15.
Deux jours passèrent sans qu'apparaissent de nouveaux éléments. L'enquête piétinait. Mais Servais reçut un appel de la centrale de police: le numéro 112 de Police Secours avait reçu une accusation de crime dans le building où résidait la famille Gossiaux. Il appela Trompel et ils partirent ensemble voir de quoi il s'agissait.
Le concierge du bâtiment leur expliqua qu'en nettoyant le corridor du quatrième étage, où vivaient les Gossiaux, la femme de ménage avait trouvé leur porte entrouverte. Elle sonna, mais n'obtint pas de réponse, et alerta alors le concierge. Celui-çi monta et entra. Il trouva alors dans le couloir la cadavre de la fille, dans une flaque de sang. Il appela inmédiatemente le 112, puis entra dans la chambre de madame Gossiaux, l'y trouvant avec une balle dans la tête.
Servais et Trompel trouvèrent les choses comme décrites. Ils purent reconstruire facilement les faits: sans aucun doute l'assassin était entré sans faire de bruit et avait tué la femme dans son lit, pendant qu'elle dormait. Mais, même s'il avait employé un silencieux, la fille avait dû entendre du bruit, s'était levée et s'était trouvée face à face avec le criminel dans le couloir, se lançant sur lui. Ils avaient lutté et il lui avait tiré dans l'estomac avant de s'échapper. Susanne, face au sol, avait sans doute tenté d'arriver au salon pour appeler par téléphone, mais ne put avancer que deux mètres.
Pendant que Servais rentrait à son bureau, Trompel attendit l'arrivée des techniciens puis retourna interroger le concierge et commença a interroger les voisins, bien qu'avec peu d'espoir d'obtenir plus d'informations sur le coupable. Le concierge répéta qu'il n'y avait pas de contrôle permanent dans l'immeuble, ni gardes ni caméras. Il n'était pas là de nuit et, de ce fait, ne savait rien. De jour, son rôle n'était pas non plus de monter la garde, et ne connaissais donc pas les visiteurs des locataires. Son travail était uniquement de vérifier le bon fonctionnement des ascenseurs et du chauffage central, ainsi que de vérifier le nettoyage à l'intérieur et à l'extérieur.
Finies ses entrevues, Trompel retourna à l'appartement, vérifiant que l'unité de la morgue avait retiré les cadavres et que les techniciens terminaient l'inspection et le prélèvement des empreintes. Ils lui confirmèrent que la porte ne semblait pas avoir été forcée, et donc que l'assassin pouvait avoir disposé d'une clé. Ils lui dirent aussi qu'ils n'avaient trouvé aucune douille et que l'arme était donc un revolver. Les balles étaient dans les victimes, ce qui semblait confirmer l'emploi d'un silencieux, qui avait freiné les balles. Le médecin légiste pourrait les récupérer.
Quelques heures plus tard, à son bureau, le rapport technique répétait exactement celui qui correspondait à l'assassinat de Gossiaux: il n'y avait pas d'empreintes étrangères à la famille. Et il semblait que rien n'avait été volé. Le rapport d'autopsie indiquait aussi l'emploi de balles de calibre .38, mais, cette fois, il y avait une évidence incriminatoire: Suzanne avait pu griffer son attaquant et conservait des restes de sa peau sous les ongles d'une de ses mains. On pourrait donc en analyser l'ADN et, si on ne le trouvait pas dans les bases de données d'Interpol, on pourrait le comparar avec celui d'un suspect si on en avait un.
La publication de la nouvelle permit de trouver les membres de la famille des victimes mais, contactés par la police, tous affirmèrent ne pas avoir de clé de l'appartement. Servais envoya Trompel parler de nouveau avec Van Acker, associé de Gossiaux dans l'Ecologie Nouvelle. Le détective lui demanda de nouveaux détails sur ses relations. Il indiqua qu'il n'avait avec lui aucune relation en dehors de ce qui était purement commercial ou financier, dans le cadre de l'ONG. Il ne connaissait pas sa famille et n'avait jamais été chez lui. Ils se rencontraient d'habitude dans les locaux de l'ONG, à la Tour Midi, parfois avec Chapelle et Slate. Il estimait que Gossiaux et Slate semblaient être très proches alors que Chapelle semblait un compère peu important. A ce qu'il savait, Sekurelek s'occupait aussi de la sécurité des entreprises du défunt. Peut-être que Gossiaux était aussi contrôlé par Slate, comme il l'avait été lui-même. Il pensait probable qu'il y aurait des caméras de surveillance et des microphones occultes dans son appartement et que Slate pouvait en avoir une clé, pour y entrer lorsqu'il n'y avait personne.
La police savait maintenant que Sekurelek avait élaboré les plans de l'attaque à l'immeuble de la Bourse de Bruxelles et de la libération de Verbeeck. Et aussi qu'ils contrôlaient Van Acker et probablement Gossiaux et Chapelle. S'ils avaient démonté rapidement leur bureau et avaient disparu, peut-être que les chefs étrangers avaient décidé d'éliminer toutes les pistes et, donc, d'assassiner leurs associés belges, surtout après avoir su que Van Acker était sous protection de la police et révélerait tout ce qu'il savait de leurs opérations. Gossiaux avait été tué et sa famille s'était d'abord échappée du fait d'être à l'étranger. Mais l'assassin était retourné pour "finir le travail". Et il pourrait avoir fait de même avec Chapelle: personne n'avait pu le trouver, ni lui ni sa famille. Ils pouvaient avoir été séquestrés ou bien avaient réussi à fuir le pays sans laisser de trace. Il était évident que le responsable ne pouvait être autre que James Slate ou un tueur à gages engagé par celui-çi. Il était indispensable de le trouver pour que l'enquête puisse encore progresser et libérer finalement sans risque Van Acker et sa famille.
Le lendemain, le capitaine d'un navire qui faisait habituellement la traversée de la Méditerranée depuis Malaga vers le Marroc avertissait la police portuaire de ce qu'un étranger, avec accent anglais ou américain, l'avait abordé pour lui demander de le transporter à Tétouan en évitant les contrôles. Il lui avait offert 20.000 euros et le capitaine lui avait donné rendez-vous pour le lendemain. Quand Slate se présenta, ce furent des effectifs de la Garde Civile espagnole qui le reçurent et l'arrêtèrent. Le jour suivant, ils prenaient avec lui un train vers Madrid, où ils réalisèrent les formalités d'extradition vers la Belgique, où il était recherché pour séquestre et assassinat.