition. Je les assurerai que nous faisons tout notre possible pour la trouver.
Après avoir quitté Lemie, le détective se dirigea à l'adresse qu'on venait de lui donner. Les parents de Martine Lemie étaient déjà vieux et sa mère était au lit, gravement malade. En conséquence, il ne parla qu'avec son père. Ce dernier lui donna quelques détails de la personnalité de sa fille -très collaboratrice et pieuse, mais aussi très stricte- et de ses études. Il confirma qu'il n'avait vu sa fille qu'une seule fois après qu'avait éclaté le scandale des prêtres, bien qu'elle téléphonait souvent pour connaître l'état de sa mère. Elle s'était montrée très ennuyée et en faveur de sanctions drastiques tant de la part de l'Eglise comme de la justice ordinaire.
Trompel demanda si elle était fille unique. Vandeput lui répondit qu'ils avaient eu un fils quelques années plus tard et qu'il avait suivi la carrière des armes. Il avait été envoyé au Congo un peu plus d'un an dans le cadre d'une mission de l'OTAN, et était revenu il y a quelques semaines. Il leur avait rendu visite et il était probable qu'il ait rencontré sa soeur, mais pas chez elle, parce qu'il ne s'entendait pas bien avec son mari.
Le détective pensa à demander si ce fils avait la même ferveur religieuse que sa soeur. Vandeput reconnut que ses opinions étaient aussi très critiques et qu'il était aussi furieux du scandale. Pour lui-même et sa femme, le fait que leur fils n'ait pas voulu être prêtre avait été une grande déception et aussi le fait que, au cours de ses dernières années de collège, il avait montré du dégoût pour l'Eglise, sans jamais leur en donner une explication. Enfant, il avait été acolyte et, au collège, il allait fréquemment à la messe, malgré que ce n'était pas obligatoire. Mais cela avait changé totalement au cours de son avant-dernière année de moyenne. Il n'alla même plus à la messe dominicale, malgré les récriminations de ses parents.
Le policer déduisit ainsi qu'il était probable que cet adolescent ait été victime d'une conduite impropre et que le scandale pouvait avoir été un objet de conversation entre frère et soeur. Serait-il l'assassin, accompagné de sa soeur?
Quand il revint au commissariat et commenta ces informations avec Servais, ils décidèrent de tenter de trouver Jacques Vandeput, le frère de Martine Lemie. Au commandement de l'armée, on leur dit qu'il était en congé pour un mois et qu'il n'avait pas d'adresse personnelle enrgistrée, à part le domicile de ses parents comme référence. Ils ne savaient rien de lui depuis son retour du Congo. Servais décida alors de lancer un ordre de recherche, communiqué à tous les bureaux de la PJ et aux commissariats des polices communales. Il demanda aussi à l'armée de lui envoyer plus d'informations sur Vandeput.
Deux jours après, il y eut une bagarre à "La Bécasse", un fameux bar du centre de Bruxelles. Le propriétaire appela la police locale et Vandeput se comptait au nombre des détenus. On l'interrogea sur ses activités des derniers jours et sur sa soeur. Il dit de rien savoir d'elle depuis qu'il l'avait emmenée à la rue Sainte-Gertrude et l'avait laissée au parking de la gare du Midi. Il était ensuite allé une semaine à Ostende, oû il avait logé dans un hôtel, rentrant ensuite à l'apart-hôtel de Bruxelles oû il logeait habituellement quand il était en congé. La police confirma son séjour à Ostence et son registre à l'apart-hôtel, ce qui semblait lui donner un alibi sur base géographique. Il était écarté comme suspect, mais seulement de façon provisoire car le rapport de l'armée ne lui était pas favorable: son congé et retour du Congo étaient motivés par une enquête pour comportement excesivement agressif face à la population locale. La bagarre dans le bar était, évidemment, une autre démonstration de son caractère, qui lui valut dans ce cas une amende et un avertissement sévère.